Sur le plan technique, la préparation de la loi a démarré fin mars dernier. Bientôt interviendra la phase des arbitrages. Quel impact aura la démission de l'Istiqlal sur le projet et son contenu ? La préparation de la Loi de finances 2014 se déroule dans des conditions tout à fait particulières, voire inédites : le ministre de l'économie et des finances, Nizar Baraka, est officiellement démissionnaire, suite à la décision de son parti, l'Istiqlal, de se retirer du gouvernement. Techniquement, cela ne change pas grand-chose, et même rien du tout, puisque la préparation de la Loi de finances est, en premier ressort, de la compétence du ministre délégué en charge du budget, le péjidiste Driss El Azami El Idrissi, un ancien du ministère des finances. En outre, les équipes qui planchent sur la Loi de finances sont bien rodées à cet exercice, et elles y travaillent depuis fin mars dernier. Mais la technique n'est pas tout. Le climat d'incertitude que fait naître le retrait de l'Istiqlal de la coalition gouvernementale, qu'on le veuille ou non, perturbe, d'une manière ou d'une autre, la préparation de ce texte. On peut se demander en effet dans quel état d'esprit peuvent se trouver des ministres démissionnaires, qui sont encore là seulement pour expédier les affaires courantes. Or, un budget, ce n'est pas une affaire courante, bien au contraire. Selon les indications de l'entourage du ministre du budget, la lettre de cadrage du chef du gouvernement qui, comme son nom l'indique, donne les grandes orientations de la Loi de finances et les principaux objectifs à réaliser, est en cours de préparation. Elle sera envoyée aux ministères au cours de la première semaine d'août (au lieu de la mi-août l'an dernier). La question est de savoir si un nouvel allié sera rapidement trouvé afin que puissent avoir lieu les arbitrages qui précèdent la phase de dépôt et d'adoption de la Loi de finances. Et puis, de quel allié s'agira-t-il ? Celui-ci avalisera-t-il les choix et les orientations de l'ancienne majorité ? Réformes indispensables mais conjoncture heurtée Dans cette conjoncture très heurtée, où l'urgence est de construire une nouvelle majorité, la question des réformes peut sembler presque incongrue. Comment parler de réformes fiscales ou des retraites ou encore de compensation (voir encadré), alors même que le pays est, pour l'heure (et même depuis presque un an), en panne de majorité ? Or, ces réformes-là et d'autres encore sont indispensables pour reconstruire les équilibres macroéconomiques, rompus depuis l'avènement de la crise internationale en 2008. Le pays, depuis cette date, vit dans des déficits jumeaux qui, chaque année, s'aggravent un peu plus : 10% du PIB de déficit du compte courant et 7,5% de déficit budgétaire en 2012, c'est évidemment beaucoup, et cela a d'ailleurs valu non pas la dégradation de la notation du Maroc (encore heureux) mais l'abaissement de la perspective de cette notation. Le FMI, de son côté, qui est lui aussi un bailleur de fonds pour le Maroc, insiste vivement ces derniers temps sur les réformes de compensation et de retraites, en particulier, et Bank Al-Maghrib dans son dernier rapport annuel, comme le Haut commissariat au plan avant lui, pointe sans équivoque les fragilités actuelles de l'économie qui s'appellent, pour résumer, déficit interne et externe. Les derniers chiffres disponibles, aussi bien sur la balance des paiements que sur l'exécution du budget 2013, n'indiquent pas un changement substantiel de la situation, malgré les améliorations observées sur le commerce extérieur (baisse des importations) et la détente sur les prix des matières premières. Le compte courant pour le premier trimestre est déficitaire de 16 milliards de DH, selon l'Office des changes, et le Budget a accusé un déficit de 34,4 milliards de DH au titre des six premiers mois de l'année, selon la Trésorerie générale du Royaume. A ce train, le déficit de la balance courante devrait s'alléger (environ 6,8% du PIB selon le HCP) par rapport à son niveau de 2012 (10% du PIB), mais celui du Budget pourrait rester au même niveau que l'année dernière (7,4%) et peut-être même aller au-delà ! Il se trouve que le budget 2014, dans tous les cas, aura comme base les réalisations de 2013. Et celles-ci, si l'on excepte l'agriculture, demeurent modestes. Autrement dit, sur le plan économique, et indépendamment des niveaux de croissance obtenus (car les recettes budgétaires ou d'exportation ne sont pas très corrélées à la croissance), il y a énormément de travail à effectuer. La conjoncture politique, avec les tiraillements partisans et, plus que ça, l'absence d'une majorité soudée et solidaire, n'y aide pas vraiment.