Une manne de 4,5 milliards de DH relative aux peines pécuniaires est dans la nature. Fermeture des frontières et suspension de la délivrance des papiers administratifs, notamment les extraits d'acte de naissance sont envisagées. Le département de la justice a soumis ses propositions à celui de l'intérieur. Quelque 4,5 milliards de DH en souffrance. A l'heure où l'Etat a du mal à joindre les deux bouts, la Justice et le Trésor public ont semble-t-il oublié leur rôle de percepteur. Un constat qui a poussé Mustapha Ramid, lors de la dernière session parlementaire, à s'indigner du «manque d'efficience du système judiciaire» : seulement 37% des peines pécuniaires sont recouvrées… Une batterie de mesures a dans la foulée été annoncée et confirmée par le ministère de la justice. Celui-ci ne compte ni plus ni moins «fermer les frontières et suspendre la délivrance des papiers administratifs tels que les extraits d'acte de naissance» aux récalcitrants. Deux mesures que le ministre de la justice compte «opérer en collaboration avec l'Intérieur», indique-t-on au sein du département. L'idée serait de «communiquer les bases de données des secrétariats-greffes aux démembrements de l'administration: régions, communes, préfectures et provinces». Pour parer au plus pressé, le ministre a également convoqué les directeurs centraux ainsi que des experts pour réagir à une étude interne qui a notamment relevé la «non-application des modes de recouvrement tels que les ventes aux enchères ou la saisie». Elle a en outre fustigé le faible recours à la contrainte par corps et le peu d'exécution des missions rogatoires. Le réquisitoire ne s'arrête pas là. Manque de formation du personnel chargé du recouvrement, absence de synergie entre le ministère et le Trésor, logistique et suivi insuffisants… La liste est longue. Avant même que l'étude ne soit commanditée, la Cour des comptes avait relevé plusieurs irrégularités, notamment l'affectation illégale du cautionnement au Fonds spécial pour l'extension et la rénovation des juridictions. Créé par la Loi de finances de 1993, ce compte ne doit être financé que par un pourcentage des amendes, condamnations pécuniaires, dépens et frais de justice. Le reste des sommes devait être en fait remis à la Trésorerie générale du Royaume (TGR). En l'état actuel, la base légale ou constitutionnelle fait défaut La caution est versée par une personne en contrepartie d'une poursuite judiciaire en état de liberté provisoire. Décision qui est prise par le parquet ou le juge d'instruction. Il arrive souvent que la demande de restitution de la caution ne soit pas faite, notamment par un accusé ayant été acquitté. Le secrétariat greffe procède tout de même à l'affectation de la somme au fonds spécial. Une pratique diamétralement opposée aux principes d'imputation budgétaire. Des données qui poussent Me Fadel Boucetta, avocat au barreau de Casablanca, à juger cette initiative comme un «effet d'annonce». Il s'explique: «D'abord d'un point de vue logistique, il est quasi impossible pour le ministère de l'intérieur de disposer de ces bases de données au vu du manque de suivi individuel et de traçabilité. Ensuite, priver les citoyens de certains droits tels que les extraits d'acte de naissance est tout simplement illégal, voire inconstitutionnel». Ce qui pousse le ministère à plus de circonspection. Il ne faut pas oublier que ces annonces, faites au conditionnel, n'ont toujours pas donné de retour de la part de l'Intérieur…