Les créances en souffrance ont augmenté de 12% en 2011, à 33,3 milliards de DH. Elles ont baissé de 19% chez les particuliers mais ont augmenté de 27% chez les entreprises et de 40% chez les entrepreneurs individuels. La situation n'est pas encore inquiétante mais elle incite à la prudence. Alors que l'encours des crédits bancaires a progressé de 10,5% en 2011, atteignant 686,4 milliards de DH, les créances en souffrance détenues par les banques sur leur clientèle ont, elles, augmenté de 11,9%, à 33,3 milliards de DH. Le taux des créances en souffrance (par rapport à l'encours global) s'est ainsi apprécié de 6 points de base (pb) par rapport à 2010 pour s'établir à 4,85%. Certes, il s'agit là d'une progression limitée qui n'a pas poussé ce ratio à un niveau alarmant (5% restant un seuil acceptable), mais elle marque une rupture avec la tendance observée ces dernières années, le taux des créances en souffrance ayant été réduit de 6% en 2008 à 5,5% en 2009 puis à 4,79% en 2010. Qu'est-ce qui explique cette augmentation des impayés chez les banques en 2011 ? Quelle clientèle est à l'origine de cette évolution ? Tout d'abord, il faut noter que la hausse des créances en souffrance aurait été plus importante en 2011 si la clientèle des «particuliers» n'avait pas atténué l'impact qu'ont exercé les autres détenteurs de crédits. En effet, les créances impayées de cette catégorie ont reculé de 19% en 2011, à 9,76 milliards de DH. Deux raisons, selon les banquiers, expliquent cette amélioration. D'abord, les conditions de financement de cette clientèle sont devenues strictes, plus encadrées, durant ces dernières années, et le processus d'octroi des crédits aux particuliers a été industrialisé chez la plupart des banques de la place. La quotité de financement ne dépasse que rarement les seuils fixés par les différents établissements (40 à 45% du revenu de l'emprunteur) et les renseignements relatifs à la situation professionnelle et aux prêts déjà contractés sont vérifiés de façon rigoureuse, conformément aux instructions de Bank Al-Maghrib. Les particuliers pèsent 26,4% dans l'encours des crédits mais 29,3% dans les créances en souffrance Ensuite, il y a un effet rattrapage qui explique aussi le recul des créances en souffrance détenues chez les particuliers. Alors qu'ils pèsent 26,4% dans l'encours global des crédits bancaires, soit 181,4 milliards de DH, ces clients représentent encore 29,3% du total des créances en souffrance. C'est que les particuliers ont été, par le passé, relativement des mauvais payeurs, comme en témoigne leur taux de créances en souffrance. Celui-ci se situe, en effet, à 5,38%, soit 53 pb de plus que la moyenne du secteur. Il n'empêche que ce taux a été réduit de 169 pb en 2011, et cela s'explique aussi par l'effort de recouvrement et d'assainissement qu'ont fourni les banques de la place pour ramener les créances en souffrance de cette clientèle à un seuil plus raisonnable. N'était-ce cette baisse enregistrée au niveau des particuliers, les créances en souffrance du secteur bancaire auraient fortement augmenté. Car, chez les entreprises, grandes et moyennes notamment (hors sociétés financières), les créances en souffrance ont grimpé de 27,4% en 2011 pour atteindre 14,85 milliards de DH. Pire, chez les entrepreneurs individuels, notamment les commerçants, artisans, personnes exerçant des professions libérales et petits promoteurs immobiliers, les créances en souffrance se sont envolées de 40,1%, à 7,62 milliards de DH. Ainsi, pour les grandes et moyennes entreprises, le taux des créances en souffrance s'est dégradé de 51 pb, passant à 4,47%. Ces créances douteuses pèsent 44,6% du total, sachant que l'encours des crédits octroyé à cette clientèle a progressé de 12,9% en 2011, à 332,25 milliards de DH, soit 48,4% de l'encours global des crédits bancaires. Pour les entrepreneurs individuels, le taux des créances en souffrance atteint un record de 16,88%, sachant qu'il a grimpé de 461 pb l'année dernière. Ces entrepreneurs pèsent 22,9% dans le total des créances en souffrance, alors que leur encours de crédit ne représente que 6,57% de l'encours global, soit 45,1 milliards de DH (+1,8% par rapport à 2010). Ce sont là des hausses vertigineuses en ce qui concerne la clientèle des entreprises et des professionnels, mais que plusieurs banquiers relient à des facteurs conjoncturels appelés à disparaître. Ces