Le marché est plus régi par des facteurs psychologiques et de liquidité que par les fondamentaux des sociétés cotées. Les volumes restent faibles et les indices évoluent sans tendance claire. Les investisseurs toujours méfiants et manquent de visibilité. Perspectives : poursuite de la morosité avec un Masi qui clôturera l'année entre -5% et +5%. Depuis l'annonce des premiers résultats semestriels de l'année 2009, vers la mi-septembre, le marché boursier casablancais évolue dans un territoire positif. Le Masi, indice de toutes les valeurs cotées, a gagné plus de 2% entre le 14 septembre et le 16 octobre dernier, ramenant sa performance depuis le début de l'année dans le vert. On peut croire que cette progression résulte de l'amélioration des bénéfices des sociétés cotées de plus de 10% au titre du premier semestre 2009. Or, selon les professionnels, ce n'est pas le cas puisqu'il ne s'agit que d'une évolution purement technique qui ne correspond à aucune logique économique en relation avec la performance des entreprises. Notons d'abord que si les bénéfices de la cote ont enregistré une croissance à deux chiffres, c'est uniquement grâce à des revenus non récurrents réalisés par les holdings Ona et SNI sur la cession d'une partie de leurs participations dans le capital de l'opérateur Wana. En neutralisant ces éléments exceptionnels, le résultat du marché ressort en baisse de plus de 3%. Ce qui reflète mieux la baisse de près de 4% du chiffre d'affaires semestriel global et la dégradation des indicateurs de plusieurs sociétés cotées de taille. Ces réalisations décevantes devaient, en toute logique, se traduire par une baisse des cours et non une progression car, selon les opérateurs du marché, les investisseurs ont largement compris que les résultats publiés étaient dopés par du non-courant. Ceci confirme donc, une fois de plus, que la Bourse réagit actuellement à tout sauf aux fondamentaux des sociétés cotées. Plusieurs exemples confortent ce constat. Le secteur de l'agroalimentaire a fait du surplace au niveau de l'activité et a cédé près de 8% de ses bénéfices, notamment sous l'effet de la baisse des résultats de Lesieur et Cosumar. Pourtant, l'indice agroalimentaire de la cote, qui reflète le comportement des cours des sociétés du secteur, a gagné plus de 7% entre le 14 septembre et le 16 octobre. Pareil pour le secteur énergétique. Le bénéfice semestriel de ce compartiment a chuté de moitié, à cause de l'effondrement du résultat de la Samir, alors que son indice en Bourse a progressé de 3% durant la période considérée. En tout, ce sont 7 sur les 13 principaux secteurs de la cote qui ont affiché une baisse de résultat et dont l'indice boursier a évolué dans le sens inverse (voir tableau page suivante). Addoha est la seule valeur à avoir subi une réaction logique de la part des investisseurs Il existe, toutefois, une exception et elle concerne la valeur Addoha. Celle-ci a enregistré une baisse de cours de 3,2% du 14 septembre au 16 octobre. Selon les professionnels, il s'agit d'une réaction des investisseurs face aux résultats jugés moyens du promoteur immobilier. «Le marché s'attendait à mieux comme bénéfice semestriel pour Addoha. Le consensus des analystes table sur un résultat net de 1,8 à 2 milliards de DH pour toute l'année 2009, alors que le résultat affiché au 30 juin est inférieur à la moitié de ce qui est attendu. De plus, la marge opérationnelle de la société est ressortie en baisse. Les investisseurs ont donc pénalisé la valeur et son cours a baissé», explique un analyste financier. Le responsable ajoute que le management d'Addoha s'est défendu après la publication des résultats, en expliquant que son activité est cyclique et que le second semestre sera bien meilleur que le premier, mais que cela n'a pas eu un grand effet sur le comportement du titre en Bourse. Ceci dit, il ne s'agit là que d'une exception. L'évolution des cours à la Bourse de Casablanca reste globalement très peu corrélée aux réalisations des sociétés