La XVIe édition du SIEL se tient du 12 au 20 février à l'Ofec : 719 exposants, 25 000 m2 de stands La France présente avec une brochette d'auteurs liés culturellement au Maroc 150 créateurs marocains venant de 17 pays : 2 300 ouvrages à découvrir Mahmoud Hussein «présenteront» leur livre «Penser le Coran». «La lecture : une clé pour la société du savoir», tel est le slogan de la XVIe édition du Salon internationale du livre et de l'édition (SIEL) dont le coup d'envoi a été donné ce vendredi 12 février, à l'Office des foires et expositions de Casablanca, et qui durera 9 jours. 38 pays participent à cette manifestation culturelle, 719 exposants auront à présenter leurs ouvrages sur une superficie de 25 000 m2 dont 11 000 couverts. Le budget du SIEL de cette année tourne autour de 10 MDH. Mais au-delà du thème un peu savant du SIEL de cette année, les organisateurs ont innové en mettant à l'honneur, cette fois-ci, la communauté marocaine de l'étranger. «C'est la marque de ce salon. Les Marocains du monde ne sont pas des invités à vrai dire, ils sont ici chez eux car on ne peut inviter quelqu'un chez lui», déclare Bensalem Himmich, ministre de la culture, à La Vie éco, à la veille de la tenue de ce salon. L'idée de placer les Marocains du monde, à travers leur multiculturalisme et leurs créations littéraires, artistiques et scientifiques, au centre de ce salon, ne date pas du temps de l'actuel ministre de la culture, mais bien avant. «Déjà avec Touria Jabrane, l'ex-ministre de la culture, en juillet dernier, l'idée avait pris forme. Le ministre actuel y a adhéré», précise Driss El Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine de l'étranger (CCME). Les deux grands partenaires du ministère de la culture dans l'organisation du SIEL de cette année sont donc le CCME et le ministère de la communauté marocaine résidant à l'étranger (MCMRE). Ainsi, les deux organismes dédiés aux Marocains du Monde profiteront de cette occasion pour mettre en exergue la richesse et la diversité de la production littéraire et artistique des Marocains d'ailleurs, dont le but évident est de créer une dynamique de rencontres, et d'échange culturel entre les auteurs et les artistes marocains de la diaspora et le public marocain. 150 créateurs marocains du monde, entre romanciers, poètes, hommes de théâtre, de cinéma, chercheurs, vivant dans 17 pays à travers le monde et s'exprimant dans toutes les langues y seront présents. Un stand de 270 m2 leur est dédié, avec «la plus grande librairie jamais tenue sur l'émigration : 2 300 ouvrages y seront présentés au public», se réjouit Driss El Yazami. Mieux, lors de cet événement, le CCME et le MCMRE signeront une convention avec la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc pour créer au sein de ce joyau de la culture à Rabat un département du livre sur l'immigration. Une façon de mettre entre les mains du lecteur marocain une multitude d'œuvres dont il ignore souvent l'existence. Les auteurs marocains de l'étranger sont imprégnés du Maroc dans leur création Il faut dire que les trois millions de Marocains de l'étranger regorgent de talents, dans tous les domaines, et il serait indigne de ne pas les associer au développement de leur pays d'origine. Il s'agit en effet à travers ce salon d'établir des passerelles, une circulation des œuvres et des hommes «pour pouvoir profiter au mieux de ces talents». Ces derniers, note M. El Yazami, «sont imprégnés de leur pays d'origine dans leurs œuvres et l'un de nos objectifs, avec le ministre chargé de la communauté marocaine à l'étranger, est de donner une priorité visible à la problématique culturelle dans les relations entre le Maroc et ces communautés à l'étranger. Nous voulons sortir de cette approche purement économiciste, et participer à faire découvrir à ces dernières la réalité du Maroc : un pays qui bouge». Côté activités, le CCME et le MCCME ont programmé à l'occasion de ce salon quatre types de rencontres et d'échange avec le public pour mettre en valeur les différentes facettes et problématiques de la culture des Marocains de l'étranger. Il y a d'abord les tables rondes qui reçoivent des invités, tables animées par des auteurs et critiques littéraires connus de la diaspora marocaine. Il s'agit notamment de Salim Jay, Maâti Kabbal et Kébir Mustapha Ammi. Il y a ensuite le salon littéraire où l'on aborde des questions liées à la littérature et à l'édition : les pionniers des écritures maghrébines d'exil, comme Abdellatif Laâbi et Tahar Ben Jelloun, y seront honorés. Il y a en troisième lieu les grands débats thématiques sur des questions qui touchent aux réalités actuelles de l'émigration. Deux tables rondes sont particulièrement attendues : la première avec comme thème «Revues en immigration, l'immigration en revues», animée, entre autres, par Abdellatif Chaouite. Ce dernier, universitaire d'origine marocaine installé à Grenoble, est connu par ses œuvres sur la migration et l'interculturalité maghrébines. Outre qu'il est rédacteur en chef