Le secteur informel réalise près de 2 milliards de DH de chiffre d'affaires par an. Ces pièces sont dix fois moins chères que les pièces d'origine. Une bonne partie des produits non désirés entre par les ports de Nador, d'Agadir ou de Mohammédia. Le marché de la pièce détachée contrefaite continue de s'étendre. D'après les dernières estimations de l'Association marocaine pour l'industrie et le commerce de l'automobile (Amica), il représente 2 milliards de DH par un an sur un chiffre d'affaires sectoriel de 7 milliards. Pour plus de précision, 30% des pièces détachées qui circulent dans le pays sont issus de la contrefaçon. «70% de ces ventes sont réalisées grâce à la contrefaçon des pièces de rechange-constructeurs vendues sous l'appellation de pièce de 2e qualité», explique-t-on du côté de l'Amica. La moitié des pièces en circulation concerne le remplacement pour cause d'usure (plaquette de frein, disque d'embrayage, disques de frein) et les consommables, notamment ceux liés à la vidange (filtres, liquide de frein, lubrifiants). Ces produits proviennent généralement de Turquie, d'Espagne, d'Italie, mais aussi des pays asiatiques tels Taïwan ou la Chine. Ils «sont distribués dans le même circuit que les originaux», explique Youssef Benslim, directeur marketing de Access Dynamic. A ce propos, il est important de rappeler que le secteur des pièces de rechange compte près d'une centaine d'intervenants (producteurs et importateurs), majoritairement concentrés à Casablanca. Ces opérateurs fournissent en pièces de rechange un large réseau de distribution composé de grossistes, semi-grossistes et quelque 20 000 détaillants. A cela s'ajoutent les détaillants ambulants, moins formels, qui s'approvisionnent auprès des distributeurs et grossistes dans les villes comme Casablanca, pour revendre dans les zones rurales les plus reculées. A côté des garagistes et réparateurs rapides, les détaillants demeurent de grands prescripteurs. «Les revendeurs préfèrent conseiller les pièces contrefaites parce qu'elles sont 10 fois moins chères que les produits d'origine. Ils peuvent donc réaliser des marges allant de 50% à 100%. Ce qu'ils ne peuvent dégager sur la vente des pièces d'origine», explique Youssef Benslim. Même raisonnement du côté des consommateurs. Selon les spécialistes, la majorité des automobilistes marocains entretiennent leur voiture essentiellement dans les petits garages puisqu'ils considèrent que les prix pratiqués par les concessionnaires automobiles sont trop élevés. C'est d'ailleurs dans l'objectif d'améliorer la compétitivité de l'industrie du secteur automobile au Maroc que le ministère du commerce et de l'industrie, en collaboration avec l'Amica et avec l'appui de la commission européenne, a créé le Centre technique des industries des équipements pour véhicules (CETIEV). L'une des missions principales de ce centre, opérationnel depuis 2008, est de réaliser, à la demande, des essais sur les produits importés pour le marché marocain afin de vérifier leur conformité avec les normes nationales et protéger ainsi le consommateur marocain. Un label marocain est en préparation Maintenant, la question est de savoir comment de telles pièces, compte tenu de l'arsenal réglementaire et juridique en place, peuvent être écoulées sur le marché. L'astuce est somme toute banale : comme les ports de Tanger et de Casablanca sont les seuls à disposer d'un service de contrôle équipé, les importateurs se replient sur les ports de Nador, Agadir et même de Mohammédia. Au regard des professionnels, il devient par conséquent nécessaire de généraliser le prélèvement obligatoire pour contrôle normatif systématique des pièces de rechange automobiles dans tous les ports et points d'entrée terrestres et maritimes. Il est vrai que la tutelle a instauré des normes de qualité marocaines obligatoires (NMO) pour les composants automobiles. Mais la priorité est donnée aux pièces dites de sécurité, c'est-à-dire celles dont la qualité a un impact direct sur la sécurité active ou passive des véhicules. Vu que les voitures sont composées d'environ 30 000 pièces, les vendeurs de produits contrefaits ont de quoi développer leurs affaires. Dès lors, l'Amica «trouve qu'il est nécessaire d'accélérer le programme national de normalisation et veiller au strict respect de sa mise en application à travers l'élaboration davantage de normes de contrôle pour couvrir le maximum de pièces de rechange fabriquées localement ou importées et distribuées sur le marché marocain». Les actions qu'envisage d'entreprendre l'association sont très ambitieuses. Elle est en négociation avec la tutelle en vue d'une multiplication des contrôles sur le terrain, notamment sur les axes routiers et dans les magasins de stockage clandestins. L'association a également adressé au ministère du commerce et de l'industrie une demande de financement d'une étude approfondie sur les circuits d'importation et de commercialisation de ces pièces. L'objectif de cette étude est de lui permettre d'avoir des chiffres fiables et crédibles qui obligeront l'Administration des douanes à augmenter davantage ses efforts en matière de contrôle des pièces de rechange importées. Dans la même veine, l'Amica, en concertation avec la CGEM, l'Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC) et le Comité national pour la propriété industrielle et l'anti-contrefaçon (COMPIAC), prépare un label marocain pour distinguer les pièces d'origine de celles contrefaites.