Des donneurs d'ordre qui avaient quitté le pays commencent à revenir. La flambée du pétrole, rendant le coût du fret plus élevé, est un autre élément positif en faveur du Maroc. Les industriels du textile peuvent pousser un ouf de soulagement. Le blocage des produits textiles chinois par les douanes des pays de l'Union Européenne, pour cause de dépassement des quotas d'importation, devrait, sans aucun doute, être profitable au Maroc. Il est encore trop tôt pour chiffrer les répercussions sur les carnets de commandes. Mais une chose est sûre, de grands donneurs d'ordre internationaux, qui avaient quitté le Maroc – totalement ou partiellement – pour la Chine, dont Décathlon ou encore Zara, ont fait le forcing cet été pour trouver des sous-traitants. Le problème est qu'une bonne part des entreprises de textile marocaines étaient en congé annuel. Les sous-traitants spécialisés dans le façonnage de la maille ont été les plus sollicités, les distributeurs européens étant préoccupés par l'approvisionnement en articles de la collection hivernale. Les donneurs d'ordre veulent diluer le risque géographique Dans tous les cas, il apparaît que les donneurs d'ordre européens continueront à composer avec les sous-traitants des pays du pourtour de la Méditerranée au moins dans une optique de dilution du risque géographique. «Il s'agit d'éviter de mettre tous ses œufs dans le même panier», précise Abdelali Berrada, ex-dg de l'Amith (Association marocaine des industries du textile et de l'habillement) et consultant auprès de l'ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le développement industriel). Le risque géographique peut porter sur les quotas d'exportations, comme c'est le cas actuellement, ou encore sur des catastrophes naturelles potentielles, comme pourrait l'être la grippe aviaire en Asie. Selon M. Berrada, les donneurs d'ordre de petite et de moyenne taille préféreront continuer à commander dans la région méditerranéenne, car ils ne maîtrisent pas la logistique des importations à partir de la Chine. Autre facteur important qui milite en faveur d'un retour des commandes textiles sur le marché marocain : la flambée des prix du pétrole. Selon Karim Tazi, président de l'Amith, la crise pétrolière, aujourd'hui bien installée, entraînera une flambée des prix des différents modes de transport. De ce fait, l'avantage de proximité de l'industrie marocaine du textile par rapport aux marchés européens sera mis en exergue. Toutefois, Jawad Hamri, membre du bureau de l'Amtih, relativise cet avantage, en précisant que les coûts de logistique demeurent très pénalisants pour le Maroc même par rapport à des pays plus éloignés de l'Europe. Il faudrait, selon lui, une mise en application rapide de la réforme portuaire pour que le renchérissement du prix du pétrole puisse constituer un avantage comparatif. Les effets de cette situation favorable sont cependant limités dans le temps puisque la décision de fixer des quotas d'exportation à l'industrie chinoise expire en 2007. De plus, il se pourrait qu'après cette date les conditions d'approvisionnement deviennent encore plus difficiles en cas de disparition des unités de tissage européennes. La création de plates-formes d'exportation est jugée nécessaire Par ailleurs, la crainte du président de l'Amith est que ces nouvelles donnes, favorables à l'industrie marocaine de textile, n'entraînent le report du plan de restructuration du secteur. Il faut en effet tenir compte du fait que le Maroc est en concurrence avec les autres pays du pourtour de la Méditerranée: Turquie, Tunisie ou encore Egypte. Il doit continuer à renforcer ses avantages comparatifs. Cette restructuration porte, selon M. Tazi, sur une modification du concept de la sous-traitance. Deux options s'offrent à l'industrie du textile. La première est que les industriels disposent d'atouts leur permettant d'opérer une mutation vers une créativité et une réactivité plus importante. Dans le cas contraire, deuxième option, ils devront se rallier à une plate-forme d'exportation. L'idée est que celle-ci soit marocaine, créée par des sous-traitants ayant déjà réussi leurs mutations. Les plates-formes d'exportation seront en charge de la création de collections pour les donneurs d'ordre européens, des approvisionnements en tissu ou encore du contrôle des produits finis et des expéditions. Ces plates-formes auront l'avantage de fonctionner à flux tendus et de réduire les coûts des donneurs d'ordre. Ceci est, selon M. Berrada, primordial pour les distributeurs européens engagés dans une concurrence sans merci. Il reste qu'une adaptation de la fiscalité s'impose pour que les sous-traitants qui veulent se rallier à une plate-forme d'exportation continuent à profiter des avantages accordés aux exportateurs. L'idée est lancée. D'ailleurs, M. Tazi estime que celle-ci a bénéficié d'une écoute favorable auprès de l'administration des Impôts. Enfin, M. Hamri estime que l'industrie textile marocaine pourrait profiter pleinement de l'instauration des quotas pour les exportations chinoises à condition que l'environnement soit rapidement amélioré par la mise en place du plan de relance dont la signature entre l'Amith et le gouvernement est prévue pour la deuxième quinzaine du mois de septembre. Mais, selon M. Tazi, ce plan de relance n'aurait de sens que dans le cas de la ratification de l'accord de libre-échange avec la Turquie qui permettra le cumul diagonal, ou, en d'autres termes, l'exportation en franchise de droits de douane vers l'Europe, dans le cas où 60% de la valeur ajoutée serait réalisés à la fois au Maroc et en Turquie. Reste également la ratification de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis, qui offre l'opportunité de nouveaux débouchés. Le plan de restructuration du textile devrait être finalisé d'ici à la mi-septembre.