La Constitution a replacé la première Chambre au cÅ"ur du contrôle de l'activité législative en lui octroyant le droit d'avaliser presque tous les textes réglementaires. Un droit de regard sur le travail de l'Exécutif, de l'administration et des entreprises publiques. En presque deux mois, on les aura vus à l'œuvre seulement trois fois. Les nouveaux députés de la nation n'ont pas vraiment eu l'occasion, en cette session d'automne, qui devrait prendre fin en début de semaine, de se frotter au travail parlementaire. Ils étaient bien là pour élire, le 19 décembre, le nouveau président et le bureau de la Chambre. Ils se sont réunis, ensuite, pour voter le règlement intérieur de la Chambre, le 12 janvier, et, enfin, pour débattre et voter, le 26 janvier, la déclaration du gouvernement. Les commissions, elles, sont toujours en arrêt et aucune séance de questions orales n'a été tenue. Ce n'est pas par paresse. C'est que le Conseil constitutionnel a mis du temps pour statuer sur le règlement intérieur. Il n'a rendu sa copie que le 6 février, assortie, qui plus est, d'une vingtaine d'observations sur presque autant d'articles du texte qui en compte 189 au total. Ce n'est donc qu'après avoir réceptionné l'avis du Conseil constitutionnel que les structures des huit commissions permanentes peuvent enfin être mises en place. Une séance plénière devrait être tenue, pour ce faire, avant la fin de cette semaine. Les députés peuvent enfin se mettre au travail. Qu'est-ce qui les attend ? De quels pouvoirs disposent-ils ? Quels sont leurs domaines de compétence ? Quels moyens de travail sont mis à leurs dispositions ? Quels sont leurs devoirs ? Et quelles sanctions encourent-ils quand ils auront manqué à leurs devoirs ? Le législateur a tenu à faire du Parlement le pivot de l'action législative. Petit précis du mode d'emploi de la première Chambre du Parlement. Ils ont (presque) l'exclusivité des lois Le Parlement issu des élections du 25 novembre verra élargir son champ des compétences en matière législative. Ainsi, 30 nouveaux domaines de législation sont inscrits dans ses compétences. Bien plus, le Parlement est habilité à voter des lois-cadre concernant les objectifs fondamentaux de l'activité économique, sociale, environnementale et culturelle de l'Etat. Bref, à quelques rares exceptions restées du domaine régalien comme la Défense, les Affaires étrangères et les Affaires islamiques, tout le reste relève du Parlement qui est devenu unique source de législation. En principe, il n'y aura plus de décrets-loi pris par le gouvernement, sauf pendant la période des vacances parlementaires, et même dans ce cas, il faudra l'aval du Parlement une fois avoir repris ses travaux. En somme, tous les projets de loi, les propositions de loi présentées par les députés (que ce soit de la majorité ou de l'opposition) ou encore des textes émanant de la société civile dans le cadre de la législation populaire prévue par la nouvelle loi fondamentale nécessitent l'aval des députés. Ils peuvent convoquer le chef le gouvernement quand ils veulent Nos élus, et c'est une première dans l'action législative, peuvent désormais convoquer le chef de gouvernement, en personne, qui sera tenu de répondre à leurs questions orales dont la teneur porte sur la politique générale de l'Exécutif. «Il sera probablement question d'une comparution du chef de gouvernement une fois par mois devant le Parlement. Ce sera selon la nature des questions qui lui seront adressées. Ce qui est certain c'est que, questions ou pas, Abdelilah Benkirane ira au Parlement au moins une fois par session, il s'y est engagé», affirme Abdellah Bouanou, membre PJD du bureau de la Chambre. Les questions peuvent aussi bien émaner d'un seul député que d'un groupe parlementaire. Les ministres tenus de venir répondre ou se faire représenter le cas échéant Cette obligation de venir s'expliquer vaut également pour les autres membres du gouvernement dont chacun est tenu de comparaître régulièrement devant les députés pour répondre aux questions concernant son département. Mais contrairement au chef du gouvernement, les ministres peuvent se faire représenter par des collègues quand ils sont retenus pour d'autres obligations. Ils peuvent auditionner les responsables d'établissements publics Le contrôle des élus s'étend au delà du gouvernement, aux administrations, établissements et entreprises publics. Les élus peuvent, en effet, selon le nouveau règlement intérieur de la Chambre, demander la tenue de réunions consacrées au débat d'un sujet qui relève des compétences d'une des huit commissions que compte la Chambre. Le département gouvernemental concerné est tenu de fournir toute la documentation et les données nécessaires sur le sujet. Bien plus, les commissions permanentes peuvent exiger la comparution de n'importe quel responsable d'entreprise publique, d'administration et d'institution publique. La présence des ministres sous la tutelle desquels se trouvent ces organismes peut également être requise. Les groupes parlementaires de la majorité (PJD, Istiqlal, MP et PPS) ont déjà programmé une première rencontre en ce sens. Elle a été consacrée au sport et a été tenue mercredi 8 février.
