Stigmatiser le privé et sacraliser le public (le contraire est aussi valable) revient à entretenir un fossé entre ces deux leviers complémentaires. Ecouter cet article https://www.lavieeco.com/wp-content/uploads/speaker/post-282571.mp3?cb=1674138664.mp3 Facile d'opposer public à privé. Encore plus trivial de considérer le premier comme gratuit, alors que le second est payant. Et plus aisé encore que de faire dans l'analyse cliché : le service public est synonyme de prestations médiocres fournies par des fonctionnaires qui font leur job par-dessus la jambe, tandis que le privé est un gage de qualité de service car assuré par des professionnels inaccessibles, si ce n'est pour certains privilégiés. Cette dichotomie est pourtant loin d'être aussi tranchée. Dans le public, comme dans le privé, il y a de tout : des compétences, des bras cassés, des tricheurs, des corrompus, des gens honnêtes, du personnel dévoué... Même la réputation de salarié assisté que peut traîner le fonctionnariat (la paie tombe chaque mois quoi qu'il en soit) peut être mise en parallèle avec le concept d'entrepreneur rentier qui parfois se voit attribuer un agrément (si ce n'est un monopole) public lui permettant des rentrées d'argent sans le moindre effort. C'est dire que public comme privé se valent et ne sont à distinguer que par l'expérience client – citoyen... Si dans la sémantique ils sont antonymes, public et privé sont dans la pratique condamnés à être complémentaires. D'ailleurs, cela fait plusieurs années que le concept de Partenariat public-privé (PPP) est en vogue dans la conduite des politiques publiques, parfois même servi à toutes les sauces. En 2015 déjà, le Royaume s'est doté d'un arsenal juridique pour encadrer les montages de ce type de contrats. Et depuis, le mécanisme a fait ses preuves dans de grands chantiers stratégiques. Les pouvoirs publics ont bien compris que le recours à un tel mécanisme permet d'amplifier l'effort d'investissement. Les puritains prennent le raccourci de crier à la privatisation, à la libéralisation sauvage et au désengagement de l'Etat. Pourtant, il ne faut pas confondre le recours au privé (avec ses capitaux, ses compétences et sa flexibilité) et l'externalisation tous azimuts du service public.Il y a bien des domaines où le privé est venu à la rescousse du public. La gestion déléguée a permis la continuité de nombreuses activités où les anciennes régies avaient été défaillantes. Le mécanisme peut connaître des travers, les engagements peuvent parfois être rompus, mais dans l'ensemble, la performance est au rendez-vous. Et bien évidemment, elle peut être optimisée si les parties prenantes y mettent de la bonne volonté. Stigmatiser le privé et sacraliser le public (le contraire est aussi valable) revient à entretenir un fossé entre les deux secteurs. Il faut surtout consolider les ponts entre ces deux leviers et libérer toute la synergie qu'ils peuvent receler. Aujourd'hui que ce mode de fonctionnement est condamné à être déployé dans le sensible secteur de la santé, c'est l'occasion ou jamais de changer de paradigme. Le public doit admettre qu'il n'est pas en mesure de fournir tous les soins à tous les Marocains et de continuer à construire des hôpitaux sans trouver les ressources pour les faire tourner. Le privé, non plus, ne doit pas profiter de sa position en tant que recours incontournable pour se permettre toute forme d'abus. Cela s'appelle trouver le juste équilibre, aboutir à un compromis. Et dans le cas échéant, il s'agit de se mettre d'accord sur une tarification de référence des soins. Un sujet jusque-là laissé à l'écart, alors qu'il est vital pour ce nouveau régime de couverture médicale généralisée...!