Plus de viande, plus de produits laitiers et de moins en moins de sucre n La viande blanche revient en force grâce à la dinde n Les ménages moyens privés de poisson en raison de son prix élevé. Un petit tour dans une grande surface de la place le prouve. Il y a 20 ans, une bonne partie des produits alimentaires qui trônent sur les rayons n'était pas connue, ou très peu. La preuve qu'ils ont conquis la ménagère : les rayons alimentation enregistrent des croissances à deux chiffres. Ouverture oblige, nous serons de plus en plus tentés par de nouvelles offres. Ce qui est de nature à contribuer au changement de nos habitudes alimentaires. Mais cette ouverture n'est pas la seule cause. La diététique et le niveau des revenus sont déterminants. Ainsi, selon des spécialistes, notre alimentation est aujourd'hui plus riche en protéines. Déjà, l'enquête de niveau de vie 1998-99, menée par la direction de la Statistique, a démontré que les achats de viandes représentent 27,2 % de la dépense alimentaire des ménages, contre 22 % en 1990-91. Cette augmentation de la part de la consommation des viandes englobe, outre la hausse des prix, un changement fondamental par rapport aux types de viandes consommées. Les ménages marocains, plus regardants par rapport à leur hygiène alimentaire, se détournent de la viande de mouton. Ils lui préfèrent la viande de bœuf, alors qu'auparavant elle était réputée être la viande des pauvres. Retour à la consommation de viandes blanches Le retour en force de la viande blanche dans nos assiettes est également noté par Taoufik Belkadi, directeur des magasins Marjane. Ceci est essentiellement dû à la dinde qui a séduit le consommateur grâce, notamment, à un bon rapport qualité-prix. De plus, l'offre de ce produit est très diversifiée : filets, pilons, brochettes, osso-buco… Il en est de même pour le poulet (entier, morceaux de blancs ou cuisses) dont la consommation augmente ces dernières années, même si le trend de croissance reste limité par rapport à la dinde. Dans le même ordre d'idées, la consommation de poisson a augmenté ces dernières années. La dépense consacrée au poisson a ainsi atteint 3,3 % du budget alimentaire, selon l'enquête de 1998/99, contre seulement 2,6 % en 1990-91. Cette tendance est d'ailleurs confirmée par les statistiques de l'Office national des pêches (ONP) qui indiquent, dans son rapport de 2003, que la consommation de poisson frais a enregistré une croissance de 16 % à 346 114 tonnes. Fromage «rouge» et corn- flakes sont en vogue En revanche, il convient de noter que le prix ne favorise pas la démocratisation du produit. Par exemple, le renchérissement du poisson blanc entraîne une concentration de la consommation au niveau des classes sociales aisées. Ainsi, en 1998-99, si les classes sociales urbaines les plus défavorisées affectent 1,6 % de leur budget alimentaire à l'achat de poisson, les classes sociales urbaines les plus aisées en consacrent 3,6 %. Seule la sardine demeure à la portée des petites bourses avec des prix variant entre 5 et 10 DH le kilo. Aux rayons crémerie de Marjane, comprenant, entre autres, fromages, lait, œufs et beurre, des croissances importantes sont enregistrées ces dernières années, selon M. Belkadi. La consommation de fromage dit «rouge» est entrée dans les mœurs des ménages alors qu'elle était marginale il y a une dizaine d'années. Selon l'enquête de niveau de vie, la part de la consommation de lait, de produits laitiers et œufs, a augmenté de 7,8% à 8,3% entre 1990/91 et 1998/99. Il en est de même des yaourts dont la floraison de marques et la variété des produits ne laissent personne indifférent. Parfois même, la mise sur le marché de nouveaux yaourts déconcerte les consommateurs. Concernant les céréales et les produits à base de céréales, leur poids dans le budget alimentaire des ménages n'a pas connu une grande évolution puisqu'il est passé de 17,8 % en 1990-91 à 18 % en 1998-99. Il convient de relever toutefois qu'en 1970-71, sur 1 000 DH dépensés en aliments, on en consommait 195 en produits à base de céréales. Notre