Droits de douane, TVA, taxe intérieure de consommation, permis, cartes grises, amendes, taxes diverses, le transport par véhicule constitue un des piliers des ressources de l'Etat. On associe souvent le secteur automobile au luxe, aux problèmes de pollution ou au drame des accidents de la circulation. Mais on oublie généralement de mesurer le poids économique de cette activité et surtout sa contribution aux recettes de l'Etat. Car, il faut le dire, les 2,6 millions de véhicules en circulation sont un gisement de taxes et droits divers pour l'Etat. De l'importation de voitures neuves ou de pièces détachées à la vente sur le marché local, la délivrance de documents administratifs tels les permis de conduire ou cartes grises et la taxation du carburant, les revenus provenant directement du secteur automobile sont suffisamment significatifs pour en faire LE secteur contributeur par excellence aux ressources de l'Etat. Ce que rapporte l'automobile à l'Etat ? A travers les chiffres publiés et ceux fournis par les administrations concernées, La Vie éco a pu reconstituer ce puzzle qui a pesé, tenez-vous bien, 34,4 milliards de DH en 2010, soit 16,3% du Budget général de l'Etat. Droits et TVA sur importation : le jackpot pour la douane D'où viennent ces 34,4 milliards de DH ? Commençons d'abord par les importations. En 2010, l'Administration des douanes a encaissé un peu plus de 7,4 milliards de recettes liées à l'automobile, dont 3,36 milliards au titre des droits d'importation et 4,04 milliards pour la TVA à l'importation. Les 53 000 voitures particulières neuves, importées montées ont rapporté au total 2,66 milliards de DH. Les véhicules utilitaires neufs destinés au transport de personnes (1 283 unités) et de marchandises (17 341 unités) ont généré respectivement 485 MDH et 1,32 milliard. Quant aux 56 828 voitures d'occasion introduites sur le marché, elles ont permis d'encaisser 2,6 milliards de DH. Cette somme risque fort probablement de baisser dès cette année en raison de l'interdiction de l'importation de voitures âgées de plus de cinq ans. Cependant, cette mesure prise par le ministre de l'équipement et du transport pour des considérations de sécurité et de protection de l'environnement permet de doper le marché du neuf et donc d'augmenter les volumes de ses importations. Il en résulte que les pertes de recettes potentielles sur l'occasion seront au moins compensées par les recettes tirées du neuf. Enfin, le reste du montant total découlant des droits de douane et la TVA, soit 340 MDH, provient de l'importation des pièces détachées. La baisse des droits de douane sur les importations de véhicules, conséquence particulièrement du démantèlement tarifaire avec l'Union européenne, est loin d'affecter l'évolution des ressources, d'autant que l'Administration des douanes, qui a également dans son rayon des recettes les impôts indirects, trouve dans la taxe intérieure de consommation (TIC) de quoi améliorer ses performances en matière de collecte. Ainsi, en est-il de la TIC sur les carburants, dont la consommation nationale est en hausse constante et qui continue d'alimenter grassement les caisses de l'Etat. En 2010, la TIC sur les ventes de carburant diesel et super sans plomb ont constitué le plus important poste de recettes provenant du secteur automobile. Elle a rapporté à l'Etat 17,5 milliards de DH dont 15,67 milliards qui sont allés alimenter le Budget général de l'Etat et 1,84 milliard que l'on a réservé pour le Fonds spécial routier (FSR) dont la mission est de contribuer au financement du programme national de construction de routes rurales. Ventes de voitures particulières neuves : un chiffre d'affaires de 22 milliards de DH TTC en 2010 Certes, de l'autre côté, les pouvoirs publics ont consacré une somme d'argent importante à la subvention des prix de vente de ces produits dont les cours mondiaux ne cessent de monter. Mais avant que ces véhicules ne commencent à rouler et consommer du carburant qui ira alimenter la TIC, il y a également le surplus de nouveaux véhicules qui s'est ajouté et dont la vente rapporte à l'Etat des recettes en matière de TVA. C'est ainsi que, selon les estimations de La Vie éco, la TVA sur les ventes de véhicules neufs et celle de pièces détachées a généré en 2010 respectivement 3,6 milliards (pour un chiffre d'affaires TTC de 22 milliards de DH en 2010) et 1,5 milliard de DH. Et vu la reprise du marché, constatée depuis mars dernier, les revenus de ces deux taxes perçues par la Direction des impôts iront crescendo. Mais il n'y a pas que les automobilistes particuliers à contribuer par leur besoin de déplacement aux recettes de l'Etat. Les professionnels du transport, aussi bien des voyageurs que des marchandises, participent également à l'amélioration des recettes fiscales de l'Etat. Pour la taxe à l'essieu, le parc composé de 160 000 véhicules paie plus de 515 MDH qui vont au FSR. L'objectif de cet impôt est de compenser les dépenses d'entretien de la voirie, occasionnées par la circulation de