Le plus souvent, les entreprises font jouer la promotion interne ou la cooptation quand il s'agit de pourvoir un poste important. L'approche directe est la méthode la plus sûre pour éviter les fuites. Recruter un haut cadre n'est pas une sinécure. Compte tenu des responsabilités qui doivent lui être confiées, une erreur de casting s'avère nettement plus grave que pour des postes de support. Naguère et aujourd'hui encore, beaucoup d'entreprises optent pour la promotion interne. Outre l'économie des frais financiers inhérents à un recrutement externe, l'intérêt, souligne un DRH, c'est que la personne choisie est déjà bien intégrée, connaît bien les rouages de l'organisation et est facilement acceptée si ses compétences sont reconnues par ses collègues et collaborateurs. Ce recrutement interne se fait parfois par appel à candidature, démarche qui s'impose pour assurer une totale transparence. Mais dans certains cas, la cooptation reste de rigueur. On choisit telle ou telle personne parce qu'elle est plus proche d'un membre du conseil d'administration ou du DG, si c'est un poste à un cran en dessous. Quand les profils n'existent pas en interne, il faut forcément aller les chercher sur le marché. Là aussi la cooptation est utilisée. Mais dans ce cas, il est plus discret et plus judicieux de passer par des intermédiaires spécialisés pour ne pas créer de conflits inutiles avec la concurrence. Aujourd'hui, les entreprises ont de plus en plus tendance à passer par ces cabinets pour trouver des cadres dirigeants parce qu'en principe ils sont plus à même de réduire les risques d'erreurs. Ce n'est donc pas pour rien que Michael Page, cabinet mondialement connu dans ce domaine, a mis pied à Casablanca ou encore qu'AT Kearney envisage de faire du Maroc la deuxième implantation africaine, après l'Afrique du Sud, de sa branche chasse de têtes. Mais il est difficile de chiffrer le nombre de recrutements concernant cette population. Selon Essaid Bellal, DG du cabinet Diorh, «le marché des cadres dirigeants est très cyclique». Il estime qu'une cinquantaine de hauts cadres dirigeants est recrutée chaque année, cinq fois plus si l'on compte les directeurs centraux, directeurs de département et de division. Quant à Philippe Montant, DG du portail Rekrute.com, il juge que le marché reste porteur. Pour illustrer son propos, il annonce qu'Executive.biz, portail destiné aux cadres dirigeants qu'il a ouvert il y a un an et demi «a émis plus de 100 annonces, ce qui revient en moyenne à 5 ou 6 annonces par mois». Un chiffre notable, selon M. Montant qui souligne que les entreprises commencent à utiliser les services du portail pour ce type de recrutement. Le choix des portails spécialisés permet en quelque sorte de faire un premier tri qui rend possible un ciblage plus précis des profils correspondant au poste à pourvoir et, en fin de compte, de limiter les risques de faire un mauvais choix car les conséquences sont beaucoup plus élevées que s'il s'agit d'un employé ou d'un cadre intermédiaire sans grandes responsabilités. Toutefois, ces portails spécialisés restent des banques de données dans lesquelles peuvent aussi puiser les cabinets de recrutement. Les services de ces derniers sont d'autant plus sollicités qu'ils sont en mesure de mener une mission dans la plus grande confidentialité parce que, pour des postes de grande importance, seule une poignée d'initiés doit être au courant dans l'entreprise, le top management par exemple. Chez Diorh, une centaine de cadres dirigeants est placée chaque année en moyenne par approche directe, et ce dans les périodes fastes. «Généralement, les recruteurs ont l'avantage de posséder un réseau professionnel important. Leur connaissance du terrain est aussi avérée et leur base de CV assez importante», fait savoir le DG du cabinet. Ainsi, leur approche et leur système de filature facilitent la mise en confiance des cadres, alors que même la conjoncture économique ne les inciterait pas à changer de poste. «Parfois, lorsqu'on les approche, ils veulent avant tout qu'on fasse connaissance sans qu'ils aient réellement envie de changer. D'autres peuvent rappeler au bout de six mois pour changer d'avis», souligne M. Bellal. Les entretiens menés en toute confidentialité Les premiers ciblés sont généralement ceux qui sont les plus connus, d'abord du point de vue personnel. C'est ainsi que pour faciliter son identification, un cadre veillera, en tout premier lieu, à être inscrit dans l'annuaire des anciens de son école. Même si ces documents sont peu répertoriés sur la place, ils représentent néanmoins un vivier d'informations sur les compétences de la place pour les cabinets de recrutement. Ces derniers vont jusqu'à cibler les compétences marocaines à l'étranger connues à travers leur association, le tout en toute confidentialité. «Nous assurons constamment la confidentialité des entretiens. C'est pourquoi les salles d'accueil sont souvent personnalisées afin d'assurer aux prospects toute la discrétion possible», souligne un spécialiste du recrutement. Le processus est cependant assez long. Entre les débuts de recherche et la conclusion d'un contrat en passant par les différents entretiens, il peut se passer au moins trois mois. La raison est qu'il faut s'assurer que le candidat est bien motivé pour relever le pari. Il est aussi indispensable, surtout si on le connaît moins bien, de bien cerner ses qualités managériales et humaines ainsi que ses compétences techniques. Cependant, même si certains managers dont l'expérience professionnelle est plus qu'avérée acceptent de passer un bilan de compétences, histoire de détecter de nouvelles motivations, le recruteur, ou le collège de recruteurs, se gardera bien de procéder aux mêmes tests psychotechniques et autre mise en situation. Plusieurs chasseurs de têtes soulignent sur ce volet que certains cadres dirigeants peuvent ne pas apprécier le traitement des cabinets quant à leur démarche d'entretien. Demander à un dirigeant qui a plus de 20 ans d'expérience de passer des tests psychotechniques peut parfois s'avérer difficile. C'est en quelque sorte remettre en cause leur professionnalisme. A côté des garanties sur les perspectives de carrière, le plus dur dans le recrutement d'un manager est la détermination de la rémunération. Tout simplement parce que le débauchage se paie. Il est en effet difficile de convaincre un haut cadre de faire ses cartons pour une autre entreprise si on ne lui offre pas plus que ce qu'il perçoit, sans compter un cadre acceptable et des objectifs motivants.