Que faut-il penser du dernier rapport d'Amnesty International ? Jusque-là, pas de réaction officielle de la part du Maroc. Vendredi, lors de la présentation de ce rapport, Philip Luther, directeur adjoint du département Moyen-Orient/Afrique du Nord au sein de l'association de défense des droits de l'homme, a qualifié la réaction des autorités marocaines de «sage» en ce qui concerne les dernières marches de la rue par rapport aux événements «extrêmement dramatiques» qui ont eu lieu dans d'autres pays de la région. S'agissant du processus de réforme constitutionnelle, le même responsable n'a pas hésité à dire que cette refonte ouvre d'importantes opportunités et s'est dit convaincu que les représentants de la société civile, en particulier les défenseurs des droits humains, seront associés à ce processus prometteur de réformes. Autre bonne note, la grâce royale ayant profité à 190 détenus en avril dernier. Philip Luther s'est félicité de ce geste tout en mettant en avant l'intérêt des réformes engagées par le pays. À chaud, on a l'impression que le Maroc a été un bon élève, selon les critères d'Amnesty. Mais à lire ce rapport, on se rend compte que l'association des droits de l'homme siégeant à Londres n'a pas été si clémente envers le royaume. Elle dénombre un certain nombre de griefs dans le comportement des autorités marocaines. «La liberté d'expression, d'association et de réunion était toujours restreinte, tout particulièrement à propos de questions considérées comme politiquement sensibles, notamment le statut du Sahara...», lit-on dans ce rapport qui couvre la période janvier-décembre 2010. Il y a lieu de relever que les principales remarques de l'ONG internationale étaient structurées par sa prise de position en faveur du Front Polisario. Plus de la moitié du chapitre consacré à la situation des droits humains au Maroc tournait autour de la question et de l'incapacité de l'ONU à pallier les défaillances dénoncées par Amnesty et qui engendrent souvent des dérapages. «En octobre, des milliers de Sahraouis ont dressé un campement à Gdim Izik, à quelques kilomètres de Laâyoune, pour protester contre la marginalisation», commente le rapport. Sur un autre volet, l'ancien CCDH dirigé par Ahmed Herezni a également été critiqué par Amnesty, notamment avoir manqué de «donner une liste exhaustive des personnes disparues ni aucun détail sur des cas individuels» que le Conseil était chargé de divulguer. Amnesty a aussi trouvé des brèches dans la lutte gouvernementale contre le terrorisme. «Les personnes accusées d'infractions liées au terrorisme ne bénéficiaient pas d'un procès équitable. Certaines ont été déclarées coupables sur la base d'«aveux» qui auraient été obtenus sous la contrainte, et les tribunaux n'ont ordonné aucune enquête sérieuse sur leurs allégations», relèvele rapport qui ajoute aussi des dépassements des périodes des gardes à vue. Pour la situation des droits de l'homme au Sahara, le ton du rapport 2011 devient curieusement moins tranchant. La responsabilité du Front Polisario dans l'arrestation de Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud a été très peu mise en avant et le rapport s'est contenté de mentionner que le «Polisario n'a pris aucune mesure pour mettre fin à l'impunité dont bénéficiaient ceux qui étaient accusés d'avoir commis des atteintes aux droits humains dans les camps durant les années 70 et 80». Dans le chapitre de la liberté religieuse, un seul cas a été relevé par Amnesty et concerne «l'expulsion au cours de l'année de 130 chrétiens étrangers, parmi lesquels figuraient des enseignants et des travailleurs humanitaires. Ils étaient, semble-t-il, soupçonnés de prosélytisme».