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Des métiers précaires qui se perpétuent
Publié dans La Vie éco le 19 - 02 - 2015

On les appelle les «mesdames pipi», elles travaillent sans aucune couverture et vivent de la générosité des clients.
Le métier de «kessal» ou masseur traditionnel a bien changé ces dernières années, mais son statut, lui, est resté le même.
Ils sont serveurs dans les milliers de cafés de la métropole. Pourtant, pour la plupart, ils ne sont pas déclarés à la sécurité sociale.
Ba Ali et Mi Zohra sont des figures légendaires de ce café du centre-ville qui a vu des générations d'étudiants y préparer leurs examens. Ces deux compères sont les M. et Mme pipi de ce grand café. Si Ba Ali a fini par arrêter en raison de son âge avancé et du diabète, Mi Zohra, du haut de ses 80 ans, veille encore sur la propreté des lieux. «Je suis contente de travailler, de voir d'anciens étudiants revenir visiter les lieux et prendre de nos nouvelles, moi et Ba Ali. Si, je parviens encore à subvenir à mes besoins, c'est grâce à ces étudiants qui fréquentent ce café depuis des décennies», lance d'emblée la vieille dame. Mi Zohra s'occupe des lieux la journée. Le soir, c'est une autre personne qui prend le relais. Elle a travaillé depuis toujours dans ce café, mais elle n'a jamais été déclarée et donc, elle doit encore s'atteler à cette besogne, à son âge. «Depuis dix ans, le patron commence à me payer 400 DH par mois. Auparavant, je ne percevais aucun salaire. Je vivais exclusivement de la générosité des clients et de la vente des cigarettes au détail», ajoute cette dame dont le sourire ne quitte jamais le visage. Et d'ajouter : «Les clients de ce café ne m'ont jamais laissée tomber. C'est eux qui m'achètent le mouton de l'Aïd, s'occupent de l'achat de mes médicaments et paient une partie de mon loyer». Mi Zohra s'estime chanceuse du statut qu'elle a dans ce café et elle a absolument raison. Ailleurs, dans les milliers de crémeries que compte la capitale économique, le statut de ces femmes est encore plus précaire. En général, elles ne s'occupent pas seulement du maintien de la propreté des toilettes, elles font également le ménage et aident à laver la vaisselle. Mais, elles ne perçoivent aucune rémunération pour ce travail. Les quelques dirhams qu'elles ramassent au cours de la journée, ainsi que la recette des cigarettes vendues au détail, constituent leur seul revenu.
Payés la semaine
Aicha travaille depuis plus de dix ans dans cette crémerie du centre-ville. Mère célibataire avec un enfant à charge, elle assure la propreté des lieux sans compensation, et sans aucune couverture sociale. «Je n'ai pas le choix. Je travaille chaque jour de 8 heures à 20 heures afin d'empocher le plus de pourboire possible», explique la jeune femme. Et d'ajouter : «Parfois, je suis obligée d'interpeller les clients pour me laisser une pièce de monnaie. Ils ne savent pas que ce dirham c'est ma seule rémunération». D'autres femmes préfèrent assurer ce boulot dans les bars. Elles sont généralement payées entre 200 et 300 DH la semaine. Elles s'occupent des toilettes, mais aussi de la vaisselle, du ménage… «Je gagne 300 DH la semaine pour dix heures de travail quotidien, six jours par semaine», explique cette femme qui assure la propreté des toilettes de ce bar situé Boulevard Mohammed V. Dans les nombreux bouges que compte la capitale économique, les «madame pipi» ne sont évidemment pas déclarées.
Précaire, le travail des serveurs dans les milliers de cafés de Casablanca l'est également. Ils ne sont pas déclarés en grande partie à la CNSS et gagnent bien moins que le SMIG. «Je travaille dans cette crémerie depuis plus de 20 ans et je ne gagne que 300 DH la semaine. Le patron compte le pourboire des clients, les quelques dirhams ramassés tout au long de la journée, comme un complément de salaire. Et je suis plus chanceux que d'autres. Ailleurs, les serveurs ne reçoivent aucune compensation», explique Mohamed, la quarantaine. L'homme garde un souvenir amer de la visite des inspecteurs de travail : «Au cours de mon premier travail, j'ai répondu naïvement aux questions de l'inspecteur. Cela m'a valu mon premier et dernier licenciement. Le patron s'est arrangé financièrement avec l'inspecteur et moi je me suis retrouvé à la rue, sans boulot».
Parcours de combattant
Cette armée de «garçons» qui nous servent notre café travaille sans aucune sécurité sociale. On retrouve différents profils dans ce secteur. Aziz vient du Sud du pays. A 30 ans, il travaille depuis 15 ans à Casablanca, mais sa petite famille, sa femme et ses trois enfants, son restés au bled, à la périphérie d'Aït Ourir. «Je travaille comme un forcené pour ramasser un peu d'argent et l'envoyer aux miens. Je passe la nuit dans le café afin d'économiser le maximum possible d'argent», lance d'emblée Aziz.
