La suppression des quotas pourrait diminuer de 50 % les achats effectués au Maroc. Le Maroc ne sera plus compétitif pour les commandes destinées à la grande distribution et les chaînes de magasins. Les industriels réclament un crédit d'impôt sur les charges sociales pour pouvoir renforcer leur force de vente. C'est en janvier 2005 que prendra fin la quatrième et dernière phase de l'Arrangement multifibres (AMF) concernant les textiles et vêtements. Cet accord prévoyait des règles pour l'imposition de restrictions quantitatives sélectives lorsque les volumes d'importations textiles portaient ou menaçaient de porter préjudice de façon importante à la production nationale du pays importateur. Concrètement, cet accord s'était matérialisé par la mise en place de quota ou de contingent d'exportation pour les produits textiles. Ces contingents relatifs aux textiles et vêtements étaient négociés bilatéralement entre les pays. Une dérogation à l'un des principes fondamentaux de l'OMC, à savoir la non discrimination, qui a été remplacée en janvier 1995 par un processus transitoire en vue de la suppression définitive de ces contingents sur une période de 10 ans. Aujourd'hui, les quotas sont à quelques jours de disparaître. Quelles implications pour l'industrie textile nationale ? La fin de l'Arrangement multifibres engendrera des bouleversements structurels sur le marché mondial. Les producteurs européens seront confrontés à une double contrainte : une forte pénétration du marché européen par les produits asiatiques, et une pression sur les prix découlant de la concentration de la distribution et l'internationalisation des achats. Une nouvelle configuration du travail dans ce secteur émergera. L'Asie sera sollicitée pour le volume et la marge, alors que les autres pays le seront pour la réactivité et l'innovation. Ce qui se traduira pour les pays fournisseurs de l'Union européenne, comme pour le Maroc, par des conséquences économiques et sociales importantes. La baisse du dollar favorise les Chinois Pour les industriels, l'année 2005 sera difficile et «le choc sera important». N'ayant aucune visibilité, ils appréhendent le comportement du marché au lendemain de la libéralisation des exportations. «Maintenant tous les produits que fabrique le Maroc sont concernés. Nous n'avons pas de données précises et chiffrées sur les conséquences de la suppression des quotas, mais nous pouvons avancer une estimation grossière d'une perte variant entre 40 et 50 % des achats effectués au Maroc», indique Ali Jabri, responsable de la société AliMaille. Dans le même sens, Hicham Mghirbi, directeur général du groupe FilMode, avance que «la disparition des quotas accentuera le mouvement d'orientation du sourcing (achat des matières premières) des pays européens vers la Chine. Un changement qui sera amplifié par la baisse du dollar». Et d'ajouter que «maintenant, nous allons devoir abandonner plusieurs types de produits aux pays asiatiques notamment des produits sur lesquels nous ne sommes plus compétitifs. Ainsi, nous serons complètement écartés pour la bonneterie pour enfants et nous n'interviendrons plus sur certains créneaux notamment tout ce qui concerne la grande distribution, la vente par correspondance ainsi que les chaînes de magasins». Quelle offre devra alors proposer le textile marocain ? Contraint d'abandonner tous les produits «basiques» et les grandes séries, le secteur textile marocain devra jouer, s'il veut maintenir son positionnement sur le marché européen, la carte de l'innovation, la créativité et la réactivité. «Améliorer ses services, travailler en circuit court et faire preuve d'une grande flexibilité, voilà ce que doit offrir le Maroc», précise Karim Tazi, promoteur de la chaîne de prêt-à-porter Marwa. La signature des accords de libre-échange vivement attendue Il est nécessaire de souligner, estime Hicham Mghirbi, que déjà les donneurs d'ordre européens ainsi que les entreprises marocaines ont déjà sauté le pas. Il précise que «ces donneurs d'ordre se sont déjà orientés vers les pays asiatiques et notamment la Chine qui a déjà libéralisé ses exportations puisque 50 % de ses produits sont aujourd'hui hors quotas. Des industriels marocains, quant à eux, travaillent en circuit court et ont déjà des commandes pour la mise en boutique et le réassort». Ils ont certes opéré des changements dans leurs stratégies, mais, pense Mohamed Tamer, directeur général de Bogart, «les industriels verront leur compétitivité sérieusement entamée, en 2005, en raison du niveau des prix des pays asiatiques. Lequel niveau sera aggravé par la baisse du dollar». Pour faire face à cette nouvelle donne, les professionnels s'accordent à dire que le secteur ne tirera son épingle du jeu que si «les actions du privé et des pouvoirs publics sont coordonnées». Ainsi, ils réclament la mise en place de quelques mesures permettant la fluidité du circuit des exportations. Karim Tazi propose «la mise en place, comme dans d'autres pays, de mesures simples tels que le crédit d'impôt en vue d'alléger les charges sociales afin de permettre aux entreprises de renforcer la force des ventes. Ou encore un crédit d'impôt pour encourager la recherche et le développement pour permettre l'innovation». Mohamed Tamer, quant à lui, appelle le gouvernement «à fluidifier les procédures douanières et à ratifier l'accord avec la Turquie ainsi que l'accord de libre-échange avec les USA afin de permettre aux opérateurs de prospecter le marché américain et de proposer des produits à haute valeur ajoutée». «Nous allons devoir abandonner plusieurs types de produits aux pays asiatiques notamment des produits sur lesquels nous ne sommes plus compétitifs. Ainsi nous serons complètement écartés pour la bonneterie pour enfants».