cotées, qu'elles soient en hausse ou en baisse. Pour plusieurs opérateurs, cela est dû à un seul et unique facteur : le désintérêt des investisseurs du marché boursier qui dure depuis plusieurs mois. Le désengagement des investisseurs du marché persiste Après avoir atteint ses plus hauts niveaux courant 2008, la Bourse de Casablanca a plongé dans une phase de correction qui a ramené les principaux indices dans le rouge. Depuis, l'hésitation et le manque de confiance règnent sur la place. Les premières séances de hausse technique de début 2009 ont cédé la place à une évolution en dents de scie, sans tendance claire, avec des volumes très faibles. Si l'on ne considère que la période allant de la mi-septembre à mi-octobre, on peut constater que l'évolution de 2% du Masi s'est faite avec beaucoup de volatilité. L'indice est en effet passé de 10 750 à près de 11 000 points en une semaine, avant de redescendre au niveau de départ vers la fin du mois de septembre et continuer à fluctuer pour remonter encore une fois vers les 11 000 points. Côté volumes, même s'il s'agit d'une période riche en informations financières, le niveau moyen des transactions quotidiennes dépasse à peine les 250 MDH sur le marché central, soit un volume largement faible par rapport aux années passées. Les intermédiaires boursiers affirment qu'en dehors des opérations stratégiques auxquelles procèdent les investisseurs institutionnels de temps à autre, ce sont surtout les transactions individuelles de court terme, autrement dit spéculatives, qui animent le marché actuellement et que font une poignée de particuliers initiés. Ces derniers considèrent des facteurs autres qu'économiques avant d'acheter ou de vendre, tels que les rumeurs, les tendances de cours et la liquidité des titres. Ce qui contribue au fait qu'aucune tendance claire et durable ne se dessine et que les volumes soient faibles. «Aujourd'hui, le marché est plus régi par des conditions de liquidité que par les fondamentaux des sociétés cotées», précise Karim Elhnot, directeur de la gestion chez CDG Capital Gestion. Une grosse introduction en Bourse est nécessaire pour redynamiser le marché Maintenant que les résultats semestriels sont connus, la question est de savoir comment évolueront les indices d'ici à la fin de l'année. Pour plusieurs opérateurs, le contexte de morosité persistera jusqu'à fin décembre. «Les cours ne s'éloigneront pas beaucoup de leur niveau actuel, vu la faiblesse des volumes et la rareté des ordres», estime Mehdi Bensaoud, trader actions de la place. Pour sa part, M. Elhnot précise que «la volatilité des indices se maintiendra à un niveau élevé». Quant à la performance du marché, il indique que sa société de gestion table sur une évolution annuelle du Masi comprise entre -5% et +5%. Ces pronostics se basent sur l'idée que les investisseurs manqueront toujours de visibilité sur le comportement du marché d'ici à fin décembre et limiteront de ce fait leurs interventions aux opérations d'intraday qui ne favorisent pas une croissance visible des indices. Certains professionnels ajoutent que le contexte économique national, surtout les perspectives des sociétés cotées, ainsi que la situation de la liquidité sur le marché monétaire n'encouragent pas non plus la reprise du marché. Qu'est-ce qui pourrait changer la donne ? Les opérateurs s'accordent à dire qu'une grosse introduction en Bourse est nécessaire pour redynamiser le marché. Ils rappellent à ce titre l'offre publique de vente de Maroc Télécom qui a pu en 2004 faire sortir la Bourse de Casablanca de son atonie de l'époque. «Les autorités doivent prendre des mesures pour relancer le marché. Rien que leur annonce en public pourrait encourager les investisseurs à revenir», ajoute un analyste. Ce responsable fait allusion, entre autres mesures, à la mise en place du plan d'épargne actions qui, selon lui, draînera une demande forte et stable sur le marché. Notons que pour l'heure, cette mesure est encore au stade de discussion.