certaines catégories de véhicules de fort tonnage. Inutile de démontrer l'utilité de cette taxe à propos de laquelle les professionnels ont toujours bataillé pour sa suppression. Il suffit de voir, par exemple, les dégâts causés par les camions à la chaussée au niveau des routes servant de liaison au port de Casablanca pour s'en rendre compte. Et pourtant, le lobby des transporteurs est parvenu, à l'issue d'un bras de fer avec les pouvoirs publics, à en faire baisser le taux. 479 000 nouveaux permis délivrés en 2010 Autre taxe qui alimente les caisses de l'Etat à travers la même direction : la taxe spéciale annuelle sur les véhicules automobiles (TSAVA) ou vignette. Les propriétaires des 2,6 millions de véhicules du parc national ont ainsi payé aux différentes perceptions du Royaume la somme totale de 1,3 milliard de DH en 2010, selon les chiffres fournis par la Direction des impôts. Mais avant de payer cette taxe obligatoire pour la circulation sur les routes du pays, les personnes qui viennent d'acquérir des véhicules doivent passer à la caisse pour les droits d'immatriculation qui ont rapporté 666 MDH. L'obtention de la nécessaire carte grise coûte en fait davantage aux propriétaires de véhicules. Car le ministère de l'équipement et du transport a perçu 300 DH pour la confection de ce document, qu'il soit délivré pour la première fois ou renouvelé. Et puisqu'en 2010 il y avait 167 000 nouvelles cartes grises (pour les véhicules neufs et d'occasion) et les 29 767 renouvelées (perte ou passage à la version électronique), cela fait une recette de 59 MDH. Tout cet argent servira à financer les activités trop coûteuses des 63 centres d'immatriculation du pays. Autre document qui rapporte beaucoup à l'Etat : le permis de conduire. Le département du transport en a délivré 479 000 en 2010. Et sachant que pour y avoir accès après l'examen, il faut débourser 450 DH, cela a dégagé une recette de 215,55 MDH. A cela, il faut ajouter les 100 DH par dossier que paie tout candidat au permis de conduire en tant que frais de visite médicale. Ainsi, au moins 48 MDH -si l'on ne compte que les réussites- vont au ministère de la santé. Et ce n'est pas fini, puisque les collectivités locales perçoivent 150 DH par dossier et cela leur a généré 71,85 MDH. L'argent rentre également dans les caisses de l'Etat lors de la visite technique obligatoire pour les véhicules qui ont plus de cinq ans pour les particuliers et moins pour les professionnels. En 2010, les centres d'homologation ont passé 1,7 million de contrôles techniques et cela a drainé aux différents organismes publics quelque 216 MDH. Le Budget général et les collectivités locales ont eu la part du lion, soit respectivement 80 MDH au titre de TVA sur cette activité et près de 85 MDH en tant que taxe locale (fixée entre 30 à 100 DH par visite en fonction de la puissance fiscale du véhicule). Quant au Centre national d'essais et d'homologation relevant du ministère de tutelle, il a perçu 34 MDH (20 DH pour chaque dossier). Le CNPAC hérite de 17 MDH qui ont alimenté son budget de 2010. En effet, 10 DH pour chaque visite technique sont consacrés à cette institution qui s'emploie à sensibiliser les citoyens contre les dangers de la route. Des amendes appelées à augmenter en volume… Cette structure bénéficie également de 0,05 DH sur chaque hectolitre de diesel et super vendu par les sociétés de distribution, ce qui fait une somme de près de 6 MDH. Il perçoit aussi 15 DH sur chaque attestation d'assurance automobile. Cette activité, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 7,7 milliards de DH en 2010, est également un grand pourvoyeur de fonds pour l'Etat. Les compagnies d'assurances ont reversé à la Direction des impôts près de 1,54 milliard de DH au titre de recettes afférentes à la TVA sur l'activité de sa branche automobile. Et ce n'est pas tout. Les amendes relatives aux infractions au code de la route se révèlent assez lucratives. On ne dispose pas de chiffres officiels, la TGR qui en assure la collecte a refusé de nous les communiquer. Mais, selon des sources proches du dossier, les PV dressés en 2010 par les agents verbalisateurs ont rapporté plus de 450 MDH. Et ce montant est appelé à augmenter de manière très sensible à partir de 2011 où l'entrée en vigueur d'un nouveau dispositif de contrôle est effective après l'application du nouveau code de la route. La mise en service des radars mobiles garantissant plus de transparence dans l'opération de contrôle conjuguée à la hausse des montants des amendes sur les infractions de circulation se traduiront à coup sûr par la progression des recettes de ces amendes. Au final, l'usage de l'automobile reste un énorme pourvoyeur de recettes pour l'Etat et notre estimation est sans doute inférieure à la réalité parce que nous n'avons pas pu avoir l'estimation concernant les recettes liées à certaines taxes (IS, IR, patente) pour ce mode de transport sans laquelle notre civilisation contemporaine ne serait pas ce qu'elle est (voir encadré ci-dessus).