Pour devenir serveur dans une crémerie de Mers Sultan à Casablanca, Kacem, originaire d'un village près de Taroudant, a dû trimer. Après obtention de sa chahada ibtidaeya (CM2), il débarque à Casablanca en 1995 pour chercher du travail. «Il m'était impossible de continuer mes études parce qu'il n'y avait pas de collège dans mon village. Et que l'établissement le plus proche est situé à 50 kilomètres de chez moi. Les parents avaient d'autres priorités, encore plus pressantes», se souvient-il. A Casablanca, Kacem commence en bas de l'échelle. «Ma priorité était tout d'abord de trouver où dormir. J'ai travaillé dans un café à Sbata. Je faisais le ménage, lavais les verres, aidait les serveurs à débarrasser les tables, nettoyait les toilettes. Je travaillais 14 heures par jour, six jours et demi sur sept. Je mangeais et dormais sur place. Pendant les deux ans que j'ai passés là-bas, je ne gagnais pas le sou. Il me donnait 20 DH par semaine pour aller au hammam», ajoute-t-il. Quand il passe à un autre café, il apprend à manipuler la machine à café, la fameuse «pressa». «C'est une étape importante car en tant que serveur, on est amené à utiliser la machine. C'est capital, parce qu'une crémerie qui ne fait pas du bon café est condamné à fermer», explique notre homme. Il devient par la suite serveur pour les commandes de l'extérieur, avant de gagner ses galons de serveur. «Aujourd'hui, je gagne 300 DH par semaine. Je suis marié et père d'un enfant. Si je m'en sors, c'est grâce aux clients. Ils savent que ce n'est pas le salaire qui nous permet de tenir». Et d'ajouter : «Quand je vois le nombre de jeunes qui viennent demander du travail au café, je me dis que je suis chanceux».
Les rares propriétaires qui ont bien voulu répondre à nos questions justifient la faiblesse des salaires et le manquement aux déclarations à la CNSS, à une situation économique qui ne le permettrait pas. Ce patron de café à Derb Soltane explique: «Je ne vends pas plus de 60 à 70 cafés par jour en plus d'une caisse de limonades. Ce qui me laisse 400 DH par jour comme bénéfices. Je n'ai tout simplement pas les moyens de mieux payer mes deux serveurs et encore moins de les déclarer à la caisse sociale». Dans cette communauté des serveurs, on retrouve un nombre élevé d'hommes qui travaillent après l'âge de 60 ans parce qu'ils ne bénéficient d'aucune retraite !
Changement de décor. Nous sommes dans un des hammams «new wave» où pour une séance de gommage et de savonnage, on paie la somme de 120 DH. Des lieux qui respirent la quiétude et où après avoir été bien lavé par un «kessal» (masseur professionnel), on sort bien détendu. Ici, tout est fait pour rendre le client satisfait : la musique traditionnelle asiatique relaxante, le décor épuré, l'atmosphère zen, mais surtout des hommes qui passent leur temps à délivrer les clients de leur crasse et du stress. Abderrahmane fait partie de ces «kessala» qui, avant de travailler dans ce hammam moderne, sont d'abord passés par le hammam traditionnel. «Je suis originaire de la région de Zagora et depuis des lustres les hommes et les femmes de la région se destinent à cette profession», tient-il à rappeler. Il a commencé à travailler d'abord dans un hammam de l'ancienne médina casablancaise. Un travail pénible avec des horaires très extensibles : «Dans un hammam traditionnel, les gens ne font pas automatiquement appel à un kessal puisqu'ils viennent en groupe et font ça entre eux. Les gens viennent massivement la veille des occasions religieuses. Il faut remplir les sceaux de la barma (bassin d'eau chaude), frotter les clients, s'occuper des vestiaires… On ne gagnait pas beaucoup d'argent, mais il y avait de la solidarité entre nous». Et d'ajouter : «Je ne connaissais pas d'autre activité. Mon père et mon grand-père étaient des kessala. Mais les clients ne nous oubliaient jamais, surtout à l'occasion de la zakat». Bien entendu, il n'était pas déclaré à la sécurité sociale et il n'avait pour salaire que le pourboire des clients. Mais les choses ont-elles vraiment changé quand il a intégré ce hammam moderne ? «Nous avons droit à une compensation symbolique, mais c'est grâce au pourboire qu'on parvient à s'en sortir. Nous ne sommes pas déclarés certes, mais il y a des endroits plus luxueux où les patrons s'adjugent une partie du pourboire du personnel».
Lors de notre enquête, nous avons constaté qu'un nombre important d'employés dans les boutiques du centre-vil le, des personnes qui travaillent dans la construction, des employés des cybercafés, le personnel des fast-food ne sont pas déclarés à la CNSS. Ils travaillent pour des salaires bien inférieurs au SMIG. Ainsi qu'un nombre incalculable de videurs qui travaillent dans la précarité la plus totale. «Je suis payé 250 DH par semaine pour assurer la sécurité de ce bar jusqu'à 22h00, sept jours sur sept. Je passe à un autre qui ferme à minuit. Ce qui m'assure 30 DH de plus par jour», assure ce videur, la cinquantaine dépassée, qui travaille du côté de Mers Sultan. Dans les mahlabas, notamment celles en plein centre de Casablanca, des enfants âgés de moins de 16 ans travaillent à servir harcha et jus de fruits aux clients. «Ce sont des enfants qui viennent travailler chez un parent ou une connaissance du même bled. Etre dans une mahlaba lui garantit au moins le gîte et le manger. Et c'est le plus important quand on vient d'un tout petit village pour travailler à Casablanca», conclut cet employé d'une mahlaba, un trentenaire qui a débuté son «parcours professionnel» dans la capitale économique à l'âge de 11 ans !


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