Soumis à l'obligation de la licence, les exportateurs de ferraille dénoncent l'absence de procédures claires et demandent des licences annuelles. Pour les métallurgistes, les mesures de l'Etat sont fondées mais insuffisantes. Le ministère de tutelle prépare un cahier des charges pour assurer la traçabilité des déchets exportés. Qui aurait pu le croire ? Les déchets industriels sont aujourd'hui l'objet d'une grande bataille entre professionnels, les récupérateurs de ferraille, d'une part, et les métallurgistes, de l'autre. Et les volumes en jeu sont importants : durant les 10 dernières années, les entreprises marocaines ont produit en moyenne un demi-million de tonnes de déchets ferreux et non-ferreux. Cette quantité est collectée par plusieurs récupérateurs qui la revendent pour la majorité sur le marché international. Une situation qui a longtemps gêné les métallurgistes nationaux alors obligés d'importer des déchets, qui sont leur matière première, et de les payer plus cher, rappelle-t-on auprès de la Fédération des industries métallurgiques, mécaniques, électriques et électroniques (FIMME). Pour remédier à la situation, les pouvoirs publics avaient alors soumis l'importation et l'exportation des déchets ferreux et non-ferreux à une licence depuis le 20 août dernier. Prise par une commission interministérielle comprenant des représentants des ministères du commerce et de l'industrie, des finances et du commerce extérieur, cette décision a déclenché l'ire des récupérateurs qui s'estiment profondément lésés. «Depuis le 20 août dernier, nous sommes obligés de réclamer une licence d'exportation pour chaque conteneur de déchets que nous expédions vers l'étranger», regrette Philippe Baudet, patron de la société Valdeme spécialisée dans la récupération et le recyclage des métaux. Mais, selon lui, ce n'est pas le principe de soumettre les exportations à une licence qui pose problème mais bien la procédure qu'il faut engager pour obtenir cette licence. «Chaque demande doit être traitée par deux départements ministériels à savoir le commerce extérieur et l'industrie, ce qui nécessite au moins une semaine. Eu égard à la volatilité des cours internationaux des déchets surtout non ferreux, la procédure devient tout simplement pénalisante pour les opérateurs», explique M.Baudet. De plus, ajoute-t-il, l'arrêté ne fixe pas clairement la procédure et les conditions d'obtention de la licence d'importation ou d'exportation. Il est souligné qu'à chaque opération, des documents différents de ceux qui avaient été précédemment déposés peuvent être réclamés. Les entreprises de récupération réclament tout simplement une licence annuelle pour être plus à l'aise. Les récupérateurs déplorent les bas prix proposés par les fonderies Le même reproche est également formulé par les responsables de la FIMME qui assurent que sans la rédaction de conditions précises pour l'obtention de ladite licence, «l'arrêté devient inapplicable». L'absence d'une procédure claire et des conditions pour l'obtention d'une licence d'export/import de la ferraille constitue le seul terrain d'entente entre les deux professions. En effet, si les métallurgistes pointent du doigt le caractère informel de la majeure partie des sociétés de récupération et de recyclage de la ferraille, ces dernières regrettent la faiblesse des prix proposés par les acheteurs nationaux. «L'exportation des déchets ferreux et non ferreux constitue pour nous une obligation et non un choix pour deux raisons, à savoir l'inexistence d'un marché local et l'absence d'une filière de traitement locale mis à part la Sonasid», explique M.Baudet. La traçabilité des déchets pour traquer les vols Pour illustrer ses propos, le directeur de Valdeme souligne que les fonderies de la place montrent rarement leur intérêt pour la ferraille produite localement et «proposent généralement des prix de 20 à 30% moins cher que le marché international». Les récupérateurs protestent également contre la disposition de la Loi de finances 2009 qui a interdit aux exportateurs des déchets ferreux et non ferreux de récupérer la TVA sur les marchandises qu'ils achètent localement. «Cette mesure qui est également destinée à orienter la ferraille vers le marché local est en train de tuer à petit feu l'industrie de la récupération», s'inquiète M. Baudet. Pour ne citer qu'un seul exemple, il assure que la société qu'il dirige a investi plus de 7 MDH pour créer une plateforme moderne et environnementale de traitement des déchets. «Nous ne pouvons tout simplement pas renoncer aux 20% de la TVA parce que cela représente bien plus que notre marge bénéficiaire», dit-il. Du côté de la FIMME, l'on se réjouit de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation tout en assurant que c'est loin d'être suffisant. «Nous n'avons pas encore reçu les chiffres des exportations de la ferraille parce qu'ils sont trimestriels, mais nous avons des indicateurs qui prouvent que les exportations ont baissé depuis août dernier», souligne pour sa part Adnane Lamdouar, Pdg de la fonderie Mac//Z et conseiller à la FIMME. Avant d'ajouter, «l'arrêté du 20 août dernier n'interdit pas l'exportation des déchets de métaux, mais la réglemente. De plus, nous nous attaquons actuellement à la réglementation du marché local pour sortir le secteur de la ferraille de l'informel», insiste-t-il. En effet, le ministère de l'industrie et du commerce travaille sur l'élaboration d'un cahier des charges qui obligera les ferrailleurs à instaurer un registre retraçant toutes les opérations d'achats de ferraille et contenant les coordonnées des vendeurs et la traçabilité de la marchandise. «La traçabilité de la ferraille aura non seulement un intérêt fiscal, mais également légal puisqu'elle réduira substantiellement les vols de cuivre qui se sont multipliés ces dernières années au Maroc», assure-t-on auprès du ministère de l'industrie et du commerce.