Bank Al-Maghrib devrait intervenir à hauteur d'environ 25 MMDH sur le marché secondaire de la dette publique pour apporter de la liquidité aux investisseurs. Enjeux d'une opération inédite. Pour la première fois de son histoire, la banque centrale va intervenir sur le marché des Bons du Trésor. L'annonce a été faite récemment par Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib pour, dit-il, «réguler ce marché et offrir de la liquidité aux investisseurs». «Nos statuts nous le permettent», a-t-il aussitôt précisé. Cette intervention inédite, qui peut survenir «à tout moment», se fera sur le marché secondaire des Bons du Trésor, a ajouté Jouahri, qui a d'emblée exclu toute opération sur le marché primaire, c'est-à-dire sur le marché des nouveaux titres émis par l'Etat. En d'autres termes, la gardienne du temple ne prévoit pas d'acheter directement les obligations émises par le Trésor. Le mécanisme d'intervention et le traitement comptable de ces futurs achats seraient déjà verrouillés, a fait savoir le Wali, sans livrer plus de détails sur le volume de cette intervention ni son timing. Néanmoins, les premières indiscrétions recueillies auprès d'opérateurs du marché évoquent des opérations à venir totalisant un volume conséquent: 25 milliards de dirhams. Rien de moins... Les maturités concernées par ce rachat de BDT sont les échéances courtes, inférieures à 52 semaines. Selon nos sources, la banque centrale a déjà tenu au moins une réunion avec les Intermédiaires en valeur du Trésor pour discuter des modalités de cette opération encore jamais réalisée. Débloquer le marché de la dette domestique Si BAM compte se jeter dans l'arène du marché secondaire, c'est que les conditions de financement du Trésor sont devenues délicates, notamment depuis la première hausse du taux directeur de 50 points de base (pbs) en septembre dernier. Depuis, le Trésor fait face à des conditions de financement de plus en plus restrictives, liées, pour résumer, à une hausse de ses besoins de financement couplée à un recul de la demande des investisseurs et à une hausse des taux obligataires. Attijari Global Research souligne dans sa dernière note analytique que les taux obligataires en 2022 ont enregistré des hausses variant entre 63 et 167 pbs en un an. Une tendance lourde qui impacte directement l'endettement du Trésor. «Il y a actuellement un problème sur le marché secondaire des BDT», confirme l'économiste Omar Bakkou. Et pour cause: «Les investisseurs, notamment les banques, anticipent la poursuite du resserrement de la politique monétaire», dans un contexte inflationniste parti pour durer plus longtemps que prévu. La perspective de nouvelles hausses du taux directeur se traduit par une potentielle dépréciation, demain, des titres acquis aujourd'hui. «Pour éviter cette dévalorisation, les investisseurs se montrent réticents pour acheter», résume Omar Bakkou. Selon notre interlocuteur, si BAM a fait cette annonce «c'est pour mieux accompagner la politique de relèvement du taux directeur et pour éviter un impact négatif sur le fonctionnement efficient du marché primaire sur lequel se finance le Trésor». L'effet escompté est que les investisseurs achètent à nouveau les obligations émises par le Trésor sans craindre leur dévalorisation, sachant que BAM pourrait en racheter, par la suite, sur le marché secondaire à un prix convenable. Une sorte de garantie visant à détendre la pression de l'offre sur le marché primaire et, de facto, au Trésor de continuer à se financer à un coût raisonnable. Et Omar Bakkou de conclure : «In fine, il ne s'agit pas d'une création monétaire, mais plutôt de lisser la sur-réaction des investisseurs au resserrement de la politique monétaire qui va se poursuivre». A contexte inédit, intervention originale...