La hausse des prix du sable, du rond à béton et du ciment augmente le coût de revient des gros oeuvres de 15%. Les promoteurs annoncent leur intention de rogner sur leurs marges pour garder les prix inchangés compte tenu de la fragilité de la demande. Faut-il craindre une nouvelle hausse des prix de l'immobilier ? Avec l'introduction de nouvelles taxes sur les matériaux de construction dans la Loi de finances 2013, les promoteurs immobiliers rapportent une augmentation conséquente de leurs charges. En effet, le budget en vigueur institue une taxe sur le rond à béton de 0,10 DH le kilogramme ainsi qu'un prélèvement spécial de 50 DH le m3 sur le sable des dunes et des oueds, et de 20 DH le m3 sur le sable de concassage. «Les fabricants de matériaux de construction ont systématiquement répercuté les nouvelles taxes sur les acheteurs. A leur tour, les entrepreneurs construisant pour le compte des promoteurs immobiliers intègrent ces surcoûts dans leurs tarifs. Au final, le mètre carré revient plus cher pour le promoteur», explique Youssef Ibn Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI). Mais à y voir de plus près, les choses n'ont pas été aussi systématiques. En dépit des nouvelles taxes, les fabricants de ronds à béton n'ont pas sensiblement revu leurs prix, selon les entrepreneurs. Ce matériau vendu actuellement entre 7 500 et 8 500 DH la tonne, selon le diamètre, n'a augmenté que de 2% depuis juin dernier. Une situation qui se justifie en grande partie par la concurrence exacerbée sur ce marché du fait d'un afflux massif de produits d'importation. En revanche, les fournisseurs de sable ont révisé leurs prix à la hausse de manière notable en proportions bien supérieures à la nouvelle taxe, s'agissant spécifiquement du sable de dunes. Les fournisseurs de cette dernière variété affichent des prix de 350 DH le m3, de 30 à 40% supérieurs au tarif pratiqué jusqu'au deuxième semestre 2012. Mais les entrepreneurs ont trouvé pour l'heure la parade en optant pour d'autres variétés, à savoir le sable d'oueds et de concassage, qui ont connu des hausses de prix plus contenues. Dans la foulée, les prix des produits en béton préfabriqués (planchers, dalles…) utilisant ces intrants ont également augmenté d'au moins 5%. A côté de toutes ces augmentations induites par les nouvelles taxes, les entrepreneurs rapportent des hausses de prix notables pour certains matériaux dont notamment la brique à 6 trous (la plus utilisée), facturée actuellement à 1,75 DH l'unité, soit 30% de plus qu'en juin dernier, ou encore le ciment qui a augmenté de 5% sur la période. Certains promoteurs pourraient faire des économies sur les travaux de finition Comment ces augmentations devraient-elles impacter le coût de revient des logements ? Manifestement, de manière moins importante que ce que laissent entendre certains professionnels. En effet, les matériaux touchés par les augmentations sont utilisés en grande partie dans les gros œuvres (les travaux d'étanchéité et les revêtements sont également touchés mais dans une bien moindre mesure). En prenant en considération toutes les hausses constatées jusqu'à présent, le coût de revient de cette phase de travaux devrait augmenter de 15%, selon les estimations concordantes des entrepreneurs, et ce, quel que soit le standing car les travaux de gros œuvres sont similaires pour tous les types de logements. Sachant encore que les gros œuvres représentent 30% à 50% du coût de revient total d'un logement, selon le standing (50% pour le logement social, 40% pour le moyen standing et 30% pour le haut standing), les augmentations de matériaux de construction devraient in fine renchérir ce coût de 5% (haut standing) à 8% (logement social). Qu'en sera-t-il au final des prix de vente aux particuliers ? Là encore, une majorité de professionnels a une réponse toute faite : les promoteurs ne répercuteront pas la hausse de leur coût de revient sur les acheteurs en raison de la fragilité de la demande, au lieu de cela ils devraient tailler dans leurs marges. Naturellement, la question de répercuter la hausse du coût de revient ne se pose pas pour le logement à 250 000 DH dont les prix sont fixés par la loi. Toutefois, «rien n'empêche d'essayer de faire des économies sur les travaux de second œuvre et de finition sur le segment social pour maintenir les taux de marge», avoue un promoteur immobilier. Mais il nuance : «Ces pratiques restent l'apanage de petits opérateurs qui peuvent être flexibles à l'inverse des grands acteurs engagés sur des programmes d'envergure régis par des cahiers des charges». Les opérateurs pourraient être d'autant moins tentés de faire des concessions sur la qualité que la concurrence se fait rude dans le social, tout comme pour le moyen et le haut standing d'ailleurs. Et si sur ces deux derniers segments ils ont toujours le choix d'augmenter leurs prix, cela ne peut être envisagé dans la majorité des villes où le marché de l'immobilier est encore plus sinistré que pendant le marasme de 2008, selon les professionnels. Pour autant, même s'ils gardent leurs prix inchangés, les promoteurs ne devraient pas voir leurs marges entamées à court terme. Du fait du ralentissement du marché, l'activité de la majorité des opérateurs reste concentrée sur la commercialisation des stocks de logements déjà achevés. Et même ceux en phase de fabrication sont liés à leurs sous-traitants par des contrats qui fixent le coût de revient sur la durée, pour plus de 6 mois. «Tous les promoteurs de moyenne et grande taille, dégageant un chiffre d'affaires supérieur à 100 MDH, tous segments confondus, recourent actuellement à des entrepreneurs et négocient dans 70% des cas des tarifs non révisables», dévoile le directeur d'une grande entreprise de BTP à Casablanca. En somme, dans l'immédiat, les promoteurs immobiliers ne sont pas le plus à plaindre.