Les textes sur la copropriété et la vente en état futur d'achèvement (VEFA) sont jugés inapplicables par les promoteurs immobiliers. Des ambiguïtés quant aux documents juridiques à produire au moment de la cession. La promotion immobilière n'arrive pas à s'adapter à l'entrée en vigueur des lois sur la copropriété et la VEFA (vente en état futur d'achèvement, plus connue sous le nom de vente sur plan). La profession semble déstabilisée et ce, malgré le délai de grâce d'une année qui lui avait été accordé à compter du 7 novembre 2002, date de la publication des deux lois au Bulletin officiel. A la complexité des textes, est venue se rajouter la réorganisation administrative de la ville de Casablanca. Le processus d'octroi de dérogations, normalisé par une circulaire ministérielle, est, selon les promoteurs, bloqué. Ce n'est pas l'avis du gouverneur de l'Agence urbaine, Fouzia Imansar, qui estime que donner dérogation ne signifie pas autoriser à construire n'importe quoi et n'importe comment. Une certaine confusion règne donc dans le secteur de l'immobilier et les informations les plus fantaisistes circulent chez les promoteurs. Ainsi, il se dit que lesdites lois connaîtront prochainement des amendements et que les transactions sont à l'arrêt dans l'attente de ces changements. Pire, certains promoteurs immobiliers, évoquant des discussions avec des responsables du ministère de l'Habitat, parlent d'une suspension de la loi sur la VEFA sur ordre du Premier ministre, en attendant la publication de nouveaux amendements. Mais l'application d'une loi déjà publiée au BO peut-elle être reportée sur simple décision du Premier ministre ? Des inquiétudes à propos de l'assiette de la taxe notariale Mais quels sont en fait les problèmes ? A en croire plusieurs promoteurs immobiliers qui avouent craindre pour leur activité, la loi sur la co-propriété, telle qu'elle est conçue, est difficilement applicable alors qu'elle devait remédier à la situation de dégradation continue du patrimoine immobilier du Maroc. Ils ajoutent que les acheteurs sont également déroutés par les procédures relatives à la vente ou à l'acquisition d'un bien immobilier. Parmi les dispositions jugées inappropriées, figurent les nouvelles conditions imposées dans le cadre des mainlevées d'hypothèque par la banque, portant sur les appartements cédés. Ces mainlevées, auparavant signées par les services juridiques des banques, doivent désormais faire l'objet d'un acte authentique. Dans le cas où cet acte est notarial, il lui est apposé une taxe de 0,5 % au profit de l'Etat. La panique a été exacerbée par le fait que, jusqu'à une date récente, les banques procédaient à un report systématique du montant global de l'hypothèque sur chaque titre foncier parcellaire c'est-à-dire sur chaque appartement. Autrement dit, pour chaque logement vendu, la taxe à payer s'applique sur la valeur de l'immeuble entier. La question est donc de savoir si la taxe notariale doit être payée sur le montant global ou sur celui de l'appartement en question. Pour éviter tout quiproquo, deux solutions ont été proposées par des notaires de Casablanca, dont une déjà mise en place. Elle consiste en l'annulation de la première hypothèque prise par la banque sur le projet immobilier et la production d'une nouvelle dont le montant global est fractionné en fonction des titres fonciers individuels. La taxe ne sera donc payée que sur le montant de l'hypothèque individuelle. Cette solution est notamment adoptée par le CIH où un haut responsable, contacté par La Vie éco, minimise l'étendue de la confusion. «Une période de flottement a effectivement été observée juste après la mise en application de cette loi. Mais, actuellement, le circuit est à nouveau bien huilé et nos agences commercialisent autant de crédits immobiliers qu'auparavant». Néanmoins, la nouvelle loi sur la copropriété a incité le CIH à proposer aux notaires un nouvel instrument de déblocage des prêts au bénéfice des acquéreurs, lequel consiste à émettre des effets libellés au nom du promoteur dans un objectif de mieux sécuriser les transactions. Cet instrument de paiement n'a pas été bien accepté par les notaires qui verront ainsi une partie de leur