consommation de pain a donc diminué en même temps qu'elle s'est diversifiée. Ainsi, les rayons boulangerie des supermarchés, qui connaissent une progression à deux chiffres, offrent une palette de variétés de pains : pain au blé complet tranché, pain non tranché, pain au son, pain aux quatre céréales, pain pour diabétiques, pain à hamburger… De même, les pâtes sont proposées torsadées, colorées ou papillonnées. Les pâtes de blé dur font également leur entrée sur nos rayons pour les adeptes de régimes alimentaires. Il en est de même pour le riz, dont on trouve des variétés plus diététiques comme le riz brun. Les corn-flakes ont aussi été adoptés par les ménages marocains, dans un laps de temps de 4 à 5 ans, à la faveur d'une réduction des prix sur certaines marques. Les boissons alcoolisées absorbent 0,4 % du budget alimentaire Les ventes de fruits et légumes enregistrent également une augmentation dans les grandes surfaces, avec toutefois une concentration des achats sur les produits dits de base, pommes de terre, tomates et oignons, notamment pour les classes sociales à revenu moyen à faible. Donnée importante : nous consommons moins de sucre. La part du budget alimentaire consacrée à ce produit dans le milieu urbain a baissé de 8,3 % à 2,8 % entre 1970-71 et 1998-99. Toutefois, la consommation de produits à base de sucre comme les gâteaux a augmenté de 0,8 % en 1990-91 à 1 % en 98/99. Cela peut s'expliquer par l'achat de produits plus sophistiqués au détriment de la préparation au foyer. La part des boissons non alcoolisées a atteint 1,3 % du budget alimentaire des ménages. Pour la première fois, la part des boissons alcoolisées y a été indiquée. Celle-ci représente 0,4 % du budget alimentaire moyen. Enfin, il faut relever qu'entre 1990-91 et 1998-99, les dépenses en aliments et boissons à l'extérieur ont paradoxalement diminué. Elles sont passées de 9% de notre budget alimentation à 6,6%. Sans doute faudra-t-il atteindre les résultats de l'enquête réalisée en 2003 pour y voir plus clair. Ces résultats seront disponibles en septembre prochain Le tagine reste indétrônable et nous mangeons toujours gras Le phénomène le plus marquant de ces dix ou quinze dernières années, dans nos habitudes alimentaires, réside dans le fait que la cuisine marocaine a résisté à l'ouverture des frontières, sans pour autant se replier sur elle-même. Elle s'est notamment enrichie par l'intégration de recettes venues des pays du Nord et de la Méditerranée. Par exemple, même si nos tagines présentent parfois une touche d'exotisme, comme le poulet aux oignons ou aux champignons, ils sont toujours présents à l'heure des repas. Le souci diététique est de plus en plus présent avec une diminution de la consommation de la viande de mouton et des matières grasses en raison des pathologies liées au cholestérol et aux maladies cardio-vasculaires. En outre, les Marocains consomment plus de produits laitiers dont les yaourts ou les fromages. Ils doivent prendre conscience que, pour leur hygiène alimentaire, ils doivent consommer les produits dont le taux de matière grasse ne dépasse pas les 45%. Autre élément important qui a influé ces dix dernières années sur nos habitudes de consommation, l'émergence d'une industrie des plats préparés par les traiteurs. Toutes les classes socio-économiques font appel à ce nouveau service qui aide la ménagère, généralement active, dans la préparation des repas de la famille. Cette industrie des plats préparés offre toute une panoplie de recettes : pastilla, briouate, crêpes… Elle a permis, non seulement un maintien de nos habitudes de consommation, mais leur enrichissement et un retour aux traditions. Généralement, je conseille à mes patients d'adopter la cuisine marocaine car elle est riche et diversifiée. Elle est riche en légumes, protéines, fruits et sucres lents (pain, semoule de couscous…). Toutefois, il faut tirer la sonnette d'alarme concernant les corps gras d'origine animale et les sucres rapides, surtout pendant le mois de Ramadan et les fêtes (méchoui, gâteaux aux amandes…)