d'une revue éditée à Grenoble, il est l'auteur de Enfances maghrébines (éd. Afrique-Orient) et de L'interculturel comme art de vivre (éd. L'Harmattan, 2007). Le thème de la deuxième table ronde, «Histoire de l'immigration, initiatives sociales et nouvelles pistes de recherche», sera animé par Driss El Yazami. Le quatrième type de rencontre programmé par le CCME et le MCCME a trait aux hommages qui seront rendus à quelques figures emblématiques de la littérature qui nous ont quittés comme Driss Chraïbi, Jean Genet, Mohamed Bahi ou Mohamed Khaïr-Eddine… La France, pays qui abrite la plus grande partie des Marocains de l'étranger, invitée d'honneur du Salon de 2008, est aussi et fortement présente à cette XVIe édition du SIEL avec un stand de 100 m2 et une brochette d'écrivains français liés culturellement au Maroc. Y seront ainsi présents, aux côtés d'autres auteurs français, Pierre Assouline, Bruno Nassim Aboudrar, Christine Orban, Daniel Sibony. Les trois premiers sont nés au Maroc, le quatrième est d'origine marocaine. Né à Casablanca, Pierre Assouline est romancier, biographe et journaliste et il est auteur d'une trentaine de livres. Son blog littéraire «La République des Livres» accessible sur le site du journal Le Monde est l'un des plus fréquentés dans le monde de la francophonie. Célébration du centenaire de la Nouvelle revue française, ancêtre de la prestigieuse maison d'édition Gallimard Et il ne faut pas oublier Mahmoud Hussein, invité de la France. Il ne s'agit pas d'un seul auteur, mais ce nom est un pseudonyme qui en cache deux, Bahgat Elnadi et Adel Rifaat, deux politologues égyptiens installés en France. Célèbre depuis les années 1970 par ses ouvrages, dont l'emblématique La lutte de classes en Egypte (Maspéro, 1969), et Versant sud de la liberté (La Découverte, 1988), Mahmoud Hussein vient présenter et débattre à Casablanca Penser le Coran, la parole de Dieu contre l'intégrisme (Ed. Grasset, 2009), son dernier livre qui a suscité une vive polémique. Une traduction en arabe du livre vient d'être publiée au Maroc par la Bibliothèque nationale. Toujours mordant et révolutionnaire dans ses écrits, Mahmoud Hussein a voulu dans ce livre, non pas dénigrer l'Islam comme l'accusent certains, mais restituer le contexte de la Révélation. Le texte du Coran a été livré, explique l'auteur, pendant 22 ans (entre 610 et 632 de l'ère chrétienne), il a été rassemblé sans tenir compte de la chronologie, d'où une difficulté de lecture, et la prédominance actuelle d'une lecture «littéraliste», selon laquelle, puisque le Coran est la Parole de Dieu, il n'est pas tributaire du temps. Ses versets ne sont pas liés au contexte où ils ont été révélés, mais ils sont formulés, une fois pour toutes, pour embrasser tous les contextes possibles. Il ne s'agit donc pas, aujourd'hui, selon l'auteur d'«historiciser le Coran de l'extérieur, a posteriori -en étant alors accusé de lui être infidèle-, mais, au contraire, de lui restituer sa vérité en y retrouvant la dimension historique que Dieu Lui-même y a déposée». Beau débat en perspective dans le stand de l'ambassade de France. Le même stand verra la célébration du centenaire de la Nouvelle Revue Française, l'ancêtre de la prestigieuse maison d'édition Gallimard. Des sommités de la littérature française ont été publiées par cet éditeur, on y comptera quelques pionniers du XXe siècle comme Marcel Proust, Guillaume Apollinaire, Louis Aragon, André Breton, André Gide… et la liste est longue. Toujours côté français, c'est l'ex-Premier ministre, Dominique de Villepin, requinqué après son blanchiment dans l'affaire de Clearstream, qui donnera une conférence d'ouverture de ce salon avec comme intitulé «La culture pour vivre dans le monde d'aujourd'hui». Côté marocain, la XVIe édition du SIEL ne fait pas que des heureux. Certains éditeurs expriment en effet leur colère quant à la façon dont ils sont traités par le ministère de la culture. «Aucune concertation avec les maisons d'édition avant la tenue de ce salon, c'est scandaleux. La seule chose que je sais sur ce salon ce sont comme d'habitude les conditions draconiennes qu'on impose à une éventuelle participation d'un éditeur. Je trouve que le stand, à raison de 1000 DH le m2, est cher, et nous risquons donc de ne pas en prendre. Le SIEL est financé avec des fonds publics, et les éditeurs n'en profitent d'aucune manière», accuse Bichr Bennani, patron de Tarik édition. «Pur mensonge, rétorque Bensalem Himmich. J'ai tenu des réunions dans mes bureaux à maintes reprises avec les éditeurs, auxquelles cette maison d'édition était absente, il est vrai, et je leur ai demandé leur cahier de doléances. Ils ont voulu un stand plus ou moins unifié et ils l'ont obtenu. Ils ne peuvent pas être organisateurs, parce que c'est le ministère qui organise cet événement». Il est à signaler par ailleurs que le SIEL est organisé cette année sans le concours d'un commissaire de salon, ce poste ayant été supprimé lors de l'arrivée de l'actuel ministre de la culture.