Idée de base : la création d'opérateurs multiservices par régions. La CDG, l'ONE, l'ONEP et les régions parties prenantes du projet. Une étude pour arrêter le montage institutionnel et valider les propositions sera lancée dans les semaines à venir. Une révolution dans la distribution d'eau, d'électricité et l'assainissement liquide est actuellement en gestation. Chef de file de cette opération, le ministère de l'Intérieur, qui s'apprête à lancer dans les semaines à venir une étude qui pourrait totalement changer la configuration du modèle actuel. De quoi s'agit-il ? En 2003, ce même département avait sollicité le cabinet Mc Kinsey pour la réalisation d'un diagnostic du schéma de la distribution des services publics au Maroc. Dans son rapport, le cabinet avait mis en exergue trois recommandations, érigées en axes d'intervention. Le premier axe concerne la régionalisation ou le regroupement de plusieurs régions afin d'atteindre une taille critique qui puisse leur assurer une gestion optimale de la distribution, mais aussi de rentabiliser l'opération en capitalisant sur une solidarité entre l'urbain et le rural. Deux scénarios sont en compétition actuellement. Le premier préconise cinq régions, l'autre sept. Deuxième axe de la réforme, la contractualisation entre la région concernée et les fournisseurs du service à l'instar des concessions privées déjà opérées à Casablanca, Rabat et Tanger. Le troisième et dernier axe porte sur la généralisation du multiservice. Autrement dit, il s'agit de confier à un seul opérateur la distribution de l'eau, de l'électricité et la gestion de l'assainissement liquide. Objectif : associer les services de l'ONE, de l'ONEP et des collectivités locales afin de profiter des synergies entre les différentes parties, notamment en matière de voiries communes, de moyens de transport, d'expériences, de bases de données… «Cette synergie permettra également d'appliquer un tarif étudié. Sans quoi, le prix de la prestation restera élevé pour la population, en raison principalement du coût de l'assainissement dont les infrastructures sont inexistantes dans certaines régions», explique une source au ministère de l'Intérieur. Deux régions pilotes avant la généralisation Il s'agit donc d'un projet de taille. Avant de s'y engager, ses promoteurs ont opté pour la prudence en privilégiant de tester la faisabilité du schéma sur deux groupements de régions pilotes. C'est dans ce sens que sera lancée incessamment une étude financée par la Banque mondiale et qui couvrira deux zones. La première : Oujda, Nador, Al Hoceima, Taza et Taounate. La deuxième comprend celles de Chaouia-Ouardigha (Settat, Khouribga..) et Abda-Doukkala (El Jadida, Safi et leurs provinces) en remplacement de la région de Tadla-Azilal retenue au départ. «L'étendue de chaque zone est un compromis entre la géographie et la population puisqu'il faut atteindre une taille critique qui justifiera l'expérience et la rendra surtout rentable», explique une source autorisée au ministère de l'Intérieur. Cette étude, dont les résultats seront éprouvés un an après son lancement, permettra de tester la faisabilité de la restructuration et de fournir le schéma d'implantation et des recommandations pour sa généralisation à tout le pays. Elle devra aussi fixer la forme juridique du futur opérateur multiservices régional et en arrêter le montage institutionnel. Parmi les options figure, entre autres, la création de sociétés anonymes par régions, dont le capital sera détenu par l'ONE, l'ONEP, la CDG et la région concernée. L'objectif d'un tel scénario «est de montrer la fiabilité financière de l'opération afin d'intéresser des opérateurs privés nationaux ou étrangers à y investir dans un deuxième temps. Comme il s'agit de développer une expertise nationale en la matière, en capitalisant sur le savoir-faire cumulé au niveau des expériences de la Lydec, de la Rédal et Amendis oà1 des investisseurs institutionnels nationaux font partie du tour de table», explique la même source. Un tel schéma obligera les opérateurs actuels, l'ONE et l'ONEP, à repenser leur organisation et leur déploiement territorial. A l'Intérieur, l'on précise que les deux entreprises publiques sont appelées à opérer une séparation des métiers (production et distribution) et à filialiser leurs activités. «A ce niveau, l'étude devra fournir des solutions pour l'épineuse question du statut du personnel, la gestion du patrimoine de chaque opérateur et le nombre des abonnés futurs», est-il souligné. Dans tous les cas, le chantier mené par le ministère de l'Intérieur devra tenir compte d'un autre projet, qu'il mène conjointement avec le département de l'Aménagement du territoire, de l'environnement et de l'eau. Il s'agit en l'occurrence du programme national d'assainissement liquide et d'épuration des eaux usées, qui sera lancé cette année et s'étend jusqu'en 2015 (voir encadré p. 18). 