Le projet de Budget a été voté en plénière par 58 voix pour, 35 contre et 22 abstentions. L'amendement du PJD sur la création d'un fonds de solidarité familiale voté grà¢ce (ou à cause) de l'absence des députés de la majorité. Amendée, la TIC sur les boissons gazeuses permet de récupérer la subvention sur le sucre octroyée aux limonadiers. Le projet de Loi de finances 2010 a été voté mardi 17 novembre, en séance plénière, par la Chambre des représentants. Mais c'est un vote étriqué, squelettique : 58 voix pour, 35 voix contre et 22 abstentions. Autrement dit, entre ceux qui ont agréé le texte et les autres, c'est quasiment du 50/50% ! La faute en incombe aux absents (aux absentéistes). Un absentéisme qui fut à l'origine d'une situation que d'aucuns qualifieraient de cocasse, n'était son caractère fortement symbolique. Lundi 16 novembre, dans la soirée, le PJD présentait un amendement portant sur la création d'un fonds de solidarité familiale ; un fonds prévu dans le code de la famille et destiné à se substituer aux pères défaillants dans le paiement de la pension alimentaire. Le ministre des finances, qui n'est pas, sur le principe, contre la création de ce fonds, explique néanmoins que techniquement le projet n'est pas mûr. Mais pas plus. Il laisse donc l'amendement passer au vote. Et là, surprise ! Les 36 parlementaires du PJD ont voté naturellement pour ; la majorité, elle, avec trois partis réunis (l'Istiqlal, le MP et le RNI) n'ont pu aligner que 32 contre. Mais où est donc passée l'autre composante de la majorité, l'USFP, s'interrogera-t-on à raison ? Le parti de Abdelouahed Radi s'est tout bonnement abstenu. «Nous avions prévenu dès le départ que nous ne nous opposerions pas à un tel projet s'il venait à être mis au vote. Pour nous, les choses étaient claires : le ministre des finances avait tout le loisir, s'il le jugeait nécessaire, d'utiliser l'article 51 de la Constitution pour rejeter l'amendement. Il ne l'a pas fait», raconte un député de l'USFP. Bien sûr, il est encore possible de se rattraper au sein de la deuxième Chambre, mais sur un sujet aussi sensible, qui oserait s'y opposer? D'ailleurs, on peut penser que le fait que le ministre des finances se soit abstenu de rejeter l'amendement du PJD par l'article 51 participe de la même démarche : ne pas se présenter seul comme celui qui aurait refusé de venir en aide aux familles en détresse. Le ministre des finances a-t-il fait marche arrière ? Pour certains observateurs, cependant, si réellement la mise en œuvre d'un tel fonds présente des difficultés pratiques, il suffira alors d'artifice juridique pour renvoyer sa création réelle à une date ultérieure (peut-être en 2011, 2012…). Cela est déjà arrivé ! La majorité a donc été piégée par l'absence des siens, mais avant même le vote en plénière, au sein même de la commission des finances, le rapport de force n'était guère meilleur. Le texte y a été voté par 19 voix pour et 6 contre, mais contrairement aux précédents Budgets de l'actuelle législature, celui présenté cette année, au titre de l'exercice 2010, semble avoir suscité moins d'intérêt de la part des députés. C'est en tout cas ce que montrent les chiffres soigneusement notés par le conseiller de la commission des finances, Mohamed El Rhezaouni. En effet, entre la date de dépôt du projet le 21 octobre et son vote le 12 novembre, dix séances de travail ont été consacrées à l'examen puis à l'adoption du texte, contre 20 un an auparavant, soit une baisse de 50%. Ces séances ont totalisé 42 h 15 mn de travail au lieu de 62 h en 2008 (-32,2%), et le taux de présence a baissé de 38% à 32% (-15,8%) entre les deux périodes. Au cours du débat général, le nombre de questions posées a chuté de 237 à 197 (-16,9%) et de 349 à 303 (-13,2%) pendant l'examen, article par article, du projet de Budget. Ce recul du temps consacré au texte présenté par le ministre des finances pourrait avoir deux significations : ou bien il y a une adhésion au projet de Budget plus grande que par le passé, ou alors une sorte de lassitude a gagné les députés, provoquée par le temps qui passe (l'effet nouveauté s'estompant progressivement), doublée d'une prise de conscience que, dans tous les cas, le gouvernement a la possibilité, au besoin, de repousser les amendements qui lui paraissent inopportuns. Cette constatation semble corroborée par le fait que le nombre d'amendements présentés a baissé de 20,1% à 167 amendements contre 209 présentés lors de l'examen du Budget 2009. D'ailleurs, même le ministre des finances a, cette année, moins brandi l'article 51 de la Constitution lui permettant de rejeter les amendements des députés (12 fois) que par le passé (33 fois pour le vote du Budget 2009 et plus de 50 pour celui de 2008). L'usage de l'article 51 par Salahed-dine Mezouar a concerné 1 amendement du PAM (Parti de la modernité et de l'authenticité), 6 amendements du PJD (Parti de la justice et du développement) et 5 amendements du groupement de l'Union de la gauche (voir encadré). Comme souvent, les amendements des députés ont porté cette année presque en totalité (96%) sur l'article 7 du projet de Loi de finances relatif au code général des impôts (CGI) ; c'est-à-dire, plus clairement, sur la matière fiscale. La hausse de la TVA sur les produits pétroliers de 7% à 10%, notamment, a suscité d'intenses débats. Il n'est jusqu'à l'Istiqlal, le parti du Premier ministre, qui n'ait, le premier, ouvert les hostilités sur ce sujet. Le ministre des finances qui, dès le départ, avait évité de préciser sur qui reposerait la charge de cette hausse, a finalement trouvé la parade face à l'assaut des députés qui tenaient à amender cette disposition : c'est à l'Etat, tranchera M. Mezouar, de supporter l'augmentation de la TVA sur les produits pétroliers. Mais ce n'est qu'un engagement politique. L'autre mesure qui a suscité de vives divergences, y compris dans la majorité, fut la baisse des droits de douane sur l'importation des veaux. Sensible aux arguments de ceux qui tenaient à protéger les éleveurs locaux, le gouvernement a finalement promis que la baisse à 2,5% des droits de douane aura une durée limitée à un an. Enfin, l'amendement de l'USFP sur l'augmentation de la TIC sur les boissons gazeuses a été accepté, mais le niveau de hausse demandée par les socialistes a été légèrement corrigé : au lieu de faire passer la TIC de 20 centimes le litre, comme l'avait prévu le gouvernement, à 40 centimes, comme l'a proposé l'USFP, le ministre des finances a coupé la poire en deux : 30 centimes d'augmentations, soit à peu près l'équivalent (60 MDH) de la subvention sur le sucre accordée aux limonadiers (70 MDH).