derniers concernent des secteurs d'activités précis, dont le premier, comme l'ont évoqué plusieurs spécialistes, est celui de l'immobilier. L'hôtellerie et le transport, malgré leur faible poids dans l'encours des crédits, ont fait monter le niveau des impayés La répartition des crédits bancaires par secteur d'activité, faite par Bank Al-Maghrib sur la base des chiffres de 2010, montre que le bâtiment et travaux publics (BTP) accapare 13,3% de l'encours global des crédits. Ce segment regroupe aussi bien les entreprises de matériaux de construction, comme les cimentiers et les sidérurgistes, les sociétés de travaux publics et les promoteurs immobiliers. Selon un haut dirigeant d'une banque de la place, ce sont ces promoteurs ainsi que certaines entreprises opérant dans la sidérurgie qui ont vu leurs créances en souffrance augmenter fortement. Dans la sidérurgie, la situation concernerait des nouveaux entrants qui ont investi alors que le marché est en surcapacité de production de près de 40% et que la consommation de rond à béton n'évolue plus comme par le passé suite au ralentissement du marché de la construction et au retard enregistré dans certains investissements publics. Quant aux promoteurs immobiliers, qui totalisent un encours de 68 milliards de DH, ce sont surtout les méventes que connaissent plusieurs projets, notamment de haut et de moyen standing, dans des villes comme Marrakech et Tanger (Casablanca et Rabat sont également concernées), qui expliquent l'augmentation des impayés. D'ailleurs, chez les entrepreneurs individuels, dont les créances en souffrance ont augmenté de 40% en 2011, il faut noter que 54% de l'encours des crédits de cette clientèle est constitué de crédits à la promotion immobilière. Dans l'immobilier, la situation aurait pu être plus catastrophique si les banques, comme le soulignent plusieurs responsables, n'avaient pas accédé aux doléances de certains promoteurs en matière de rallonges et de rééchelonnement des crédits en cours. «Les banques ont joué le jeu pour accompagner ce secteur dans la mauvaise conjoncture qu'il connaît, même si cela n'est pas du goût de la Banque centrale», assure le directeur d'une grande banque de la place. Du reste, ce sont tous les secteurs dont les activités sont liées à l'international qui ont pâti de la conjoncture mondiale défavorable et qui ont vu leurs créances en souffrance augmenter. Le secteur industriel pèse près de 20% de l'encours global des crédits bancaires, ce qui constitue une part importante. Si les industries énergétiques et extractives n'ont pas pâti de la conjoncture -elles en ont même profité compte tenu de la hausse des matières premières- celles qui opèrent dans l'agroalimentaire et le textile ont été impactées par la baisse de la demande étrangère qui leur est adressée. Pour un banquier, les textiliens, malgré une montée relativement importante de leurs créances en souffrance, ont appris à mieux faire face aux conjonctures difficiles en adaptant leur niveau de charges à celui de leur activité, notamment en ce qui concerne les charges de personnel. De plus, précise notre banquier, les crédits octroyés à ce secteur sont souvent des crédits de fonctionnement portant sur quelques millions de DH, ce qui réduit l'enjeu en cas de difficultés de paiement. Ce qui n'est pas le cas pour les industries agroalimentaires qui ont des besoins de financement, que ce soit pour l'investissement ou pour le fonds de roulement, d'une taille plus importante. Les hôtelliers n'ont pas, non plus, échappé à la montée des impayés. Ils sont cités par plusieurs banquiers malgré un encours de crédits qui ne pèse que 3% dans l'encours global. Un banquier explique : «Un hôtelier peut prendre un crédit d'investissement portant sur 100 voire 150 MDH. Il suffit qu'il ne parvienne plus à honorer ses échéances pendant quelques mois, suite notamment à une baisse du taux d'occupation, pour que toute cette créance tombe parmi les créances en souffrance». Enfin, les banquiers n'ont pas manqué de citer le secteur du transport maritime de passagers parmi ceux qui ont vu leurs créances en souffrance fortement augmenter. Les cas des sociétés Comarit et IMTC sont à ce titre parlants. Ces dernières ont justement vu plusieurs de leurs ferrys saisis par les autorités portuaires françaises et espagnoles en raison de factures impayées portant sur des dizaines de millions de dirhams.