43 milliards de DH pour l'assainissement liquide Le programme national d'assainissement liquide et d'épuration des eaux usées se fixe deux objectifs. Le premier est d'atteindre un taux de raccordement global au réseau d'assainissement de plus de 80 % en milieu urbain et de réduire la pollution de l'eau de 60 % au moins. 260 villes et centres urbains totalisant plus de 10 millions d'habitants devront bénéficier de cette opération qui exclut les agglomérations qui ont déjà concédé ce service. Le montant de d'investissement nécessaire est de 43 milliards de DH dont 38 % serviront à la réalisation des infrastructures liées à l'extension et la réhabilitation des réseaux, les ouvrages d'interception, de pompage, d'acheminement des eaux usées vers les stations d'épuration sur une longueur de 2 300 km et 28 % pour la réalisation de 260 stations d'épuration. Pour le financement, la contribution du Budget général de l'Etat est programmée. Deux scénarios sont envisagés. Le premier prévoit une participation à hauteur de 800 MDH par an dès 2006, soit 29 % du programme. Le deuxième prévoit 1,05 milliard de DH, soit 38 % du total. Le complément sera assuré par les usagers qui devront supporter une hausse des tarifs qui passeront de 2 DH le m3 en moyenne en 2005 à environ 3,50 DH le m3 en 2020, soit une participation de 71 % au titre du scénario 1 ou de 62 % pour le scénario 2. Quel que soit le scénario, «45 % du programme (18,8 milliards de DH) seront pré-financés sur emprunts auprès de bailleurs de fonds internationaux», peut-on lire sur le document de présentation du programme dont «La Vie éco» s'est procuré copie. Plusieurs bailleurs de fonds seront à cet effet sollicités, dont la Banque mondiale, l'Union Européenne et la Coopération japonaise. Outre l'amélioration des conditions de vie de millions de personnes, les impacts de ce programme sont aussi d'ordre financier et écologique. En première ligne figure une économie de 4,3 milliards de DH, l'équivalent du coût de la pollution des eaux en raison de l'absence de réseaux d'assainissement. S'y ajoutent des recettes fiscales additionnelles (TVA, IGR, IS) de l'ordre de 380 MDH par an en plus de la création de 10 000 emplois «Il y a un consensus sur les termes de référence de l'étude» La Vie éco : Selon des parties prenantes à l'opération, la Banque mondiale a exprimé des réticences par rapport aux termes de référence de l'étude, moins libéraux qu'au départ… Farid Belhaj : Les termes de référence sont très ouverts et ne préjugent en rien des conclusions de l'étude. Il y a eu consensus au sujet de ces termes. Sachant encore une fois que si nous étions dans une situation oà1 les résultats seraient prédéterminés, l'étude ne serait pas lancée. Nous comptons vraiment sur le travail qui sera fait pour éclairer davantage les différentes options qui seront proposées pour que le gouvernement puisse prendre sa décision. La date de lancement de l'étude est-elle déjà fixée ? Elle devra démarrer au cours des prochaines semaines. Du moment que les termes de référence ont été agréés par l'ensemble des parties prenantes, il faut faire passer cela par les circuits d'approbation de la Banque et passer par la suite à la phase de lancement de l'appel d'offres pour la sélection des bureaux d'étude. Le multiservice préconisé par l'étude Mc Kinsey est une expérience peu répandue à l'échelle mondiale. Sera-t-il adapté au contexte marocain ? Les consultants devront étudier le cas marocain et venir avec des propositions qui devront être précises et prendre en considération les aspects spécifiques au Maroc. Les termes de référence donnent simplement le cadre global d'une stratégie de gestion des services au Maroc. A partir de là , les consultants détermineront l'approche la plus adéquate à adopter Propos recueillis par aniss maghri