Evincé du terrain politique, le parti islamiste se replie sur le champ religieux. A force de vouloir tout faire entrer dans le cadre de la religion, il a fini par commettre un impair. Un rappel à l'ordre. Le dernier communiqué du Cabinet royal à l'adresse du PJD sonne avant tout comme un recadrage de ce parti qui, après sa débâcle électorale du 8 septembre 2021, a cru bon de surfer sur la vague du populisme. En toute logique, un parti politique qui vient de quitter la cabine de commandement dispose d'assez d'outils pour, une fois dans l'opposition, proposer une alternative aux politiques publiques élaborées et mises en œuvre par ses successeurs. Le PJD, sans doute pour se refaire rapidement une virginité, a choisi un autre chemin. Il a essayé de revenir au-devant de la scène politique par la voie de la religion. Anticipant deux chantiers fondamentaux de la réforme de la Justice, l'amendement de la Moudawana et du Code pénal, le parti attaque sur tous les fronts. L'héritage, les libertés individuelles, les droits de la femme..., ses dirigeants, y compris le secrétaire général ancien chef du gouvernement, multiplient les sorties sur les réseaux sociaux et à travers les médias électroniques pour fustiger à tout bout de champ l'Exécutif. Mais ce qui a irrité le plus, c'est sa tentative de surfer sur la question palestinienne, en allant jusqu'à reprocher au ministre des Affaires étrangères de faire un peu trop, à son goût, la promotion aux relations maroco-israéliennes. Concrètement, dans un communiqué diffusé par sa direction le 7 mars dernier, le parti islamiste a «déploré» les «prises de position récentes du ministre des Affaires étrangères, dans lesquelles il semble défendre l'entité sioniste dans certaines réunions africaines et européennes, à un moment où l'occupation israélienne poursuit son agression criminelle contre nos frères palestiniens». C'est la déclaration de trop. Une semaine plus tard, le communiqué du Cabinet royal tombe comme un couperet. Au point que le secrétaire général a interdit, expressément, à tous les membres du parti d'en commenter le contenu. Instrumentalisation politique «Le secrétariat général du Parti justice et développement (PJD) a récemment publié une déclaration contenant des dépassements irresponsables et des approximations dangereuses, concernant les relations entre le Royaume du Maroc et l'état d'Israël, en lien avec les derniers développements dans les territoires palestiniens occupés», peut-on lire dans le texte. Le Cabinet royal a tenu à souligner tout d'abord que la position du Maroc envers la question palestinienne «est irréversible» et elle constitue «l'une des priorités de la politique étrangère» de S.M. le Roi. Cette question est même placée au même rang de l'intégrité territoriale du Royaume. «Il s'agit d'une position de principe constante du Maroc, qui ne saurait être soumise aux surenchères politiciennes et aux campagnes électorales étriquées», tranche le communiqué. De même, poursuit la même source, la politique extérieure du Royaume est une prérogative du Souverain qu'il exerce «conformément aux constantes nationales et aux intérêts suprêmes de la patrie, et à leur tête la question de l'intégrité territoriale». Le troisième point que le communiqué a relevé, c'est que les relations internationales du Royaume «ne peuvent être l'objet de chantage de la part de quiconque et pour quelque considération que ce soit, particulièrement dans ce contexte mondial complexe. L'instrumentalisation de la politique extérieure du Royaume dans un agenda partisan interne constitue ainsi un précédent dangereux et inacceptable». Le Cabinet royal a tenu, par ailleurs, à rappeler que la reprise des relations entre le Maroc et Israël a été effectuée «dans des circonstances et dans un contexte que tout le monde connaît». Les forces vives de la nation, les partis politiques, ainsi que certaines personnalités de premier plan, de même que certaines instances associatives militant pour la question palestinienne, «avaient alors été informés de cette décision, pour laquelle ils avaient exprimé leur adhésion et leur engagement». Il va sans dire que le PJD, dont le secrétaire général d'alors avait signé pour le Maroc, en tant que chef du gouvernement, l'accord tripartite, avait vivement appuyé cette initiative. Il n'y a donc aucune raison valable pour que le parti change de position, à moins que cela ne rentre dans le cadre de chantage et d'instrumentalisation politique. Maintenant, à la lecture posée de ce communiqué, plusieurs observateurs s'accordent à dire que son contenu est certes dirigé au PJD, n'en contient pas moins des messages destinés à d'autres partis. Il intervient dans un contexte où le Maroc tient à rassurer ses alliés, principalement les signataires de l'accord du 22 décembre, réaffirmant que l'état marocain n'a nullement l'intention de revoir ses engagements. C'est une lecture parmi d'autres. Cela tout en rassurant l'opinion publique interne quant à l'irréversibilité de son engagement en faveur de la question palestinienne. Focus Le PJD fait le dos rond Après ce communiqué du lundi 13mars, pour les observateurs de la scène politique, deux scénarios au moins étaient envisageables. Soit que le secrétaire général du parti présente sa démission, tirant profit de l'occasion pour se retirer de la politique et donner un souffle nouveau au parti. Soit que le secrétariat général tienne une réunion extraordinaire pour répondre aux différents points de ce communiqué. C'est finalement la deuxième option que le parti a choisie, tout en précisant que le PJD, sa direction et ses militants vont continuer à assumer leur mission. Une fuite en avant, donc.Cela dit, c'est une situation nouvelle, mais pas inédite. Ce n'est, en effet, pas la première fois qu'un communiqué du Cabinet royal est adressé à un parti politique. Le document rappelle celui de 2016, dans lequel le Cabinet royal a rappelé à l'ordre un autre chef de parti, Nabil Benabdellah du PPS en l'occurrence, même s'il n'en présente pas la même teneur ni les mêmes enjeux. Dans ce communiqué, seule la personne du secrétaire général était visée, le contenu du document n'avait aucun rapport avec le PPS, «parti reconnu pour son rôle historique de militantisme et sa contribution constructive au processus politique et institutionnel national». Aujourd'hui, c'est différent, c'est tout le PJD, à travers son organe exécutif, qui est visé. Un PJD qui, dépité électoralement, se rabat sur le champ religieux, faisant de la religion une monture politique et idéologique pour espérer revenir en force sur la scène politique. Cela démontre, d'ailleurs, que la direction du parti n'a plus de projet politique.