Dans le cadre de la compétition officielle du Festival International du Film de Marrakech 2024, les projections des œuvres de Murat Firatoglu et de Mo Harawe ont offert au public une immersion poignante dans des récits où l'ordinaire devient une matière cinématographique puissante. Des tomates, du désert et des rêves brisés… ou pas ! Suivez La Vie éco sur Telegram Mo Harawe, réalisateur somalo-autrichien, livre avec The Village Next to Paradise un premier long-métrage d'une densité émotionnelle et esthétique rare. À travers des plans fixes, épurés de tout artifice pittoresque, le cinéaste fait du littoral somalien un personnage à part entière : des paysages balayés par les vents, teintés de couleurs délavées, imprègnent chaque scène d'une mélancolie viscérale. Le film s'attarde sur la vie de Mamargade, un homme enchaîné aux contingences de la survie, entre petits boulots éprouvants et compromissions morales. Aux côtés de sa sœur Araweelo, venue après un divorce, et de son fils Cigaal, leur quotidien oscille entre résilience et désenchantement. « Je voulais mieux me connaître en réalisant un film sur la Somalie, le pays où je suis né et j'ai grandi », confie le réalisateur. Chaque geste, chaque silence porte une vérité organique, fruit d'un processus créatif instinctif. Pour Harawe, le cinéma ne se limite pas à raconter : « J'aimerais que le spectateur quitte la salle avec un cœur empli d'amour et des images plein les yeux ». Dans ce « paradis décati » où les institutions semblent fantomatiques, la caméra de Harawe capte l'humanité, ses failles et sa lumière. Quand la vie s'arrête… et reprend Avec One of Those Days When Hemme Dies, le réalisateur turc Murat Firatoglu peint une fresque intime sur la dureté des vies oubliées. Le film suit Eyüp, un homme brisé par le poids de la dette, contraint de travailler sous un soleil implacable dans les champs de tomates du sud-est de la Turquie. Firatoglu dresse un portrait sans concession de l'aliénation moderne. Chaque goutte de sueur, chaque regard perdu de son protagoniste reflète l'épuisement et le désespoir. Lorsque Eyüp se heurte à son employeur, ce choc devient le catalyseur d'une errance dans la ville, où le poids du désespoir se mêle à l'urgence d'une solution radicale. Le film, d'une durée de 82 minutes, explore l'intimité d'un homme face à ses limites, dans une Turquie où la lumière écrasante du paysage renforce le sentiment d'isolement. Firatoglu, avec une économie de dialogues, laisse la place à une poésie visuelle où chaque cadre, chaque silence, devient un cri étouffé. Ces deux œuvres, bien que distinctes, partagent un regard sans détour sur la complexité des vies ordinaires, où l'espoir lutte constamment contre l'adversité. Si Harawe invite à contempler la fragilité et la beauté des liens humains dans un décor battu par les vents de l'histoire, Firatoglu, lui, plonge dans l'aliénation d'une société contemporaine où l'humain semble parfois disparaître sous le poids de ses luttes. Deux films, deux visions, mais une même vérité : celle d'un monde où l'amour et la douleur cohabitent dans le quotidien de chacun.