À travers l'exposition Une Vie, Une Œuvre, présentée à la Galerie 38, Mustapha Hafid propose une démarche où l'abstraction se déploie comme un espace d'expression à la fois libre et maîtrisé. Suivez La Vie éco sur Telegram L'histoire de Mustapha Hafid s'inscrit dans une dynamique, où s'entrelacent exploration artistique et ancrage identitaire. Hafid s'est affirmé comme un créateur rigoureux et un pédagogue éclairé, tout en inscrivant son travail dans un dialogue fécond avec les avant-gardes mondiales. Hafid entame son parcours à l'Ecole des Beaux-Arts de Casablanca en 1958, où son talent pour le dessin se révèle très tôt. Avec des professeurs comme Verdi et Félix Bellenot, il apprend à maîtriser les fondements classiques du dessin, du croquis et de la composition. Ce socle académique lui permet d'explorer les potentialités expressives de la couleur et des formes. Hafid obtient une bourse et met le cap sur l'Europe. C'est à Varsovie, à l'Académie des Beaux-Arts, qu'il se forme auprès de maîtres comme Artur Nacht-Samborski et Michał Bylina. Influencé par l'avant-garde polonaise, il découvre les théories de l'Unisme de Władysław Strzemiński, qui marqueront un tournant décisif dans son travail. En parallèle, sa rencontre avec Anna Draus, artiste et future compagne, enrichit sa sensibilité et son engagement artistique. En 1966, Hafid abandonne la figuration pour se consacrer à l'abstraction. Cette décision, loin d'être un rejet des traditions académiques, illustre une volonté d'explorer la subjectivité et de dépasser les contraintes de la représentation. Nourri par les théories modernistes, Hafid développe un vocabulaire à lui seul : lignes organiques, formes sinueuses et palette chromatique vibrante, où le bleu outremer dialoguent avec le rouge vermillon et le jaune citron. Ce basculement vers l'abstraction n'est pas une fuite, mais une réinvention. Chaque toile témoigne d'une quête d'équilibre entre spontanéité et maîtrise, instinct et construction. Durant les décennies suivantes, l'œuvre de Hafid ne cesse d'évoluer. Dans les années 1980, marquées par des bouleversements politiques et sociaux, sa palette s'assombrit. L'utilisation du noir devient récurrente, conférant à ses compositions une densité baroque qui reflète une maturité artistique et une réflexion sur le rôle de l'art dans un monde en mutation. Loin de se cantonner à une modernité plastique importée, Hafid donne à voir une œuvre à la croisée des avant-gardes et des traditions locales.