Même dans les cas de fautes graves et justifiées, l'employeur peut être amené à payer des indemnités pour vice de procédure. L'accord obtenu dans le cadre d'une conciliation préliminaire est réputé définitif et non susceptible de recours devant les tribunaux. Un mail de licenciement a la même valeur juridique qu'une lettre. Trop souvent, parce que l'entreprise ignore la procédure légale de licenciement, elle finit par tomber dans le piège du licenciement abusif, même si le salarié a commis une faute grave. Quels sont les droits et obligations de chacun ? Mohamed Jamal Maatouk, professeur universitaire et conseiller juridique, en dresse les contours. Les cas de licenciements abusifs sont-ils fréquents dans nos entreprises ? Oui, pour deux raisons. La première est que les employeurs ignorent souvent la procédure de licenciement et, par conséquent, tombent dans le piège du licenciement abusif. La deuxième raison est que les employeurs décident subitement de se séparer d'un salarié et, par conséquent, ne respectent pas certaines conditions de fond et de forme concernant la procédure de licenciement. Quand peut-on parler de licenciement abusif ? Il faut savoir qu'une procédure de licenciement est bien tracée par le code du travail. Dès lors qu'on sort de ce cadre, on tombe dans le licenciement abusif. On licencie abusivement lorsque la personne ne commet pas de faute grave. Pour exemple, dans un jugement de première instance en 2010, le juge avait débouté une entreprise qui avait considéré que le fait d'établir un document en français dans une entreprise à culture anglo-saxonne était considéré comme une faute grave. Par conséquent, le salarié qui avait réalisé le rapport était passible d'un licenciement. Même en cas de faute grave (vol, insulte…), un licenciement peut être considéré comme abusif si l'entreprise ne respecte pas la procédure légale de licenciement. Justement, quelle est la procédure à respecter ? Il y a des conditions de forme à respecter. L'employeur doit informer le salarié par lettre recommandée avec accusé de réception de la décision du licenciement dans les 48 heures. Une copie de la lettre est également adressée à l'agent chargé de l'inspection du travail. L'employeur doit également accorder un entretien au salarié pour s'expliquer sur les faits. Tout licenciement qui ne respecte pas les conditions de forme est considéré comme injustifié et donc abusif. Même dans les cas de fautes graves et justifiées, l'employeur peut être amené à payer des indemnités pour vice de procédure. Autre condition, l'employeur est tenu d'écouter le salarié dans un délai maximum de 8 jours à compter de la date de la lettre de licenciement. Il doit lui donner la possibilité de s'expliquer et de se défendre. De même, le salarié peut se faire assister par un délégué du personnel de son choix. Rien n'empêche que les parties trouvent une solution à l'amiable. La loi ne le prévoit pas mais ne s'y oppose pas non plus. L'employeur est tenu d'établir un procès-verbal, signé par les deux parties, dont une copie est adressée également à l'inspecteur du travail. Dans ce cas, l'employeur bénéfice de 48 heures supplémentaires pour prendre sa décision (licenciement, sanction…). Une lettre de licenciement par mail est-elle valable ? Tout à fait ! Elle a la même authenticité qu'un document papier. La loi 53/05 sur l'échange électronique des données juridiques a conféré la même importance pour un courriel qu'un document physique. Comment faire valoir ses droits en cas de licenciement abusif ? Le salarié a deux possibilités pour faire valoir ses droits s'il juge avoir été licencié abusivement. D'abord, il peut avoir recours à la procédure de conciliation préliminaire à travers l'inspecteur du travail (article 41 du code du travail) afin de réintégrer son poste ou obtenir des dommages et intérêts. L'inspecteur du travail a pour sa part la charge de convoquer les deux parties pour une tentative de conciliation. Il lui revient d'établir un procès-verbal qui met fin au litige. Toujours d'après l'article 41, l'accord obtenu dans le cadre d'une conciliation préliminaire est réputé définitif et non susceptible de recours devant les tribunaux. A défaut d'arrangement, le salarié est tenu de saisir le tribunal pour statuer sur son cas. Mais la réintégration pose souvent des problèmes d'ordre pratique, l'ultime recours reste donc l'indemnisation. Et en dehors d'une plainte directe auprès du tribunal ? Si les deux parties sont d'accord pour régler leur différend par arbitrage, elles peuvent chacune désigner son arbitre. Les deux arbitres vont constituer un tribunal arbitral qui rendra une décision arbitrale définitive et exécutoire. La sentence arbitrale est revêtue de l'exequatur auprès du président du tribunal à la demande des parties. A cet égard, le juge fait un contrôle sur le respect et la conformité de la sentence à l'ordre public. A défaut, le salarié a la possibilité et dans un délai de deux ans de saisir la juridiction compétente pour trancher son litige social. Quel est le recours pour contester la décision de son employeur ? Le salarié possède un délai de 90 jours à partir de la notification de la lettre de licenciement pour dénoncer la décision de l'employeur. Il est clair qu'un licenciement doit être fondé sur un motif valable et concret. Mais qu'en est-il par exemple des licenciements pour incompétence ? Les tribunaux exigent toujours un motif précis que l'on peut prouver. Lorsqu'on accuse le salarié d'être incompétent ou non performant, il faut en donner la preuve. En outre, la perte de confiance envers un salarié ne peut justifier un licenciement. Sauf si vous arrivez à prouver qu'il a abusé de votre confiance. L'incompétence reste une appréciation subjective. Ce n'est pas facile de l'établir. C'est au juge d'étudier la situation et de décider, selon la spécificité du cas d'espèce, que le licenciement est abusif ou pas. Ceci étant, l'employeur a le droit de prévaloir un licenciement pour incompétence. Et pour refus d'exécuter une tâche ? C'est passible d'un licenciement. Par exemple, une entreprise avait déguisé un licenciement abusif en un refus de mobilité. Le salarié en question avait été placardisé pendant un certain temps avant d'avoir une proposition de démissionner avec la possibilité d'être réintégré dans une autre filiale du groupe. Tout ceci avec un nouveau contrat qui ne prenait pas en considération son ancienneté. Ce que le salarié a refusé de signer. Du coup, il a été affecté dans un patelin loin de Casablanca. Chose que le salarié a également refusé parce qu'il avait une famille à charge avec une mère qui nécessitait un suivi médical et une femme qui travaillait sur Casablanca. Il a été licencié par la suite pour refus de mobilité. Il a eu recours au tribunal qui l'a débouté sur cette affaire. Malheureusement, il s'agit d'un licenciement abusif où l'employeur a manifesté sa volonté de résigner le contrat du salarié.