La sortie du Maroc de la liste grise intervient dans un momentum favorable pour le Royaume, qui a entamé les grandes manœuvres en matière d'investissement et de financements extérieurs. Pour un pays comme le Maroc, figurer sur la liste grise du Groupement d'action financière (Gafi) relative au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme faisait un peu tache. Le Royaume se positionne, en effet, comme un pays dont la vocation stratégique est d'être un hub vers l'Afrique, un pays qui s'est positionné comme terre d'investissement par excellence avec la marque «Morocco Now», un pays dont le développement économique s'appuie sur un système financier puissant. Partant de là, sortir de cette zone au plus vite devenait même une question quasi existentielle. Ce qui explique l'ardeur du gouvernement et des autorités monétaires du pays à se mettre en conformité, dans les délais impartis, avec les normes internationales les plus strictes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT). Un travail colossal, fait de réformes de l'arsenal juridique, de sensibilisation sans relâche à l'attention de toutes les corporations concernées, et de mesures organisationnelles et de contrôle, qui a porté ses fruits. Il faut signaler au passage que le Maroc n'a mis que deux années (après présentation de son plan d'action en février 2021) pour se conformer aux recommandations du Gafi, une prouesse quand on sait que les autres pays mettent généralement 7 à 8 ans pour y arriver. Une aubaine pour les IDE... En sortant solennellement, vendredi 24 février, du processus de surveillance renforcée du Gafi où il avait été placé en 2019, le Maroc a fait un pas décisif vers son ambition de devenir une destination incontournable pour les investissements. Car cette sortie de la liste grise intervient dans un timing parfait pour le Maroc, dont la toute nouvelle Charte de l'investissement, fer de lance de sa stratégie d'investissement qui doit faire passer au Royaume un nouveau palier en matière d'attractivité et de flux, est opérationnelle depuis quelques semaines. Déjà présent sur les radars des investisseurs mondiaux qui apprécient sa stabilité politique et la qualité des infrastructures, le Maroc dispose désormais d'un sérieux argument de plus pour décupler l'efficacité de la Charte et massifier les flux des IDE. Pour avoir une idée des montants en jeu, Khalid Benomar, coordonnateur du plan d'action du Maroc pour le Gafi, s'est livré, lundi dernier au JT d'Al Oula, à une estimation du manque à gagner qu'occasionnait la présence du Maroc sur la liste grise. Selon ce responsable au ministère des Finances, citant une étude du Fonds monétaire international, les pays présents sur la liste grise du Gafi accusent un manque à gagner de 7,6% du PIB en moyenne pour les entrées de capitaux et de 3% du PIB pour les IDE. «Cela représente tout de même près de 100 MMDH», a-t-il fait remarquer. «Avec la sortie du Maroc de la liste grise, c'est un verrou qui saute», s'est-il félicité, après avoir rappelé que les évaluations du Gafi sur un pays donné figurent en bonne place parmi les critères d'investissements scrutés par les grandes institutions internationales, ainsi que par les entreprises et les fonds de dimension mondiale. ... et pour la signature souveraine Autre (heureux) hasard du calendrier, la sortie du Maroc de la liste grise coïncide avec un autre évènement important pour les autorités monétaires du Royaume. Ces dernières ont en effet entamé, depuis quelques jours, un road show à l'international, dans les principales capitales européennes et aux Etats-Unis, dans l'optique d'une levée de devises sur les marchés financiers, la première du genre depuis décembre 2021 (en 2022, les conditions peu avantageuses avaient incité le Maroc à ne pas tenter l'aventure). Or, de l'avis des professionnels du marché, la sortie du Maroc de la liste grise du Gafi est de nature à impacter positivement la notation de sa dette souveraine et, partant, lui permettre d'emprunter des devises dans des conditions optimales, à la faveur d'une baisse de la prime de risque. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit, puisque le 1er mars dernier, le Trésor a réussi à lever 2,5 milliards de dollars en deux tranches (5 et 10 ans), avec des spreads respectives de 195 pbs et 260, inférieurs de 40 pbs à ceux proposés à l'ouverture des souscriptions. De façon plus globale, c'est la crédibilité de la signature souveraine du Maroc qui sort renforcée. Par ricochet, une levée réussie en devises est de nature à détendre le marché intérieur de la dette, marqué par des tensions à la hausse sur les taux des bons du Trésor. Dans le même sillage, la sortie de la liste grise place le Maroc dans une situation favorable dans ces négociations avec le FMI pour décrocher la fameuse Ligne de crédit modulable (LCM) que le Royaume lorgne depuis quelque temps. Comme l'a souligné le wali de Bank Al-Maghrib en décembre dernier, la signature pour cette ligne est envisageable en mars 2023, «si le Maroc remplit certaines conditions, dont la sortie de la liste grise du Gafi». C'est désormais chose faite, ouvrant au Maroc l'accès à ce mécanisme de financement réputé pour sa souplesse et qui assure un recours à un montant élevé de ressources du FMI, sans conditionnalité continue. Le Maroc vient d'ailleurs de sollicité officiellement l'institution multilatérale pour une LCM de 5 milliards de dollars. Une demande qui sera appuyée par la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, lorsque le conseil d'administration du Fondsse réunira de nouveau dans les prochaines semaines pour prendre une décision. Au final, en quittant la liste grise du Gafi, après avoir quitté celle des paradis fiscaux de l'Union européenne, en 2021, c'est tout l'écosystème qui ressort gagnant. Les opérateurs du marché national l'ont d'ailleurs bien compris : la Bourse de Casablanca a connu une séance feu d'artifice, vendredi 24, sitôt l'officialisation de la sortie du Maroc de la liste grise, le Masi terminant la journée en hausse de 1,7% ! Lutte contre le terrorisme : Le Maroc en pole position Dans le volet de la lutte contre le terrorisme et ses sources de financement, la sortie du Maroc de la liste grise du Gafi ne vient que confirmer le rôle de premier plan joué par le Royaume dans ce domaine. C'est même devenu l'une de ses marques de fabrique, largement reconnue à l'international. Le Département d'Etat américain vient d'ailleurs de s'en faire l'écho dans son dernier rapport annuel qui porte sur l'année 2021, publié le 27 février dernier. Dans ce rapport, le département d'Anthony Blinken a mis en relief les nombreuses avancées réalisées par le Maroc dans la lutte contre le terrorisme, à la faveur de l'efficacité prouvée des différents services impliqués, d'une législation adaptée et d'une coopération internationale de premier plan. Concernant le volet financement, le rapport du State Department ne manque pas de souligner qu'en 2021 «le Maroc a promulgué une législation anti-blanchiment plus stricte, conformément aux normes du Gafi».