Les nobles intentions ne font pas toujours les meilleurs films: plat, insipide, désincarné, «Derrière les portes fermées», le long-métrage de Mohamed Ahed Bensouda sur le harcèlement sexuel, ne convainc pas. Un film sur le harcèlement sexuel ? Merveilleux ! Courons voir ce brûlot cinématographique, cette torpille jetée à la face des pervers et des brutes! Endurons patiemment les dix-huit minutes de pub qui nous séparent de ce chef-d'œuvre salutaire… Déchantons, hélas, dès les premières minutes, et attendons-nous au pire. Didactiques et plats, les plans se suivent et se ressemblent : tapie derrière les stores, la bête reluque la belle, infatigablement. Un rictus libidineux se dessine sur la face du fauve, ses canines se retroussent de désir pendant que la biche traquée tapote innocemment sur son clavier. Le spectateur, qui n'est pas un attardé, l'a compris dès le premier regard lubrique : Mourad, l'horrible patron, désire ardemment Samira, sa jolie employée. Pourquoi répéter quatre ou cinq fois la même scène éculée des yeux avides cachés derrière les stores ? Tout ceci manque sérieusement de subtilité. Le méchant est très, très méchant, avec les grimaces, la bedaine et les hurlements de circonstance ; la gentille est un ange sur pattes… Pardon, sur jambes interminables (cette phrase ne comporte pas une once de jalousie). Poursuivons : Samira et son mari (les gentils, donc) forment le tandem des Bisounours, solide et amoureux. Mourad et sa femme (les méchants, vous suivez ?) se jettent des regards assassins (quand ils se regardent). Parfois, un concierge ventripotent fait une brusque apparition et une flopée de propositions indécentes (traduisez : le harcèlement sexuel est un fléau qui touche tout le Maroc, du chaouch/de la femme de ménage au patron d'entreprise/à la jeune cadre dynamique). On l'aura compris : la trame, les personnages, les rapports humains, les dialogues («Je suis dingue de toi» – «Mais ça va pas ? Vous êtes fou ou quoi ?»), tout est d'un simplisme exaspérant. Les atteintes à la personne, à la dignité humaine s'exercent de mille manières différentes, par des individus aux multiples profils psychologiques. Au travail, oui, souvent, mais dans l'intimité des foyers aussi, plus qu'on ne l'imagine ; dans les rues, surtout, où elles sont d'une violence inouïe. Ces situations, ces gestes, ces mots odieux, ne méritaient-ils pas d'être abordés ? Un sujet aussi grave nécessitait un traitement moins caricatural, moins aseptisé.