Le contexte géopolitique de la région de l'Afrique du nord se traduit actuellement par une harmonisation des salaires et une quête d'équité interne. Au Maroc comme en Egypte, la structure des salaires est caractérisée par une prédominance de la partie variable. Que ce soit pour le Maroc, l'Algérie, la Tunisie ou l'Egypte, la problématique est la même : comment attirer et fidéliser les talents tout en maîtrisant la masse salariale. Quelles sont les similitudes entre ces pays en matière de pratiques salariales ? Entretien avec Haykel Barbouch, DG du cabinet Paymed Consulting et business partner de Mercer International. De manière générale, quelle analyse faites-vous des pratiques salariales des pays de la région de l'Afrique du nord (Maroc, Algérie, Tunisie et Egypte) ? Globalement, je pense que les entreprises de ces pays connaissent les mêmes problématiques, à savoir comment retenir les bons profils mais aussi comment chercher à mieux maîtriser leur masse salariale. Au Maroc, tout comme en Egypte, on observe une forte implantation des multinationales. Généralement, ces entreprises fonctionnent avec des règles transparentes en matière de déclaration des rémunérations, des avantages sociaux, mise en place d'outils RH… Et donc, les entreprises sont comparables en termes de politique de rémunération. Ceci dit, dans tous ces pays, les entreprises locales commencent depuis quelques années à se structurer, à faire du benchmarking mais aussi à se positionner, à recadrer les salaires et surtout à bâtir une stratégie de rémunération. Le contexte géopolitique a quelque peu changé la donne durant ces deux dernières années. Qu'est-ce qu'il en résulte ? Compte tenu de la récession observée au niveau mondial mais aussi de l'impact du printemps arabe, les entreprises ont changé de stratégie. Je m'explique. Avant, elles étaient dans une logique de compétitivité et d'attractivité des meilleurs profils au point d'en nourrir une obsession, tout cela au détriment d'une équité interne. Les entreprises recrutaient des profils pointus, notamment provenant d'Europe ou d'Amérique du nord, au prix fort. Cette tendance avait pour conséquence de provoquer des déséquilibres au niveau des grilles salariales, parfois même pour des postes identiques. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. On cherche plutôt à harmoniser les salaires et à bannir les grands écarts entre les gros et les bas salaires, surtout comme c'est le cas au Maroc ou en Egypte. D'autre part, les gouvernements des pays de l'Afrique du nord ont cherché à désamorcer la pression sociale en accordant des augmentations pour les bas salaires. En Algérie par exemple, on a augmenté le salaire minimum, notamment dans les établissements publics. Ce qui a poussé les entreprises du secteur privé à revoir leur stratégie de rémunération. Mais, globalement, je dirais que le contexte géopolitique se traduit actuellement par une harmonisation des salaires et une quête d'équité interne. Y'a t-il des points de similitude entre les pratiques salariales de ces pays ? Si oui, lesquels ? Tout à fait ! Généralement il existe une prédominance de la partie fixe du salaire dans la structure d'une rémunération même si la partie variable commence à prendre de l'importance. Ce qui est le cas au Maroc et en Egypte. Dans les postes de direction, la partie variable peut représenter jusqu'à 40% du salaire tandis qu'elle est entre 20 à 30% chez le middle management. Une majorité des entreprises offrent des bonus de performance aux collaborateurs. Toutefois, les entreprises structurées fidélisent de plus en plus par d'autres avantages en nature. Généralement, comment opérez-vous pour faire votre benchmarking entre ces pays ? Il faut dire que la méthodologie est la même dans tous les pays, à savoir qu'on analyse plusieurs composantes de la rémunération (salaire annuel de base, salaire annuel fixe garanti, salaire annuel global, salaire annuel total ainsi que la rémunération totale). Je reviens à l'idée que les analyses concernent les pratiques salariales des entreprises structurées en matière de politique RH. Après, on choisit une monnaie unique à savoir l'euro ou le dollar pour comparer les niveaux de salaire. J'ajoute toutefois que ces niveaux de salaire ne prennent pas en compte le coût de la vie, un facteur qui reste important dans une rémunération. Les salaires des cadres marocains sont généralement plus élevés par rapport aux autres pays, pourquoi à votre avis ? Comme je l'ai signalé précédemment, le Maroc reste un centre de décision pour un certain nombre de multinationales qui y sont installées. Du coup, ces entreprises payent le prix fort pour attirer les meilleurs profils. Par ailleurs, le développement des projets d'infrastructure et la mise en œuvre des plans sectoriels ont animé le marché des cadres dirigeants. Les organisations et les entreprises sont en quête de profils pour répondre aux besoins de pilotage de ces projets. Ces profils étant relativement rares, leur rémunération est naturellement élevée. D'autre part, le coût de la vie, surtout à Casablanca, reste également plus élevé par rapport à Alger ou Tunis. Pour certaines expertises difficiles à trouver, les entreprises s'inscrivent clairement dans une compétition de dimension mondiale. Pouvez-vous nous citer quelques exemples ? Aujourd'hui, on assiste de plus en plus à une mondialisation du marché de l'emploi. On recrute les compétences là où elles se trouvent. On sait par exemple que beaucoup d'informaticiens maghrébins sont présents en Europe. Pour certains métiers techniques comme le forage de pétrole, beaucoup de compétences algériennes sont présentes dans les pays du Golfe ou encore en Russie. Autre tendance, on recherche beaucoup les profils à double compétence. Par exemple, des financiers qui vont travailler sur des projets de supply chain.