Douze ans avant que les comptables agréés ne voient enfin le bout du tunnel. Le projet de loi instituant la création de leur Ordre, bloqué au Secrétariat général du gouvernement depuis 2000, a été validé en mars dernier, non sans un forcing régulier de ces professionnels. Non sans réalisme aussi. En effet, bien des révisions ont été introduites à ce projet de loi depuis sa première mouture. Ambitieuse, la version initiale du texte déposée sur le bureau du ministère des Finances en juillet 1998 réclamait l'élargissement des attributions des comptables agréés. Plus spécifiquement, ils revendiquaient le droit d'exercer le commissariat aux comptes et de se prononcer sur la régularité des sociétés. Certes, ils ne ciblaient qu'une catégorie d'entreprises, à savoir celles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de dirhams. Reste qu'ils s'attaquaient de front au monopole des experts-comptables, ce qui explique bien tous les efforts de lobbying déployés ultérieurement par cet Ordre pour bloquer le projet de loi. L'autre proposition qui avait du mal à passer est l'idée d'une passerelle d'accession au titre d'expert-comptable pour les comptables agréés. Ces derniers lorsqu'ils cumuleront un certain nombre d'années d'ancienneté dans la profession pourront être inscrits à l'Ordre des experts-comptables. Soutien «officiel» des experts-comptables Réalistes donc, les comptables agréés ont progressivement abandonné les revendications qui avaient du mal à passer. «Il en est ressorti des propositions pragmatiques, basées sur l'existant», dit-on, et au final un projet de loi qui a reçu dernièrement l'aval du Conseil de gouvernement. Les comptables bien partis pour parvenir à leur fin ? Ce serait aller vite en besogne. Les observateurs anticipent encore d'ultimes efforts de lobbying au niveau du Parlement où le projet de loi doit recevoir sa validation définitive. Et l'on s'y attend, l'Ordre des experts-comptables en serait la source. Certes, officiellement cet Ordre soutient le projet de réglementation de la profession de comptable, étant donné que celle-ci a bien besoin qu'on y mette de l'ordre, mais dans les coulisses, la tension est palpable. D'une part, on reproche à l'Ordre en devenir des comptables agréés de ne pas fixer la barre assez haut pour recruter ses membres, ce qui pourrait être pénalisant à terme pour l'ensemble de la profession. D‘autre part, on dispute aux comptables agréés leur volonté de se constituer en Ordre argumentant qu'on ne peut instituer plusieurs Ordres dans la profession comptable sans créer de confusion. Aussi, l'institution d'un ordre suppose que celui-ci bénéficie d'un monopole dans son activité. Ce qui n'est pas le cas pour les comptables en l'occurrence. Car les comptables agréés ne disposeront que d'un monopole limité dans la mesure où ils partageront la tenue de la comptabilité avec les experts-comptables. Il ne faudrait pas en tout cas espérer négocier sur ce dernier point, car les experts-comptables tirent également une bonne partie de leurs revenus de la comptabilité, activité bien répartie sur l'année, à l'inverse de la certification ou de l'audit qui demeurent, faut-il le rappeler, l'apanage d'une poignée de poids lourds de la profession. Comptable agréé? C'est tout l'enjeu de la réglementation de la profession de comptable agréé. Dès son article premier, le projet de loi présenté par les comptables agréés définit cette activité. Est comptable agréé celui qui fait profession habituelle de tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, suivre, superviser et redresser les comptabilités des entreprises et organismes qui font appel à ses services et auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail. Le comptable agréé peut aussi analyser et organiser les systèmes comptables, conseiller et entreprendre des travaux d'ordre juridique, fiscal, financier, comptable, économique, organisationnel et en gestion de manière général se rapportant à la vie des entreprises et des organismes, établir toutes les déclarations juridiques sociales, fiscales et administratives en rapport avec les travaux comptables, assister et représenter ses clients auprès de l'administration, intervenir dans le diagnostic et l'évaluation de l'entreprise, ainsi que dans ses relations avec les organismes financiers. Au vu de ces dispositions, nul n'est autorisé à faire usage de l'appellation de cabinet comptable ou de fiduciaire comptable ou de société d‘entreprise de comptabilité s'il n'est pas inscrit à l'Ordre des comptables agréés, sous peine de sanctions pénales, à l'exception bien évidemment des experts-comptables.