Volonté d'apaisement du ministère du Commerce, de l'industrie et de la Mise à niveau qui réaffirme les choix libéraux du Maroc. Les importateurs du secteur organisé réaffirment leurs inquiétudes au sujet d'un système qui comporte une part d'arbitraire. Le niveau élevé des droits de douane reste le vrai problème. Dans un souci d'apaisement et de communication, le ministre du Commerce, de l'Industrie et de la Mise à niveau, Salaheddine Mezouar, a reçu le 31 août les dirigeants d'entreprises importatrices du secteur organisé, alertés par la perspective de la mise en place des prix d'alerte à l'import (cf La Vie Eco du 30 juillet 2004). Selon nos investigations, cet échange n'a permis ni d'aplanir tous les différends ni de lever toutes les inquiétudes. Au final, l'instauration des prix d'alerte risque de se heurter à des difficultés d'application. Des fraudes touchent quelques secteurs Le prix d'alerte est une invention marocaine destinée à attirer l'attention des douaniers sur une fraude possible au moment de l'importation d'une marchandise. La question est de déterminer la valeur réelle de la marchandise pour pouvoir lui appliquer les droits de douane. Jusqu'en 2001, chaque produit avait un prix dit de référence auquel étaient appliqués les droits et taxes, même si ce prix était nettement surévalué, ce qui arrangeait d'ailleurs les affaires de l'Etat. Avec la suppression des prix de référence, il a été décidé d'appliquer les droits de douane à la valeur transactionnelle de la marchandise, c'est-à-dire au prix où elle a été achetée. Ce prix est déterminé évidemment par la facture. Depuis le début de cette année, des voix de plus en plus nombreuses crient à la fraude en douane. En d'autres termes, dans des secteurs comme la quincaillerie, la céramique, la biscuiterie ou le chocolat, des importateurs sont accusés d'exhiber de fausses factures avec des valeurs nettement inférieures à la réalité, dans le but de payer des droits de douane plus bas. L'ampleur réelle de ces fraudes est inconnue. Selon des sources sérieuses et bien informées, elle n'est pas significative à l'échelle du commerce extérieur du pays, puisque les recettes douanières, à périmètre égal, n'ont pas baissé d'une année à l'autre. Mais pour Jamaleddine Jamali, directeur de la production industrielle au ministère du Commerce et de l'Industrie, la fraude est loin d'être insignifiante dans les secteurs mentionnés ci-dessus, citant le cas de marchandises importées à un prix qui ne représente même pas 50% du coût de la matière première. Ces fraudes, explique-t-il, créent des problèmes au triple plan des recettes douanières, de la protection de certains secteurs industriels et de l'organisation du marché. M. Jamali, tout comme l'a fait son ministre en recevant les opérateurs, insiste sur le fait que les prix d'alerte ne sont pas des prix de référence déguisés. Les prix de référence étaient appliqués d'une manière mécanique. Ce n'est pas le cas des prix d'alerte qui ne correspondent pas à la valeur en douane mais servent à alerter le douanier pour le pousser à mener des investigations si une marchandise est présentée à un prix considéré comme anormalement bas. Comme le prévoient les règles de l'OMC, ajoute-t-on de même source, la valeur transactionnelle reste la règle et le douanier ne la conteste que s'il a des arguments pour le faire. Contrôles de qualité renforcés Les prix d'alerte sont déterminés au cours de réunions organisées par la douane, avec le concours de tous les professionnels, assure-t-on au ministère du Commerce et de l'Industrie. Certains d'entre eux sont déjà opérationnels (biscuiterie, papier). Au ministère, on insiste sur le fait que les prix d'alerte sont une réponse ponctuelle à un problème ponctuel et on affirme espérer que tout cela sera passager. On ajoute que le ministre Salaheddine Mezouar a souhaité que le contrôle ne concerne pas uniquement le prix mais également la qualité. En d'autres termes, les produits touchant des domaines sensibles comme la sécurité, la santé, l'hygiène et l'environnement, et pour lesquels des normes sont obligatoires, seront particulièrement surveillés grâce à un renforcement des capacités de contrôle du ministère. «Nous ne sommes pas des voleurs» Auprès des importateurs du secteur organisé, l'instauration des prix d'alerte n'est toujours pas acceptée. Une partie de ces importateurs sont d'ailleurs en train de s'organiser en association, l'Association marocaine du commerce en réseau (AMCR). Ils regroupent des entreprises travaillant avec des enseignes réputées dans les domaines du mobilier, du jouet, du prêt-à-porter, de la téléphonie, du bricolage ou encore de l'électroménager. Ils ne cachent pas leur émotion car ils importent auprès de multinationales que l'on ne pourrait guère suspecter de sous-facturation. «Nous sommes la vitrine moderne du Maroc, s'insurgent-ils. Et on voudrait nous traiter comme si nous étions des voleurs en puissance. Nous n'acceptons pas d'être à la merci d'un douanier qui peut décider de saisir notre marchandise et de mettre en péril un business où les délais sont essentiels». On s'inquiète donc de la part d'arbitraire que recèle le nouveau système. Et tout en se déclarant prêts à aider la douane à mettre en place une base de données avec des prix indicatifs, on refuse avec la plus grande fermeté de se voir appliquer le nouveau système. Evidemment, les importateurs ne manquent pas d'arguments. Quand vous leur dites organisation du marché et concurrence loyale, ils vous répondent Derb Ghallef et Derb Omar. C'est-à-dire contrebande et contrefaçon. Ils vous rappellent qu'ils sont les premières victimes de la désorganisation du marché et de la concurrence déloyale. Au ministère du Commerce et de l'Industrie, on concède d'ailleurs que le vrai problème se situe au niveau des droits de douane. Trop de différentiels existent et c'est autant d'incitations à la fraude : entre zones géographiques, entre l'AT et le régime normal, etc. Et on n'oublie pas que le Maroc est engagé d'une manière irréversible, dans un processus de libéralisation et de démantèlement tarifaire. Les droits de douane au Maroc sont aujourd'hui parmi les plus élevés des pays de l'OMC. On espère que d'ici quelques mois, on arrivera à baisser les taux plafonds de 50% à 32,5% dans plusieurs secteurs, tout en sachant que les engagements du Maroc le poussent à opérer des baisses périodiques. Au final, le système des prix d'alerte n'arrive pas à susciter un consensus et il y a de lieu de se demander, malgré la bonne foi affichée (et certaine) des cadres du ministère de tutelle, si on arrivera à le mettre en marché d'une manière fluide et équitable, c'est-à-dire sans commettre d'injustice à l'égard des sociétés transparentes Les commerçants en réseau, organisés dans une association nouvelle, s'insurgent contre les risques d'arbitraire et contre la concurrence déloyale de la contrebande et de la contrefaçon