Ni l'exécutif, ni le législatif, ni les institutions consultatives ne jouent, aujourd'hui, le rôle qui leur revient dans l'édification d'un Etat démocratique. Le contraste entre la modernité du discours sur la réforme et l'archaisme des pratiques politiques alimente le scepticisme et accentue la défiance envers la classe dirigeante. Dans un environnement régional en ébullition, la société marocaine est en attente d'une vision globale qui dessinerait une représentation de son futur institutionnel. Une vision qui impliquerait les forces vives de la nation dans la définition d'un cadre d'action porteur d'une ambition collective : celle d'un Maroc démocratique. Partons d'un constat : aujourd'hui le Maroc se trouve dans une situation de blocage politique. A cause de la faiblesse d'un pouvoir exécutif insuffisamment associé à la conception et au pilotage des politiques publiques. A cause également de la perte de crédibilité d'un pouvoir législatif, laminé par un abstentionnisme démobilisateur et un absentéisme irresponsable. A cause enfin de l'étendue des pouvoirs de l'institution monarchique. Mais, en même temps, c'est un sentiment d'inquiétude qui prévaut sourdement dans la société. Parce que la concentration du pouvoir n'est pas synonyme d'Etat fort. Passé l'état de grâce, passé la phase de l'affirmation autoritaire, la monarchie risque de se trouver exposée au meilleur comme au pire. L'Etat, par ailleurs, est affaibli. Pourtant, les mutations des temps modernes nous montrent que nous ne pouvons pas nous passer d'un Etat moderne, démocratique, pour aborder sereinement les enjeux de notre avenir. Il est affaibli par les effets d'une césure entre l'autorité et la responsabilité qui entrave l'émergence d'une nouvelle culture politique où prévaut les valeurs d'efficacité, de transparence et de dignité. Comment en sommes-nous arrivés là ? Par la croyance que l'osmose entre la monarchie et le peuple dispense de la nécessité de corps intermédiaires dans la gouvernance du pays. Par la conviction aussi qu'en raccourcissant les circuits de la décision, la centralité devient une garantie de l'efficacité. Ces penchants ont été aggravés par le renoncement des partis à leur rôle. Les initiatives de reconfiguration de l'espace politique n'y ont ajouté que confusion et déstabilisation. Les partis sont désormais moins l'expression de la mobilisation des citoyens que des structures de conservation ou de relais du pouvoir. L'espoir d'une monarchie arbitre se dissipe devant le risque de dérive vers une monarchie populiste et partisane. Ce schéma, prenons-en conscience, est dangereux. Dangereux parce qu'il exprime une fuite en avant face à la nécessité d'une refonte institutionnelle. Dangereux aussi parce qu'il coupe la société de la classe politique, alimentant le risque d'explosion sociale. Ni l'exécutif, ni le législatif, ni les institutions consultatives ne jouent, aujourd'hui, le rôle qui leur revient dans l'édification d'un Etat démocratique. Le contraste entre la modernité du discours sur la réforme et l'archaïsme des pratiques politiques alimente le scepticisme et accentue la défiance envers la classe dirigeante. Il y a urgence pour notre pays aujourd'hui à sortir de cette situation à travers une nouvelle démarche politique, celle de l'engagement dans une démocratie de la responsabilité. Affirmer les principes et valeurs démocratiques ne suffit plus. Il nous faut une nouvelle vision des équilibres institutionnels pour construire réellement un Etat de droit, un cadre démocratique de répartition des pouvoirs. C'est-à-dire un gouvernement autonome et aux prérogatives renforcées dans l'élaboration et la conduite de la politique publique, un développement des moyens d'action du Parlement en terme d'investigation, d'interpellation et de contrôle de l'exécutif, enfin l'affirmation d'un pouvoir judiciaire indépendant. C'est la mise en œuvre de dispositifs garantissant la responsabilité, la transparence et l'exercice des contre-pouvoirs, qui nous évitera l'irruption violente d'une jeunesse et d'un peuple qui désertent la scène politique. Nous avons besoin aussi d'une nouvelle vision pour la gouvernance de nos institutions locales. Une vision qui dépasse la conception de collectivités territoriales contrôlées par l'Etat. Une vision plus moderne, dynamique et différenciée, qui ne plaque pas un mode contractuel uniforme sur toutes les régions, mais qui reflète la diversité des situations, des besoins et des capacités. Dès lors, c'est d'un nouveau cadre contractuel entre l'Etat et les collectivités dont nous avons besoin pour une réelle démocratie de proximité, des compétences claires et des moyens adéquats. L'Etat doit, évidemment, demeurer un acteur fort pour assurer la cohésion territoriale et garantir l'égalité d'accès des citoyens aux services publics. En s'engageant dans une vision à la fois globale, équilibrée et cohérente, à l'échelle de la nation comme à l'échelle des régions, nos institutions politiques consacreraient le choix de la modernité institutionnelle comme horizon stratégique. La prospérité du Maroc, dans un environnement en turbulence, dépend de l'engagement politique pour une rénovation institutionnelle et de l'implication des citoyens dans sa détermination et mise en œuvre. Alors n'hésitons pas à nous inscrire dans cette perspective, pour ancrer partout les fondements de la démocratie, mobiliser les potentialités et préparer l'avenir de notre pays, dans une sérénité retrouvée.