Notre hiérarchie n'a eu de cesse de marteler le même message : nous devons évaluer équitablement nos collaborateurs. La DRH nous rappelle sans cesse que «la médiane» doit être respectée à tout prix. Mais ils ne sont pas à notre place quand nous sommes face au collaborateur et que celui-ci n'attend qu'une chose : obtenir une prime maximale. Et qu'ils n'ont pas par la suite à gérer sa démotivation s'il ne l'obtient pas ! De plus, les autres managers ne jouent pas le jeu et j'en ai marre d'être «le radin» de la bande ! Alors cette année je ferai comme les autres : tout le monde aura 5/5 ! L'entretien d'évaluation est certainement un des exercices managériaux les plus complexes. C'est un moment de vérité, et c'est surtout un moment où la seule autorité ne suffira pas à convaincre le collaborateur de la pertinence du jugement de son chef ! Mais c'est aussi un acte fortement impactant pour la stratégie de l'entreprise ainsi que la mise en cohérence de ses procédures et vous auriez tort de baisser les bras ! Raison d'être de l'évaluation Cet entretien ne devrait pas «décider» de la rémunération du collaborateur car sa première raison d'être est bien d'évoquer sa performance de l'année et de lui permettre d'avoir une idée claire sur ses atouts et axes d'amélioration. En distribuant des 5/5, vous souffrirez bien plus que les RH qui n'auront qu'à gérer une énième médiane hors norme ! Car c'est toute l'année que vous devrez «faire avec», avec un collaborateur persuadé de son excellent niveau de compétences. Comment ferez-vous lorsqu'il répétera à longueur d'année les mêmes erreurs ? Comment pourrez-vous lui «vendre» l'idée de performer encore plus certains aspects de son job ? Vous n'aurez aucun argument valable, aucun levier suffisamment puissant pour le faire. Alors, réfléchissez avant d'accorder à tout-va des 5/5 ! Procédure Pour assurer l'équité, l'entreprise met en place des procédures d'évaluation : indicateurs, barèmes et autres grilles de compétences… Si vous ne maîtrisez pas ces éléments vous aurez beaucoup de mal à les appliquer et donc à assurer l'équité pour vos collaborateurs. Aussi, la première chose à faire est de vous assurer que vous connaissez et que vous comprenez parfaitement ces procédures. Trop de managers encore aujourd'hui ne savent pas décliner de réels objectifs SMART, qui sont par exemple sans véritable mesure claire, pour quantifier le degré d'atteinte. Il en est de même des échelles de notation qui laissent encore un trop large champ d'interprétation (un 3/5 ne signifie pas la même chose selon l'idée que s'en fait un manager). Alors updater vos connaissances en la matière mais, surtout, profitez-en pour en faire LE sujet de discussion avec vos pairs ! Vendez-leur l'idée simple mais tellement vraie qu'une évaluation n'a pas pour objet de «donner un bonus», mais de refléter la performance du collaborateur pour, notamment, le persuader de faire mieux l'année suivante, puis enchaînez en leur demandant s'ils ne préféraient pas travailler sur leurs propres dossiers plutôt que d'hériter trop régulièrement de certaines tâches relevant de collaborateurs défaillants ayant pourtant obtenu des 5/5… Et les autres ? Mais en même temps ce n'est pas parce que vos voisins ne respectent pas les règles du syndic que vous devez en faire autant, car, dans ce cas votre immeuble (et donc votre investissement) perdra chaque année de la valeur, n'est-ce pas ? C'est à vous de choisir, être un manager mou optant pour une solution (court termiste) de facilité qui ne booste pas les compétences de ses équipes ou être un manager juste, qui respecte les règles du jeu et permet à ses équipes de mériter vraiment leurs bonus ? Votre stratégie de «méritocratie» se traduira concrètement pour vous par une équipe réellement performante, une équipe autonome, et davantage de temps pour vous consacrer à vos propres responsabilités, alors maintenez le cap car votre filtre décisionnel est une des plus jolies valeurs en entreprise : l'équité !