«La GPEC est un impératif de pilotage stratégique» La GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) est une démarche volontariste. C'est d'abord un état d'esprit avant d'être un ensemble d'outils modernes et sophistiqués. La mise en place d'un projet du genre nécessite une maturité de la fonction RH et une prise de conscience au plus haut niveau des risques encourus par l'entreprise. Plus de précisions avec Houcine Berbou, consultant associé au sein du cabinet LMS-ORH. Y a-t-il un regain d'intérêt pour la GPEC ? Avant de répondre à cette question mettons-nous d'accord sur une définition simple de la démarche. La GPEC consiste à confronter les ressources de l'entreprise avec ses besoins futurs en effectifs et en compétences au regard du développement attendu de son business ainsi que de son environnement technique, légal, économique et concurrentiel. Les objectifs associés généralement à une démarche GPEC consistent à : – œuvrer pour la maîtrise des coûts et de la masse salariale ; – rationaliser le système de recrutement qui comporte souvent de nombreuses lacunes ; – faire face aux périodes de restrictions budgétaires et la réduction des possibilités de recrutement à l'extérieur en proposant des alternatives viables comme la formation continue et la mobilité professionnelle ; – analyser l'impact de l'évolution des méthodes, des processus et des outils de travail sur le besoin en effectifs et en compétences. Pour le regain d'intérêt, il est aujourd'hui plus que jamais ressenti car, ces dernières années, il y a eu plusieurs faits décisifs. D'abord, une crise économique qui n'a épargné aucune institution (entreprises grandes ou petites, Etats, collectivités…). Ensuite, aussi bien l'Etat que les entreprises ont annoncé des mesures de restrictions budgétaires et ont réduit les possibilités de recrutement externe. De même que les nouvelles technologies ont changé complètement la configuration de certains emplois et donc ont induit de nouveaux besoins en compétences. Enfin, la concurrence s'est intensifiée dans presque tous les secteurs d'activité, ce qui a poussé les entreprises à s'engager dans une chasse aux surcoûts, notamment ceux émanant des évolutions «improductives» de la masse salariale. Pour toutes ces raisons et bien d'autres, la GPEC est devenue plus que jamais un impératif de pilotage stratégique des ressources humaines. Notons à ce titre plusieurs exemples qui dénotent de l'importance accordée par l'administration et les établissements publics à la mise en place d'une démarche GPEC: – la quasi-absence d'une gestion des emplois et des compétences. Quand l'administration recrutait, elle le faisait sur la base du diplôme et de l'ancienneté et non sur l'adaptation de son profil à l'emploi qu'il va occuper ; – malgré que l'administration marocaine ait connu une large utilisation de l'informatique dans la gestion quotidienne de ses services, elle n'a pas encore atteint la maîtrise technique et juridique qui lui permet d'offrir aux citoyens des services en ligne à forte valeur ajoutée ; – l'administration souffre d'une mauvaise répartition des effectifs. Bon nombre de fonctionnaires censés être affectés à des activités de conception, d'analyse et de programmation, se cantonnent dans des tâches d'exécution ; – l'administration marocaine n'a pas encore pu intégrer les nouveaux outils d'évaluation des performances et des résultats ; l'approche prédominante demeure encore le contrôle de conformité et de régularité, tant dans le domaine de la gestion financière que dans celui de la gestion des ressources humaines. Le regain d'intérêt est lié aussi au fait que chaque entreprise ou institution qui met en place une vision stratégique doit aligner ses moyens de manière à ce qu'elle puisse dégager une marge. L'insuffisance des effectifs et le déficit en compétences est un problème, c'est un manque à gagner. Les sureffectifs et l'inadéquation des compétences avec ce qui est requis posent également problème. L'idée de la GPEC est justement de mettre en place des plans d'actions RH ciblés pour contrecarrer les déficits en compétences, les sureffectifs et les sous-effectifs.
Pensez-vous que les entreprises ont de la visibilité sur leurs emplois et compétences ? On peut facilement affirmer que la plupart des entreprises qui n'alignent pas la gestion des ressources aux impératifs du business s'inscrivent plutôt dans une démarche de réaction et non d'anticipation. La GPEC est une approche volontariste et anticipative. L'exemple le plus révélateur de ce qui est dit, c'est la procédure de recrutement en vigueur dans plusieurs entreprises. On demande aux opérationnels d'exprimer leurs besoins, ces derniers sont consolidés et sont soumis à l'épreuve du budget disponible pour l'opération de recrutement. La démarche GPEC se base fondamentalement sur la complémentarité des leviers RH : recrutement, formation et mobilité. Par ailleurs, les entreprises disposent certes d'un manuel de fiches de postes, mais pas souvent de Référentiel des emplois et des compétences (REC) qui intègre en plus du manuel des fiches de poste, le référentiel des emplois-types, la matrice des aires de mobilité professionnelle… L'utilisation du manuel de fiches de postes est statique alors que l'utilisation du REC est dynamique et systémique. Pour résumer, les grandes entreprises et établissements rodés à la GPEC ont de la visibilité sur l'évolution de leurs emplois et compétences, les autres pas suffisamment ou pas du tout.
Pourquoi la démarche n'arrive-t-elle toujours pas à se généraliser surtout dans les grandes structures ? Comme je le disais plus haut, la GPEC est une démarche volontariste. C'est d'abord un état d'esprit avant d'être un ensemble d'outils modernes et sophistiqués. La mise en place d'un projet de GEPC nécessite une maturité de la fonction RH et une prise de conscience au plus haut niveau des risques encourus par l'entreprise si elle n'aligne pas ses ressources sur ses besoins futurs au regard des évolutions attendues. Pensez-vous qu'une loi-cadre (comme c'est le cas ailleurs) est nécessaire pour inciter les entreprises à mieux gérer les effectifs ? Tout à fait. L'administration marocaine a défini une nomenclature nationale de classification des emplois de la fonction publique. Toutes les administrations sont tenues d'aligner leurs REC sur ce dispositif de référence, ce qui permettra de mieux gérer les effectifs en facilitant la mobilité professionnelle entre les administrations et en optimisant les investissements en formation. En effet, tous les emplois de la fonction publique sont classés sur la base de 5 critères structurants : – la responsabilité (stratégique, managériale, opérationnelle…) ; – la complexité des activités et des compétences à mobiliser pour accomplir ces activités ; – le niveau de qualification ; – le champ des relations au travail (stratégiques, managériales , fonctionnelles…) ; – L'environnement et les conditions spécifiques d'exercice.
De quelle façon la GPEC peut-elle être exploitée de façon pertinente ? En en faisant un outil de pilotage stratégique des ressources humaines. Le responsable de développement RH dispose d'une mine d'or pour véritablement se positionner en tant que RH Partner avec les directions opérationnelles. Ce dispositif systémique permet d'avoir une vision intégrée de la réalité des RH. Les grands groupes multinationaux fonctionnent selon ce modèle et le management des (et par) compétences s'y exprime dans toutes ses dimensions. Il est aussi important de signaler que la mise en place d'une GPEC est une bonne introduction à l'exercice du contrôle de gestion sociale.