Les 10% les plus riches dépensent près de 4 500 DH. Près de 48% des ventes sont réalisées dans les souks et les foires. Les marques locales sont encore peu développées alors que les enseignes étrangères progressent rapidement. Très souvent, la situation du secteur du textile est appréhendée à travers l'évolution des exportations. D'ailleurs, jusque-là, toutes les stratégies de développement du secteur ont été conçues dans l'objectif de gagner davantage de parts de marché à l'étranger. Normal, compte tenu des recettes significatives en devises que peut générer l'activité. Mais, aujourd'hui, développement d'un réel marché de consommation aidant et notoriété des marques faisant, les industriels du secteur ne veulent plus concentrer leurs efforts sur l'international seulement. Ils sont décidés à élargir le marché intérieur en cherchant des moyens de moderniser le circuit de distribution local des articles de l'habillement. Et pour cause, si les exportations du secteur textile tournent autour de 30 milliards de DH, le chiffre d'affaires que représentent le marché intérieur est estimé à 40 milliards. Certes, la concurrence y est plus vive en raison de l'important nombre d'entreprises qui y opèrent, sans compter les franchises internationales et les importateurs indépendants. Pour autant, le succès de marques dédiées au marché local telle Marwa ou Diamantine démontre qu'il y a de la place à se faire. A cet égard, une étude du marché local finalisée en décembre dernier a été confiée à l'Institut français de la mode (IFM) par l'Association marocaine des industries du textile et de l'habillement (Amith). Elle devrait permettre de mettre en place les mesures nécessaires pour l'organisation et le décollage du marché local marocain en prenant comme référence le marché turc qui était, il y a vingt ans, dans la même situation. Et il y a beaucoup à gagner. D'après l'étude de l'IFM, les Marocains consacrent à leur habillement un budget annuel moyen de 1 251 DH, soit 40% de ce que dépense actuellement le consommateur turc. On retiendra également que 20% des consommateurs marocains les plus riches dépensent en moyenne 2 775 DH par an. Alors qu'en Turquie, les 20% les plus riches ont une dépense moyenne annuelle de 7 440 DH. Quant aux 10% des consommateurs marocains les plus riches, ils dépensent 4 440 DH par an contre 9 890 DH pour les Turcs. Bien que le Maroc soit largement distancé par ce pays qui figure aujourd'hui parmi les nouvelles économies émergentes, la taille du marché intérieur du Royaume s'avère moins étroite que ce que suggèrent les statistiques officielles qui font état d'une consommation de 18 milliards de DH. Ce décalage avec les chiffres de l'IFM s'explique, selon l'Amith, par le fait que le ministère ne prend pas en considération le marché informel. Le circuit traditionnel reste encore très prisé Outre l'estimation globale du marché local, l'étude de l'IFM laisse apparaître que le secteur est dominé par la distribution traditionnelle (voir graphe) constitué des souks et foires et kissariates par lesquels transitent 78% de ventes en valeur. Les boutiques et magasins d'usines, eux, drainent 14% de la demande alors que les hypermarchés et centres commerciaux modernes n'en attirent que 3%. Signe d'une évolution du mode de consommation les franchises étrangères représentent aujourd'hui 4% des ventes, soit un potentiel de 1,6 milliard de DH. Selon les professionnels, on compte environ 80 enseignes étrangères dont la majorité est implantée à Casablanca, Rabat et Marrakech. D'autres enseignes comme Kiabi ou encore H&M doivent s'implanter au cours des années 2012-2013 dans les malls en projet, notamment Morocco Mall, projet du groupe Aksal à Casablanca, et la marina de Casablanca. Et le circuit des enseignes étrangères pourrait connaître un grand bouleversement avec l'arrivée de Lefties, enseigne du groupe Inditex, spécialisée dans les articles d'entrée de gamme. L'étude de l'IFM souligne que les enseignes étrangères se développent plus rapidement que les nationales. Ce qui n'est pas étonnant, confie un professionnel, dans la mesure où ces dernières ont la taille et les moyens nécessaires pour se positionner. Pour l'Amith, il faudra impérativement développer les chaînes marocaines, qui ne captent que 1 % du marché local, grâce à des regroupements d'enseignes. En somme, c'est une véritable course à la taille que doivent livrer les marques marocaines pour être compétitives. Il s'agit là d'une recommandation de l'étude inspirée du modèle turc qui a permis un développement des marques nationales grâce à des regroupements et des partenariats entre industriels, l'Etat ou des conglomérats financiers. L'idée est de créer un marché de marques locales, allant du bas de gamme vendu dans les souks au luxe que l'on peut trouver dans les boutiques huppées dans grandes villes. Pour faire de la distribution locale une locomotive du secteur textile, une trentaine de mesures sont préconisées par l'IFM, mais les plus importantes sont les incitations fiscales, les aides pour la formation, la création, l'innovation et l'encouragement du financement du droit au bail. En vue de la concrétisation de ses mesures, une étude a été confiée au cabinet Valyans par le ministère du commerce et de l'industrie. L'objectif, dit-on à l'Amith, est de déterminer, sur la base des conclusions de l'étude de l'IFM, le type d'incitations, les acteurs qui peuvent intervenir, les types d'aides ainsi que les critères d'identification des entreprises qui peuvent être soutenues.