Module de formation, méthode, suivi…, il reste encore beaucoup à faire Pour May Bennani, consultante senior au sein du cabinet Consulteam, un des rares cabinets à s'orienter sur la formation et l'accompagnement dans le secteur du tourisme, le problème de la formation est latent, même s'il y a une prise de conscience de la part des opérateurs. Très peu passent à l'action. La formation reste une lacune dans le domaine du tourisme, comment?analysez-vous la situation ? Dans de nombreuses unités hôtelières de la place, pour ne pas dire la grande majorité, le problème est latent. Comme nous le savons tous, les capacités d'accueil des écoles sont loin de pouvoir satisfaire les besoins du marché. Ceci dit, je préfère insister sur la qualité des formations. Il ne suffit pas de sortir d'une bonne école, d'avoir quelques connaissances techniques, pour être performant ; il y a beaucoup d'autres facteurs qui entrent en lice dans l'appréciation d'un service, tout particulièrement le comportemental, un aspect essentiel surtout pour les personnes appelées à avoir des contacts directs avec la clientèle. Je pense que le déficit de compétences se situe avant tout dans le middle management. C'est pourquoi la plupart des enseignes font appel à des cadres étrangers. Que faut-il pour changer la donne ? Il faut revoir la sélection des candidats à la base : insister sur les compétences, la maîtrise des langues (indispensable dans ce secteur), l'éducation et surtout sur les motivations. L'aspect technique s'apprend dans les écoles, mais l'attitude et le comportement sont déjà ancrés. Ils seront certes sensibilisés sur ces points, mais il est difficile de changer en peu de temps le comportement. Or, l'hôtellerie est avant tout un métier de service. Il est également important d'accompagner les formateurs au niveau pédagogique et sur le terrain. La demande des clients a beaucoup évolué et les attentes sont différentes et multiples (produit proposé devient également diversifié et multiple). Le métier en lui-même a évolué. Prenons le cas d'un réceptionniste par exemple. Auparavant, il se contentait de donner et recevoir les clés. Aujourd'hui, la grande majorité des établissements ont des clés magnétiques que le client garde avec lui, le rôle et la mission du réceptionniste ont de ce fait évolué. Il est en mesure de renseigner le client sur les opportunités et les manifestations de la ville, les restaurants, les circuits, il a un rôle de conseiller. Le sourire à lui seul ne suffit plus, l'équipe doit se montrer efficace, réactive et doit anticiper les besoins des clients. Il faut mettre en place des systèmes qui puissent développer la capacité pédagogique des formateurs en proposant un processus de mise à jour de leur savoir et compétences. Il faut aussi pouvoir valoriser ce métier en termes d'image et de salaire, finaliser l'élaboration des conventions collectives (en cours avec la Fédération nationale du tourisme) et enfin revoir le système de remboursement des formations qui constituent un frein pour certains. Toutes les entreprises se soucient-elles de la même manière de la formation de leur personnel ? Certaines s'en soucient et prennent les mesures adéquates en proposant à leurs salariés des formations animées en interne ou par un cabinet externe voire un cycle de formation continue. Pour elles, la formation constitue réellement un pan de la stratégie. D'autres ne sont pas encore convaincues du retour sur investissement des actions de formations et restent peu enclines à cette démarche. En tant que cabinet spécialisé dans la formation et l'accompagnement dans le domaine du tourisme, quel bilan tirez-vous ? Une prise de conscience plus accrue grâce notamment au programme MEDA 2 «Mise à niveau des ressources humaines dans l'industrie touristique marocaine» financé par l'Union Européenne et piloté par Consulteam en tant que partenaire et coordonnateur de ce projet. Il y a une prise de conscience réelle de la difficulté des ressources humaines dans ce domaine. Il existe également une méconnaissance d'une réelle politique RH avec des relais RH qui assurent la gestion administrative et des managers qui n'ont pas la dimension RH. La politique RH est inexistante (livret d'accueil, règlement intérieur, organigramme, descriptifs de poste, procédures RH, évaluation, gestion des carrières …) sauf pour les hôtels de chaînes qui ont leurs propres outils. Bien que certains outils doivent être adaptés au contexte local. De même que la nécessité d'adapter les modules et les contenus de formation à l'environnement local et au niveau, souvent très hétérogènes, est importante. Il s'agit de «marocaniser» certains modules pour être plus efficace et mieux répondre au contexte. Il faut noter aussi que la dimension RH n'est pas suffisamment appréhendée à l'avance lors des ouvertures d'hôtels. Enfin, la formation ne pourra être efficace et bénéfique que si les managers prennent le relais sur site pour assurer un suivi et une continuité. D'où un réel travail d'équipe entre les formateurs et les chefs de département. C'est pour cela aussi que Consulteam propose plus une approche coaching axée sur la motivation et le suivi des actions de formations en relais avec les managers plutôt que des formations au coup par coup.