Un salarié, abusivement licencié, se voit allouer par le tribunal la somme de 150 000 DH au titre de dédommagements divers, qui ordonne l'exécution immédiate et provisoire à hauteur du tiers de cette somme. La procédure d'exécution est rapidement conclue, et l'huissier remet un chèque de 5 000 DH à l'avocat éberlué qui en attendait 50 000. le jugement tout en attribuant 150 000 DH dans ses motivations, ne mentionnait plus que 15 000 DH dans le corps de l'arrêt ! La modernisation de l'appareil judiciaire au Maroc doit passer par des étapes, bien définies et bien répertoriées. Parmi elles, l'édification d'un super centre de la magistrature destiné à former les futurs juges, le ministre ayant insisté aussi bien sur l'aspect quantitatif que qualitatif. Ceci pour le volet humain. Mais la mise à niveau des tribunaux exige aussi leur informatisation totale, ce qui est, il faut l'admettre, en bonne voie. Sauf que, doter les tribunaux de matériel informatique, c'est fort bien ; encore faut-il savoir l'utiliser correctement, et c'est là que le bât blesse. En effet, les ordinateurs installés dans les tribunaux ont de multiples fonctions fort pratiques pour les visiteurs des Palais de justice : pour les avocats, ils permettent un suivi rapide des dossiers en cours ; pour les justiciables, cela évite de se perdre dans les méandres du Palais de justice pour avoir un renseignement ou une information (numéro de dossier, date de l'audience, identité du juge…). Enfin, cela soulage aussi les greffiers, qui n'auront plus à recevoir des citoyens en quête de précisions diverses et pourront désormais se consacrer à des tâches plus utiles (mise en ordre des dossiers, envoi des convocations aux parties, vérification des documents fournis par les parties, etc.). Tout ceci est fort bien, direz-vous , alors où est le problème ? Le fait est que la maîtrise totale et parfaite des ordinateurs demeure à parfaire, et la formation de ceux qui en ont la charge est à peaufiner, car les erreurs de manipulation sont légion. Ainsi, tel juriste suivant la progression d'un dossier d'expulsion assure à son client que tout va bien, et qu'une prochaine audience est fixée au 15 mars prochain…, sauf que le client exhibe un jugement daté… du 25 décembre dernier ! En fait l'avocat surveille son dossier d'après les informations fournies par l'ordinateur gracieusement mis à sa disposition par l'Etat ; et le greffier chargé de retranscrire le résultat des audiences sur le PC a tout simplement interverti deux dossiers. Pour le dossier jugé, il a retranscrit un report d'audience, alors que sur le dossier reporté, il a mentionné un jugement…le tout, bien évidemment, sans penser à mal. A charge pour l'avocat d'expliquer tout ça à son client. Dans une autre affaire, l'erreur aurait pu être beaucoup plus grave et entraîner de lourdes conséquences. Encore un cas d'expulsion de local commercial, où la procédure traîne en longueur, le locataire ayant disparu sans laisser d'adresse en abandonnant le local loué. Finalement, c'est l'aboutissement heureux : l'avocat annonce à son client que le tribunal a statué en sa faveur et qu'il peut donc récupérer son local. Ce qu'il ne se fait pas répéter deux fois et récupère son magasin qu'il reloue aussitôt ! Il acquitte les honoraires demandés et tout le monde est content. Quelques mois plus tard, le juriste récupérant la copie du jugement, manque de s'étrangler de stupeur, car en fait la Cour avait rejeté la demande d'expulsion….au motif que, blabla, local commercial, blabla, procédure inadéquate…et donc refus de la demande, en arabe, «rafd attalab». Alors que, lorsque la demande est acceptée, cela donne «wifk attalab» et l'écriture de ces deux termes est fort proche l'une de l'autre, avec le «F» au milieu. Cette retranscription hasardeuse, inversant un résultat judiciaire, n'a heureusement pas eu de conséquence néfaste, le locataire ne s'étant jamais manifesté… car, dans le cas contraire, l'imbroglio serait total ! Dans d'autres cas, l'erreur est (relativement) moins grave, mais entraîne un surcroît de procédure, de taxes judiciaires et autres tracas. Ainsi tel salarié, abusivement licencié se voit allouer par le tribunal la somme de 150 000 DH au titre de dédommagements divers, qui ordonne l'exécution immédiate et provisoire à hauteur du tiers de cette somme. La procédure d'exécution est rapidement entamée, rapidement conclue, et l'huissier remet un chèque de 5 000 DH à l'avocat éberlué qui en attendait 50 000. Vérifications faites, le jugement tout en attribuant 150 000 DH dans ses motivations, ne mentionnait plus que 15 000 DH dans le corps de l'arrêt ! Le greffier dans la tension de l'audience avait oublié un zéro, le magistrat n'avait rien remarqué… (l'avocat non plus d'ailleurs), et du coup le jugement imprimé en restait à 15 000 DH. Simples erreurs humaines, de manutention ou de retranscription ? Une formation approfondie permettrait de les diminuer et d'améliorer ainsi les prestations des tribunaux.