Professionnels du plastique et autorité de tutelle peinent à accorder leurs violons. Pour identifier les besoins, le ministère de tutelle a mis en place un questionnaire électronique mais qui ne fait pas l'unanimité. Depuis l'adoption en novembre dernier, et en un temps record, de la loi n°77-15 portant interdiction, à compter du 1er juillet prochain, de la fabrication, de l'importation, de la commercialisation et de l'utilisation de sacs en matière plastique non dégradable, le ministère de l'industrie, du commerce, de l'investissement et de l'économie numérique et les industriels tentent tant bien que mal d'accorder leurs positions. Du côté du ministère, trois niveaux d'action ont ainsi été identifiés. «Tout un arsenal de mesures est en cours de déploiement pour accompagner, techniquement, voire financièrement, les industriels inscrits dans l'économie formelle», nous indique-t-on au ministère. C'est ainsi qu'une enquête est menée actuellement auprès des 104 unités formelles répertoriées. Il s'agit, pour le ministère, d'identifier les besoins, l'état du parc, mais aussi les possibilités de reconversion de ces unités. Une plate-forme électronique a déjà été mise en place pour recueillir les informations auprès des entreprises. Celle-ci est cependant loin de faire l'unanimité. «La diffusion du questionnaire est laborieuse. Plusieurs industriels n'ont pas encore reçu ce document et le secteur, à faible encadrement, est constitué majoritairement de PME et TPE qui ne sont pas de grands utilisateurs d'Internet. Beaucoup ont du mal à avoir confiance dans la démarche adoptée par le ministère de tutelle», constate Bouchaïb Kasbane, président de l'association marocaine des producteurs de sacs, sachets et films (AMP2SF). Ce premier recueil d'informations doit permettre d'évaluer les besoins techniques et financiers du secteur formel. «En ce qui concerne la reconversion, il y a un potentiel considérable, notamment dans la production de sacs ménagers, de congélation, agricoles ou industriels», assure le ministère. A l'issue de cette phase d'étude, les entreprises pourraient être dirigées vers les mécanismes de soutien existants, à commencer par Maroc PME. Le ministère mise sur le développement de la filière papier et carton Le deuxième niveau d'action concerne les alternatives au plastique. «Tout un écosystème doit émerger. Il s'agit par exemple de la fabrication de sacs en tissu ou en papier dont l'usage est identique à celui du plastique pour le consommateur, tout en restant accessible économiquement», indique-t-on auprès du ministère. La filière existante de papier et carton est donc invitée à réfléchir aux moyens qu'elle peut développer pour contribuer à l'émergence d'un écosystème qui lui serait profitable. La Fédération des industries forestières, des arts graphiques et d'emballage (FIFAGE) s'y attelle déjà. Les plasturgistes ne sont pas convaincus par cette solution. «Le papier, décrié dans plusieurs pays et délaissé par les plus avancés au profit du plastique, semble être le choix de certaines voix au ministère mais sans garanties que cette solution soit officielle et définitive», s'inquiète M. Kasbane qui fait remarquer que «la balance écologique du papier est la plus mauvaise parmi tous les matériaux (verre, plastique, papier et métal)». Enfin, le troisième et dernier niveau identifié concerne cette fois l'échelon du grand public. Plusieurs actions seront mises en place pour sensibiliser les consommateurs à l'utilisation de sacs en matière autre que le plastique. Des expériences pilotes ont par ailleurs déjà été menées par le ministère de l'environnement dans ce sens. Bien sûr, ce volet ne pourrait être efficace sans un contrôle accru et sévère des unités informelles. Dès l'annonce de l'interdiction des sacs en matière non dégradable, le ministère s'était engagé à renforcer la lutte contre l'informel. La création d'une filière recyclage est envisagée A moins de 200 jours de l'entrée en vigueur du texte, les industriels réclament des garanties supplémentaires de la part du gouvernement telle qu'une convention collective leur permettant d'alléger leurs effectifs, avec prise en charge par l'Etat des indemnités de licenciement, le cas échéant, ou encore l'intervention de l'Etat auprès des banques et du ministère des finances pour les industriels qui ont effectué des emprunts et qui ne pourraient se reconvertir, etc. «Nous attendons toujours les textes d'application avec l'espoir de pouvoir sauver ce qui peut l'être. Le chômage des travailleurs est inéluctablement au rendez-vous», poursuit M. Kasbane. En parallèle, le secteur de la plasturgie devrait signer prochainement un contrat de performance dans le cadre du plan d'accélération industrielle du ministère de tutelle. Le lancement d'un écosystème, dont les détails sont en cours de finalisation, devrait également permettre d'accompagner le secteur dans cette phase transitoire vers l'interdiction des sacs en plastique non dégradable. C'est par exemple dans ce cadre que l'émergence d'une filière recyclage pourrait être envisagée. Rappelons que la loi 77-15, qui ne concerne pas les sacs à usage agricole et industriel, isothermes et de congélation et surgélation, et ménagers, prévoit de lourdes sanctions, allant de 10 000 DH pour les vendeurs et distributeurs à 1 MDH pour les fabricants, en cas de non-respect de la loi.