trésorerie leur échapper. Le CIH continue ainsi à débloquer des chèques mais uniquement lorsque le notaire est bien connu de ses services juridiques. Le règlement type de la copropriété est toujours attendu La liste des difficultés d'application de la loi sur la copropriété ne s'arrête pas là. La multitude de documents devant accompagner le contrat de cession du bien immeuble pose aussi problème. Selon l'article 10 de la loi en question, les plans d'architecture et les plans topographiques doivent être annexés au règlement de copropriété. La reproduction de ces documents engendrerait, selon les promoteurs, un surcoût au niveau de la photocopie et des timbres d'enregistrement. Cette remarque a été émise, en particulier, par les intervenants dans le secteur des logements sociaux. Toutefois, Amin Fayçal Benjelloun, notaire à Casablanca et 1er vice-président de la Chambre nationale du notariat moderne du Maroc, note que «la production de ces documents ne dépasse pas 75 DH pour une photocopie réduite et 25 DH la feuille pour l'enregistrement». Cependant, il reconnaît qu'il peut y avoir un doublon entre le plan d'architecte et celui du topographe. Mais, selon lui, ces plans restent nécessaires en vue d'informer l'acheteur sur la consistance de son bien et d'éviter des erreurs d'attribution. Par ailleurs, les promoteurs immobiliers pensent que la nouvelle loi sur la copropriété risque de plomber les transactions au niveau du parc immobilier déjà existant, du fait que les propriétaires actuels n'ont pas entre les mains les documents exigés par la nouvelle loi, à savoir le règlement de copropriété, le plan de l'architecte ou celui du topographe. Là aussi, d'autres intervenants du secteur rappellent que ces documents sont accessibles soit à la Conservation foncière ou auprès des communes. Enfin, autres lacunes invoquées dans cette loi : la liste des professions habilitées à rédiger les actes authentiques, autres que les notaires, les adouls et les avocats inscrits à la Cour suprême, n'est pas encore publiée. Il en est de même pour le règlement type de copropriété. En attendant, les contrats de cession actuels utilisent l'ancien règlement qui ne correspond pas à l'esprit de la nouvelle loi. Les deux lois devraient être amendées pour devenir plus digestes Pour ce qui est de la VEFA, la situation est autre, puisque les promoteurs immobiliers ont déjà réagi lors de séances de travail tenues avec le ministère de l'Habitat ou de réunions avec le Premier ministre. Ils ont soulevé plusieurs difficultés relatives à l'application de cette nouvelle loi. Les plus virulents en termes de critique sont ceux qui interviennent dans le secteur des logements sociaux. D'après leurs explications, le législateur a, par exemple, prévu que les promoteurs fournissent des cautions bancaires portant sur les avances perçues par les acquéreurs. Dans le cadre de programmes sociaux, vu le nombre important d'appartements commercialisés avant achèvement, les commissions des cautions bancaires seront considérables. Mais, le plus inquiétant pour les promoteurs est que la VEFA n'autorise la vente qu'au moment où la construction des fondations et du rez-de-chaussée est achevée, alors qu'auparavant la transaction s'effectuait sur plan, avant le premier coup de pioche. Il n'en demeure pas moins que cette loi intervient pour rectifier le tir par rapport à plusieurs mauvaises expériences dont ont été victimes nombre d'acquéreurs. Du coup, il devient difficile de trouver un équilibre entre la protection des citoyens et l'encouragement tous azimuts de la promotion immobilière. Sur ce dernier point, les promoteurs immobiliers spécialisés dans les moyen et haut de gamme ne sont pas en reste. Pour réduire leurs frais financiers, eux aussi avaient pris l'habitude de commencer la commercialisation des immeubles avant la fin des travaux, sur la base d'avances reçues de la part des futurs acquéreurs. Que faire alors ? Pour un professionnel, «l'existence de ces deux lois est une condition nécessaire pour organiser le secteur et protéger les acquéreurs, reste maintenant aux professionnels à s'organiser et aux pouvoirs publics à prévoir des amendements pour rendre les textes plus digestes»