Pour le Maroc, le prix moyen d'approvisionnement sur la première quinzaine de juin est de 51 dollars. Les rares experts qui avaient avancé, il y a quelques mois, l'hypothèse d'un baril de pétrole à 70 ou même à 100 dollars, ne semblent pas avoir fait une lecture à la légère de la conjoncture énergétique internationale. En début de semaine en effet (20 juin), le prix du baril à New York enregistrait un nouveau record historique avec près de 60 dollars pour livraison en juillet, tandis qu'à Londres le brent s'échangeait à 58,54 dollars pour livraison en août. La décision de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) prise il y a quelques jours, de relever d'un demi-million son quota de production à partir de juillet prochain, ressemble à cet égard à un coup d'épée dans l'eau. Sauf que ce cartel des pays exportateurs d'or noir a bien pris soin de prévenir que son «geste symbolique» n'aurait de toute façon aucun impact sur les prix, tant ceux-ci dépendent de paramètres qui ne sont pas exclusivement de leur ressort. Les analystes expliquent en effet que les raisons de cette flambée sont à chercher moins dans le niveau de production, donc de l'offre, que dans la spéculation qui s'aiguise de jour en jour, dans la saturation des capacités de raffinage et, bien sûr, dans la boulimie des économies chinoise, américaine, indienne, etc. Pour les pays consommateurs en tout cas, le résultat est là : cette course folle au pétrole, à défaut de la contrer par des mesures qui tiennent tout à la fois d'une politique adéquate d'économie d'énergie et de développement des énergies alternatives, ne peut qu'affecter la croissance de chacun et de tous. Le Maroc, importateur à hauteur de 97 % de ses besoins en énergie, est plus que jamais interpellé sur la nécessité de mettre en place une telle politique, comme le rappelle Rachid Talbi Alami, ministre délégué auprès du premier ministre, chargé des Affaires économiques et générales. En attendant, que faire ? Répercuter la hausse sur les consommateurs ? La décision n'est évidemment pas encore prise, mais personne ne voit comment elle pourra être évitée. Mais on en saura davantage à la fin du mois, à l'occasion de l'élaboration de la structure des prix pour la première quinzaine du mois de juillet. En tout cas, le ministre de l'Energie tout récemment, son collègue des Finances avant lui, ont tous déclaré que le moment était venu de revenir au système d'indexation mis en place en 1995 et provisoirement abandonné depuis 2000. Fathallah Oualalou avait même déclaré, il y a déjà quelque temps, qu'au-delà de 40 dollars le baril la répercussion à la pompe devenait inévitable. Certes, le retour à ce système est timidement amorcé, d'abord en août 2004 puis le 16 mai dernier avec une augmentation des prix à la pompe de quelque 50 centimes le litre. Mais ces petits réajustements sont loin d'éponger le gap qui sépare les prix intérieurs des prix à l'international ; si bien d'ailleurs que même avec la hausse de mai, l'Etat continue de supporter 70 centimes par litre de gazole. Sans rien dire des autres produits. Sur les six premi 05, la charge de compensation s'élève à 3,3 milliards de DH Résultat : sur les six premiers mois de cette année, les charges de compensation supportées par l'Etat au titre du pétrole et du gaz s'élèvent à 3,3 milliards de DH. Selon des estimations, la charge de compensation pour les six mois restants, sur la base d'un baril à 51 dollars (prix moyen de la première quinzaine de juin), atteindrait près de 3 milliards de DH. Sur l'année, cela fait un total de plus de 6 milliards de DH rien que pour le pétrole et le gaz. Avec la farine et le sucre (4 milliards de dirhams), la charge totale se monterait à 10 milliards de dirhams. Or, les charges de compensation, tous produits confondus, prévues dans la Loi de finances 2005 ne sont (et c'est déjà beaucoup) que de 5,3 milliards de DH, soit 1,2 % du PIB. Il faudra donc bien trouver les 5 autres milliards manquants, et ceci dans la seule hypothèse d'un baril à 51 dollars. Mais si, en été, période habituellement de repli des prix, ceux-ci frôlent les 60 dollars, que se passera-t-il en hiver où la consommation augmente beaucoup, en particulier dans les pays occidentaux en raison du froid qui y sévit ? Il faut savoir que pour chaque dollar d'augmentation du prix du baril, cela nous coûte 30 MDH par mois. N'eût été la légère hausse intervenue le 16 mai dernier et qui a fait passer le prix d'équilibre de 35 dollars prévu initialement à 40 dollars, la facture serait encore plus lourde. Car n'oublions pas que dans les charges de compensation prévues dans la Loi de finances (5,3 milliards de DH), il y a non seulement la prise en compte des hausses de 2005, mais aussi le paiement des arriérés de 2004 dus aux sociétés pétrolières. La Caisse de compensation précise à ce propos qu'elle vient de débloquer 500 MDH d'arriérés, et il lui reste à régler 800 millions, toujours au titre de 2004. L'effort est donc colossal, supporté bien sûr par le budget de l'Etat, mais aussi, et peut-être surtout, par les distributeurs dont la trésorerie doit être sérieusement malmenée. Mais la seule question qui vaut est celle-ci : jusqu'à quand ? Déjà le 1er juin dernier, une autre augmentation de 30 centimes allait avoir lieu. Le gouvernement a préféré temporiser.