Piégé par son contrat de marquage fiscal avec Sicpa, l'Etat ne peut empêcher une hausse des prix alors que la conjoncture ne s'y prête pas. Déjà le prix de la bière a augmenté. Contrairement à ce qui a été annoncé dans la presse, il n'y aura pas de pénurie de tabacs manufacturés… mais plutôt une hausse des prix. En revanche, au cours des derniers jours, le risque de pénurie a bel et bien plané. En cause, le refus du paiement par Altadis Maroc de la facture du marquage fiscal qui a poussé Sicpa, le prestataire délégué par l'Etat, à suspendre la fourniture de ses vignettes, nécessaire à la commercialisation du produit. En fin de compte un compromis semblait avoir été trouvé, dans la soirée du lundi 7 février. Mais jusqu'à quand ? C'est là la question. Tout a commencé, en janvier 2011. Le marquage fiscal, généralisé depuis la mi-2010 (en vigueur pour les vins depuis 1977 et les alcools forts depuis 1996) aux eaux minérales et de table, aux sodas ainsi qu'aux bières, devait commencer pour le tabac sur fond de polémique. Depuis l'été dernier, les industriels avaient en effet exprimé leur opposition au traitement différencié qui est appliqué selon les produits. De 1 centime à payer par contenant pour les eaux, à 3 centimes pour les sodas, 20 cts pour les bières et 50 cts par paquet de cigarettes. Dans le fond, la mesure est louable puisqu'elle permet à l'Etat d'éviter les fraudes à la taxe intérieure de consommation (TIC) et à l'IS en contrôlant en temps réel, grâce à un système informatisé et un marquage sécurisé, les quantités produites, alors que jusque-là il se basait sur un système déclaratif et, dans le même temps, le marquage permet une traçabilité des produits et renforce donc la sécurité sanitaire. Pour les opérateurs, ce n'est pas tant le marquage qui dérange mais plutôt son coût estimé par les industriels à 615 MDH par an. La société des Brasseries du Maroc était d'ailleurs entrée en conflit ouvert avec l'Etat en se pourvoyant en justice pour dénoncer le traitement inéquitable entre opérateurs. Pour Altadis Maroc cependant on a préféré agir de manière diplomatique sachant tout de même que le cigarettier est celui qui s'acquittera de l'addition la plus lourde avec 400 MDH à payer par an, pour 800 millions de paquet écoulés sur le marché. La TIC sur le tabac manufacturé étant de 66% environ sur le prix de vente du paquet, pour que l'opérateur paie le prix du marquage et retrouve sa marge d'avant marquage et il faudrait qu'il augmente son prix de…1,47 DH*. L'administration n'arrive pas à obtenir des concessions définitives de SICPA Altadis Maroc a-t-il obtenu des promesses d'un arrangement avec l'administration pour payer moins ? Personne ne veut le confirmer officiellement, mais, selon les informations obtenues par La Vie éco auprès de sources bien informées, l'Etat conscient du coût du marquage élevé, qu'il a lui-même validé dans un contrat de prestation signé avec la filiale marocaine du leader mondial en la matière Sicpa, tente depuis des mois d'arracher à son prestataire des concessions que ce dernier refuse en arguant d'un contrat commercial dûment signé et validé par l'administration. Si les Brasseries du Maroc, dans l'attente d'une promesse non tenue, sont passées à la Caisse en attendant le verdict de la justice, Altadis, lui, n'a pas payé comptant sur l'Etat pour trouver une solution, ce qui a poussé Sicpa à suspendre, pendant quelques jours, la livraison de ses vignettes. Mercredi 9 février, un arrangement provisoire avait été trouvée. Altadis Maroc s'acquitterait du prix du marquage de manière partielle au titre des mois de janvier et février 2011, en attendant qu'une solution soit trouvée par l'administration. Un «en attendant» qui risque de rester lettre morte car l'Etat est de fait piégé par un contrat signé pour une durée de 5 ans (renouvelable une fois) et la seule solution définitive va se répercuter sur la poche du consommateur. Déjà à compter du 1er février, les Brasseries du Maroc ont augmenté le prix de leurs bières de 50 centimes et il est plus que probable que celui du tabac connaîtra une hausse. En fait, la période de deux mois accordée comme sursis à Altadis vise à préparer le décret validant les augmentations de prix. Et ce ne sera pas aussi facile que cela. Depuis le 1er janvier 2011, le marché du tabac étant libéralisé, des marques comme Winston, Camel, Dunhill, Kent et d'autres, fabriquées par Japan Tobacco Inc et British American Tobacco ne sont plus distribuées par Altadis et leur propriétaires n'ont pas rechigné à payer la taxe parafiscale. Ce faisant, Philip Morris, propriétaire notamment des marques Marlboro et Marlboro lights, qui accaparent 12% de parts de marché et qui sont fabriqués par Altadis, refuse de voir les prix de ses produits augmentés de peur de voir ses concurrents rogner ses parts. Le ministère des finances acceptera-t-il une augmentation du prix du tabac différenciée où l'on verrait un produit populaire comme Marquises (60% des ventes) devenir plus cher alors que le prix des cigarettes de luxe reste inchangé ? C'est là un des points de blocage et c'est pour cela que l'on s'est donné jusqu'à fin février pour trouver une solution. * Mathématiquement, le différentiel de prix de vente (DPV), tenant compte du prix du marquage (PM), correspond à la formule suivante : DPV = PM x 1/(1-taux de TIC)