Le tiers des élus seulement pour constituer une commission d'enquête Bien sûr, comme ce fut le cas lors de la dernière législature, les parlementaires peuvent demander la constitution de commissions d'enquête quand ils le jugent opportun. La procédure desdites commissions n'a pas changé, sauf pour ce qui est du nombre des signatures nécessaires : le tiers des élus (132 députés) et non la majorité, comme ce fut le cas sous la Constitution de 1996. Elles peuvent porter aussi bien sur un événement donné que sur la gestion des services, des établissements et des entreprises publics. 20% des élus seulement pour déposer une motion de censure, la majorité pour renvoyer le gouvernement L'étendue du pouvoir du nouveau Parlement ne s'arrête pas là. Nous l'avons vu, il y a quelques semaines, malgré sa nomination par le Roi, le 3 janvier, le gouvernement n'a pu entrer en fonction que le 26 janvier après avoir été investi par le Parlement. Ce dernier peut tout aussi bien lui retirer cette confiance quand il le juge opportun. Pour cela, il suffit que 79 élus (le cinquième des membres contre le quart auparavant) se mettent d'accord pour déposer une motion de censure auprès de la présidence de la Chambre et que cette motion soit votée à la majorité absolue des membres pour que le gouvernement soit renvoyé. Ils ont le pouvoir d'effectuer des missions d'inspection Les élus peuvent ne pas se limiter aux rencontres et journées d'information. Ils ont toute la latitude d'organiser des missions d'inspection dans différents établissements et institutions publics. Les rapports de ces missions peuvent donner lieu à un débat en séance publique. L'initiative de ces missions peut émaner du président d'une commission permanente, du président d'un groupe parlementaire ou du tiers des membres d'une commission (chaque commission compte 50 députés, à l'exception de celle des Affaires étrangères qui n'en compte que 45). Le changement de taille par rapport à l'ancien Parlement réside dans l'obligation des responsables concernés de répondre favorablement à la convocation des élus. Ils ont droit à une séance par mois pour leurs propres propositions de loi A toutes ces prérogatives s'ajoute bien sûr le travail législatif que les députés sont tenus d'accomplir au cours de leur mandat. Pas moins d'une vingtaine de lois ordinaires et 16 lois organiques prioritaires les attendent durant ces cinq années du mandat. Cela en plus d'une trentaine de projets de loi déjà déposés devant la Chambre. Outre les projets de loi, les élus sont invités à proposer leurs propres textes. Une séance par mois est consacrée entièrement à l'examen et au vote de ces propositions de loi. Cela dit, l'essentiel de l'action des députés se résume aux questions orales, écrites, aux amendements apportés aux projets de loi et, éventuellement, aux propositions de loi. Les jours d'absence publiquement listés et retirés de leurs salaires A l'heure actuelle, personne ne peut contraindre les députés à être productifs, sauf peut être le souci de reddition de compte à leurs électeurs en fin de mandat. Tout ce à quoi l'institution parlementaire peut les contraindre, c'est l'assiduité. Et encore, ce n'est pas leur fort. Ils l'auront assez montré dans le passé. Cette fois, cela devrait changer. Le nouveau règlement intérieur est clair : la présence obligatoire aussi bien en commission qu'en séances plénières. Toute absence non justifiée sera sanctionnée. D'abord par la publication de la liste des absents dans le bulletin interne et sur le site web de la Chambre. Auparavant cette liste sera rendue publique en séance plénière et lors des séances de vote. Cela fera office d'une sanction politique. Elle est accompagnée d'une autre, pécuniaire : le prélèvement sur les salaires des députés. Naturellement, la Chambre prévoit une assistance pour le transport et le logement des députés issus des régions éloignées. «Pour le moment, ce problème n'est pas encore posé, affirme Abdellah Bouanou. Le taux de présence des députés avoisine les 90%». En effet, 353 députés sur 395 (89%) ont été présents lors du vote de la déclaration gouvernementale, le 26 janvier. Un peu plus d'un mois auparavant, ils étaient 320 députés (81%) à avoir participé à l'élection du président de la Chambre. Maintiendront-ils la barre aussi haut ? L'avenir le dira. Pas question de changer de couleur politique et déclaration de patrimoine obligatoire En plus d'être présents, les députés sont tenus à la transparence et la rigueur politique. Ainsi, il n'est pas question de changer d'étiquette politique ni de groupe parlementaire au cours du mandat. Les députés sont soumis à la déclaration de patrimoine et sont obligés de déclarer toute nouvelle activité professionnelle qu'ils entreprennent au cours de leur mandat. Il n'est pas question non plus de se réfugier derrière l'immunité parlementaire pour échapper à la justice. C'est pour dire que le Parlement n'est plus une niche pour affairisme et autres activités douteuses. Cette question a été définitivement close. Ne parle pas qui veut… sous peine de sanctions Le règlement intérieur du Parlement a consacré tout un chapitre à la discipline. La prise de parole est réglementée. Tout débordement est sanctionné par un rappel à l'ordre, puis interdiction de poursuivre l'intervention et, enfin, fermeture de micro. Pour les «perturbateurs» qui entravent le cour normal des travaux de la Chambre, que ce soit en commission ou lors des séances plénières, ils se voient d'abord rappeler à l'ordre, ensuite adresser un avertissement et comme sanction suprême un avertissement avec suspension provisoire du député. Dans ce dernier cas, le député se voit prélever la moitié de son salaire pendant deux mois. L'avertissement avec suspension provisoire est voté par la Chambre lors s'une séance de vote, sans débat. Seul le député concerné est autorisé à prendre la parole pour exposer son point de vue. Il a droit à 10 minutes de parole.