Le Cinéma Ritz de Casablanca accueille le Festival de Madar, organisé du 15 au 17 janvier. L'événement aborde les thématiques des migrations et des déplacements dans la région du Maghreb tout en proposant un programme de conférences, de projections et d'expositions. Les détails. Suivez La Vie éco sur Telegram Le Festival de MADAR a été inauguré, ce mercredi 15 janvier, sous le signe de la réflexion et de l'engagement, au cinéma Ritz de Casablanca. Mariangela Palladino, chercheuse principale du réseau MADAR et professeure en études postcoloniales à l'université de Keele, au Royaume-Uni, a ouvert les festivités avec un discours passionnant qui a résumé cinq années de travaux intensifs. Dans son allocution, Mariangela Palladino a souligné l'importance du travail collectif entre institutions académiques et organisations de la société civile à travers le Maroc, la Tunisie, l'Algérie et le Royaume-Uni. « Ce projet, fruit d'échanges et de défis, explore les mobilités humaines à travers le Maghreb, s'intéressant autant aux expériences des déplacés qu'aux dynamiques éthiques et politiques des déplacements », a-t-elle déclaré. Palladino a également évoqué les défis auxquels l'équipe a été confrontée, notamment les pressions politiques et les tensions transnationales, tout en soulignant l'importance d'unir les efforts pour promouvoir des partenariats équitables. « Maintenir une collaboration internationale est complexe, surtout dans un contexte de barrières bureaucratiques et politiques, mais ces défis renforcent notre détermination », a-t-elle affirmé. Palladino a conclu en insistant sur le rôle transformateur de l'art dans la recherche et l'advocacy : « L'art a le potentiel d'atteindre les endroits où les méthodes traditionnelles échouent ». Une réflexion sur la migration au Maghreb Le premier panel intitulé « Liberté de circulation, d'installation et d'insertion » a exploré les conditions dans lesquelles les populations migrantes circulent, s'installent et s'intègrent au sein du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie. Parmi les questions soulevées figuraient les politiques et pratiques facilitant ou entravant ces mobilités, ainsi que la manière dont les droits nationaux et internationaux sont appliqués. Yousra Boughdadi, coordinatrice principale d'EuroMed Rights au Maroc, a ouvert la discussion en dénonçant certaines pratiques discriminatoires qui limitent les droits des migrants au Maghreb. Elle a plaidé pour une réforme basée sur une analyse intersectionnelle des discriminations. Olfa Arfaoui, activiste féministe tunisienne et fondatrice du FEMENA Network, a poursuivi avec un témoignage empreint d'émotion. Elle a relaté une anecdote marquante de son voyage : « En arrivant ici, j'étais dans un avion où une personne expulsée a exprimé sa douleur par un cri déchirant, un rappel poignant de la cruauté des politiques migratoires actuelles ». Elle a ensuite décrit un projet artistique multidisciplinaire réunissant 30 artistes issus de divers horizons, conçu pour promouvoir l'inclusion et lutter contre le racisme. « L'idée était de créer un espace sans frontières ni limites, où le dialogue et la créativité triomphent des discriminations », a-t-elle expliqué. Olfa a également insisté sur l'importance de déconstruire les discours stigmatisants : « L'art peut être un puissant moyen de changer les mentalités et de promouvoir une société plus inclusive ». Rodrigue Mfeumba Yonga, militant camerounais et membre d'Alarm Phone, a partagé un témoignage poignant sur les défis rencontrés par les migrants. « Nous travaillons depuis dix ans à accompagner les migrants, à les sensibiliser et à les soutenir moralement dans des contextes souvent hostiles. Malgré les restrictions croissantes et les conditions de vie précaires, nous restons mobilisés », a-t-il déclaré. Rodrigue a également évoqué la montée des tensions dans les zones frontalières, où les migrants subissent des pressions accrues et un accès limité à l'assistance. Les échanges du panel, notamment ceux de Mehdi Lahlou, professeur d'économie, et de Khaled Menna, directeur adjoint du Centre de Recherche en Economie Appliquée pour le Développement (CREAD), ont tous permis de mettre en lumière les processus complexes de contrôle et de surveillance auxquels les migrants sont soumis, ainsi que les représentations souvent stigmatisantes de ces populations dans les discours publics et médiatiques. Les intervenants ont appelé à une réforme des politiques migratoires afin de garantir le respect des droits humains et de promouvoir une véritable inclusion. La suite du festival promet d'être tout aussi enrichissante, avec des panels thématiques et des performances artistiques prévues pour illustrer la complexité des mobilités dans la région. Une suite prometteuse Le deuxième panel, intitulé « Protection, vulnérabilités et droits », se concentre sur les systèmes de soins et les dynamiques de protection des populations vulnérables. Les intervenants examineront les régimes de soins et de protection des migrants confrontés à diverses formes de vulnérabilité au Maroc, en l'Algérie et en Tunisie. Les discussions portent notamment sur les facteurs sociopolitiques, économiques et culturels qui exacerbent ces vulnérabilités, ainsi que sur les différences d'expériences vécues selon les marqueurs sociaux tels que la race, le genre, l'orientation sexuelle et l'âge. Ce panel ambitionne aussi d'évaluer l'efficacité des droits existants pour atténuer ou prévenir ces vulnérabilités. Le festival met également l'accent sur les questions migratoires à travers une programmation cinématographique riche et engagée. En suspens de Francesco Clerici, un documentaire poignant, explore les trajectoires complexes des migrants d'Afrique subsaharienne. Le court-métrage Field Flowers de Houssem Ghades et de l'association Awledna témoigne, quant à lui, de l'engagement de la société civile tunisienne en faveur des migrants. Qui plus est, l'exposition Organic Knowledge de The Minority Globe propose une expérience artistique, invitant à une réflexion approfondie sur les enjeux de la migration. Les installations immersives présentées, telles que « Eléphant en Méditerranée » et « Témoigner pour agir », offrent au public une perspective sur les parcours et les expériences des migrants.