Concurrencés par le marché de bouche beaucoup plus rémunérateur, les industriels ont du mal à s'approvisionner sur le marché local. Les écarts de triage seront écrasés et le concentré leur sera vendu. Le projet est en discussion avec les stations de conditionnement. L'approvisionnement des industriels du jus est une problématique récurrente. Ce secteur est aujourd'hui contraint d'importer du concentré. Pour y remédier, les producteurs d'agrumes ont décidé de créer des unités de transformation, en partenariat avec les stations de conditionnement. Plus clairement, les écarts de triage seront écrasés et le concentré vendu aux industriels. Le projet est bien avancé, selon l'Association des producteurs d'agrumes du Maroc (ASPAM). Comment expliquer ce déficit de matières premières dans un pays pourtant gros producteur d'agrumes ? Comme le marché local, appelé aussi marché de bouche, est plus rémunérateur, les producteurs préfèrent y écouler leurs écarts de triage au lieu de les céder aux transformateurs. Selon l'ASPAM, le prix payé par les industriels aux producteurs durant ces deux dernières années est passé de 0,75 DH à 1,5 DH le kilo. Dans le même temps, il est monté de 1,60 à 1,70 DH le kilo sur le marché de bouche qui, durant la saison en cours, devrait absorber 1,6 million de tonnes, soit 70% de la production nationale ou 20 kg par habitant. Les producteurs ne veulent donc pas rater l'opportunité de maximiser leurs revenus. Sans compter que, contrairement aux industriels, les commerçants payent comptant alors que les industriels négocient les prix et obtiennent des délais de paiement longs. Outre le niveau des prix, les industriels notent aussi que la demande locale, qui jusqu'alors portait principalement sur la navel (orange douce prisée par les Marocains), s'est élargie à des variétés normalement destinées à la transformation (Maroc Late, sanguine et la salustiana). Ce qui aggrave davantage les difficultés d'approvisionnement des industriels. En définitive, les quantités transformées durant ces dernières années ont fortement chuté. Avant l'arrêt d'activité de Frumat, la transformation portait sur 350000 tonnes d'agrumes contre 50000 seulement pour les deux dernières années. 40 000 tonnes de concentré importées de l'Amérique du Sud Pour couvrir leurs besoins, les industriels importent essentiellement du concentré d'oranges de l'Amérique du Sud, environ 40 000 tonnes par an. La facture est cependant de plus en plus lourde. De 200 dollars la tonne au début des années 2000, le prix du concentré d'orange est monté autour de 2 700 dollars. Une hausse de 55% a été enregistrée durant les quatre dernières années. Et les professionnels prévoient une poursuite de la pression sur le prix du fait de la baisse de la production d'oranges en Floride, deuxième producteur mondial, en raison du «citrus greening», une maladie qui ralentit la croissance des fruits. Etant également touché par ce fléau, le Brésil ne pourra peut-être pas, toujours de l'avis des professionnels, combler le vide. L'importation n'est donc pas une option sûre pour assurer la régularité de l'approvisionnement. D'où l'idée de créer des unités de production de concentré. Mais à quelque chose malheur est bon. En effet, les industriels diversifient de plus en plus leur offre en optant pour la pêche, le raisin, la pomme et d'autres fruits exotiques.