Le Souverain a appelé à la restructuration du conseil. Le 25 mars prochain, le mandat de ses membres touchera à sa fin. En interne, la performance du conseil fait l'objet de bilans contradictoires. Une restructuration déterminée par la régionalisation poussée des provinces du sud ? Vendredi 6 novembre dernier, le discours royal prononcé à l'occasion du 34e anniversaire de la Marche verte annonce une série de réformes pour les provinces du sud. Parmi les organismes concernés, le Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes (Corcas), dont le Souverain annonce une prochaine restructuration, la révision de sa composition, et même celle de son mode de fonctionnement. Autant de mutations qui devraient, en toute probabilité, coïncider avec la fin du mandat des 141 membres du conseil, le 25 mars prochain. Quatre ans seulement après un dépoussiérage massif de la structure, qu'est-ce qui justifie autant de changementsaujourd'hui ? Interpellé sur le bilan du conseil, son président ne cache pas sa satisfaction (voir entretien en page suivante). Selon Khalihenna Ould Rachid, le Corcas, soutenu par une collaboration totale du gouvernement et ses institutions, a pu mettre fin au climat de tension qui régnait dans les provinces du sud jusqu'en 2006. Il a aussi permis aux autorités de mieux cibler les politiques publiques destinées à la région. Pendant ce temps, à l'international tout comme à l'occasion des négociations de Manhasset, le conseil s'est distingué par une politique de communication dynamique sur le plan d'autonomie pour les provinces du sud, aussi bien auprès des pays que dans les instances internationales ou même sur internet. Aujourd'hui, ses sorties lui ont aussi et surtout permis de faire réaliser au monde l'existence de ces Sahraouis, majoritaires, opposés à l'option séparatiste, empêchant du même coup le front Polisario de continuer de se présenter comme le seul représentant légitime des Sahraouis. «Pas de concertation» : le reproche éternel à Khalihenna Ould Errachid Interrogés, toutefois, plusieurs membres du Corcas expriment des avis nettement plus mitigés sur les réalisations de la structure et de son fonctionnement. L'on aurait souhaité plus d'efforts, notamment en matière de diplomatie parallèle, par exemple vis-à-vis de la société civile de pays comme l'Espagne ou l'Italie, déplore cet observateur, qui note aussi qu'au Sahara, «cette institution aurait pu jouer un rôle important dans le dialogue avec les jeunes, créer un dialogue au sein de la mouvance séparatiste, et réaliser des choses qui auraient pu nous épargner beaucoup de problèmes». C'est toutefois le fonctionnement interne du Corcas qui concentre l'essentiel des reproches : absence de communication sur d'éventuelles réunions du bureau, gel des commissions qui ne se sont jamais réunies depuis leur mise en place, et surtout l'attitude de la présidence accusée de monopoliser le débat. «Nous nous sommes disputés avec le président qui a tout fait pour que les commissions ne fonctionnent pas, prétextant le nombre élevé des conseillers, ce qui est complètement aberrant», souligne ce membre du Corcas, qui impute également le blocage à l'existence d'un courant conservateur, intéressé, qui appuie la position officielle du président, et le fait que les autorités n'aient pas réagi. «La pratique à l'intérieur de la salle montre que le président se prend pour la seule force de proposition et qu'il se substitue à l'ensemble des conseillers», insiste ce membre du Corcas. Une instance royale pas un Parlement, du moins pour le moment En face, toutefois, Khalihenna Ould Errachid se défend : le Corcas est une structure royale qui a pour but, avant tout, de présenter des avis. Il ne s'agit nullement d'un Parlement, indique-t-il, justifiant certaines de ses décisions par la nécessité de préserver la crédibilité de la structure auprès des provinces du sud. «La vérité est sans doute quelque part entre les deux positions», tempère ce partenaire du Corcas. «Quel que soit le caractère ou le comportement du président, l'institution a constitué un cadre de concertation, d'écoute et de dialogue. Quand une thématique était abordée par cette structure, c'était aussi l'occasion pour un certain nombre de départements de mettre en place des projets de développement», indique-t-il. Un dahir qui limite les pouvoirs décisionnels de l'instance Réformé en vertu du dahir 1.06.81 du 25 mars 2006, le Corcas, tel qu'il se présente aujourd'hui, exerce une mission de conseil auprès du Souverain dans deux domaines : la préservation de l'intégrité territoriale et l'unité nationale du Royaume, d'une part, et, d'autre part, la promotion du développement économique et social des provinces du sud et la préservation de leur identité culturelle. Selon les dispositions prévues par ce texte de loi, la structure dépend fortement du Souverain. C'est ainsi que, nommé à l'instar du secrétaire général, par le Roi, le président du Corcas, qui assure également la fonction de porte-parole officiel, dirige les réunions et gère le conseil. Il doit toutefois obtenir l'aval royal pour un certain nombre de décisions, comme le choix de l'ordre du jour des sessions plénières ou la délégation de ses pouvoirs. Dans ce contexte, il est peu surprenant aujourd'hui que des réglages s'imposent, après quatre ans d'exercice, mais aussi en relation avec l'évolution du contexte général dans les provinces du sud. Régionalisation des provinces du sud oblige, le Corcas devra nécessairement connaître des mutations qui pourraient bien aller à la rencontre des critiques avancées jusqu'à présent par ses membres. Le Corcas évoluera-t-il vers une forme de Parlement local ? Auquel cas, quels seraient les changements effectués au niveau des pouvoirs du président, des membres de la structure, leur appartenance tribale, géographique, ou encore leur mode de nomination ? Rendez-vous dans quatre mois pour en savoir davantage.