A -11,8% de contre-performance actuellement, des opérateurs pensent que le marché reculera encore de 20 à 25%. Les plus optimistes estiment que la baisse sera consommée avant juin 2009. Les pessimistes croient qu'elle se poursuivra jusqu'à fin 2010. A moins de sortir du marché, il est recommandé de miser sur les valeurs défensives. Jusqu'où ira la baisse des indices de la Bourse de Casablanca et jusqu'à quand se poursuivra-t-elle ? C'est la question qui préoccupe investisseurs et opérateurs du marché, qui ont perdu leurs repères. Alors que les variations des Bourses étrangères sont tour à tour rythmées par les faillites d'entreprises, les prévisions de récesssion, les chiffres de la consommation ou encore les plans de relance, se permettant des baisses vertigineuses tout comme des hausses historiques, celle de Casablanca est désespérément sur une tendance baissière. Depuis le début du mois de septembre, en effet, et jusqu'à fin novembre, le marché a chuté de plus de 20%, ramenant la performance depuis le début de l'année dans le rouge, à -11,86%. Les quelques séances de rebond technique auxquelles on a assisté n'ont fait que confirmer la tendance baissière qui touche pratiquement toutes les valeurs cotées. Hormis les télécoms et l'agroalimentaire, qui ont pu résister à cette crise (ces secteurs affichent depuis le début de l'année des variations positives de 17,7% et 3,3%), ce sont toutes les grosses capitalisations, celles qui font le marché, qui accusent des contre-performances importantes, notamment les valeurs immobilières, qui affichent une baisse moyenne de 18,6%, les actions bancaires, en chute de 17,4%, les holdings, qui perdent 29,2%, les assurances, dont plus du quart des actions cotées s'est envolé, et les valeurs du BTP (cimenteries -27,7%, et matériaux de construction -15,6%). Crise de confiance due au contexte économique et financier international, manque de liquidité sur le marché et aversion au risque, rachat de parts d'OPCVM, faible soutien des institutionnels…, les raisons évoquées par les professionnels ne manquent pas pour expliquer la situation actuelle de la Bourse de Casablanca. Dans tous les cas, aussi bien les investisseurs qui se sont désengagés du marché en faveur de placements moins risqués, notamment les dépôts à terme et les instruments monétaires, que ceux qui maintiennent leurs positions en Bourse tout en vivant chaque jour le stress de voir les cours chuter davantage, se posent la question : jusqu'où et jusqu'à quand ? Les avis des professionnels contactés par La Vie éco sont partagés. En effet, alors que certains opérateurs estiment que le marché est en phase de consolidation et que la reprise de la croissance est attendue pour mars 2009, d'autres pensent que la Bourse baissera de quelque 25% supplémentaires et que cette tendance se maintiendra jusqu'en… 2011, voire plus longtemps. Le marché peut éponger ses pertes d'ici fin décembre puis replonger Rachid Zraigui, directeur de la société de gestion Orange Asset Management, fait partie des pessimistes. Pour lui, «la tendance de fond du marché est baissière sur le moyen terme. Dans le meilleur des cas, elle devrait se maintenir jusqu'à fin 2009». Pour ce responsable, la théorie des cycles est en train de se vérifier encore une fois. Il rappelle à cet effet la crise qu'a connue la Bourse de Casablanca en septembre 1998 et qui a duré jusqu'à fin 2002. «La baisse est là et il faudra l'accepter, d'autant plus que le marché avait besoin de cette bouffée d'oxygène pour mieux rebondir après cinq années de forte croissance. La fin de ce cycle baissier ne devrait toutefois intervenir que quand l'indice de la place baissera de 20 à 25% supplémentaires. C'est ce que devraient perdre en moyenne les valeurs du secteur immobilier et bancaire», poursuit-il. Il est rejoint dans son estimation par un analyste financier, qui pense que «techniquement, le marché s'insère dans une tendance baissière longue, mais qui devrait durer moins que la précédente, vu la brutalité de la chute actuelle». Il ajoute : «Nous pensons néanmoins qu'une reprise pérenne n'interviendra qu'à fin 2010 ou début 2011». Cela dit, la baisse, courte ou longue, ne sera pas linéaire. Beaucoup pensent que le marché devrait reprendre momentanément d'ici la fin de l'année. «On pourrait assister à un rebond technique des cours qui permettrait de ramener la performance annuelle du marché à 0% au lieu de -11% actuellement, et même jusqu'à +5%», affirme M. Zraigui. Pour lui, les investisseurs institutionnels, ne souhaitant pas provisionner les dépréciations d'actifs dans leurs portefeuilles à la clôture des comptes, soutiendront le marché d'ici fin décembre. C'est d'ailleurs le moment que recommandent plusieurs professionnels aux particuliers désirant sortir du marché avec le minimum de dégâts. Car, poursuit M. Zraigui, «les cours vont probablement replonger en janvier 2009». Par ailleurs, ce gérant d'actifs ainsi que plusieurs autres investisseurs pointent du doigt des pratiques ayant empêché le marché de baisser naturellement et qui prolongeront cette tendance, notamment les programmes de rachat. En effet, le marché allait commencer à chuter en mars 2008 mais il a été soutenu par les programmes de rachat qui n'ont cédé à la force vendeuse qu'en septembre dernier. «Si on avait laissé le marché baisser naturellement tout au long de cette année, 2009 serait une année haussière», précise un trader. D'autres intervenants estiment que la baisse actuelle n'est pas aussi grave qu'on le prétend et qu'elle va être consommée au plus tard durant le premier semestre de 2009. C'est le cas notamment de Nabil Ahabchane, responsable de la gestion de patrimoine à la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite (CIMR), qui pense qu'il s'agit d«'une histoire assez classique de correction de marché, comme il y en a 2 à 3 fois par an». Il précise quand même que «la Bourse a été prise dans une spirale de nouvelles assez médiocres où certaines valeurs phare réalisent moins de résultats que prévu et où les perspectives d'une récession mondiale marquent les esprits, ce qui a transformé l'impatience qui perdurait depuis le mois de mars en un désarroi massif». Les institutionnels affichent de l'optimisme Pour ce gros investisseur de la place, il était légitime d'avoir des frayeurs vu que toutes les Bourses mondiales plongeaient. «Un repli de l'indice casablancais était compréhensible avant même que l'on ne puisse quantifier la masse d'information qui affecte l'environnement macroéconomique dans lequel on évolue», renchérit-il. Cela dit, estime-t-il, le potentiel de croissance du marché n'est pas remis en cause et la capacité des sociétés cotées à capter ce potentiel n'est pas altérée. Pour lui, «une chute aussi brutale est davantage un signe d'affolement que d'arbitrages rationnels». C'est la raison pour laquelle il pense que la Bourse de Casablanca est à l'abri d'une baisse excessive et prolongée et que son attractivité (niveaux de valorisation et de rendement) conduira les investisseurs à se positionner, tout en étant sélectifs, bien entendu. Ainsi, à la CIMR, on estime que, sur le court terme, le Masi devrait réduire sa volatilité et se stabiliser autour de 11 000 points, soit son niveau actuel. Sur le moyen terme, le responsable de la gestion est plus confiant et croit que, dès 2009, la tendance sera haussière, mais à un rythme moins exubérant. «Les résultats annuels, attendus en progression, confirmeraient la robustesse des business et relanceraient les introductions en Bourse», conclut-il. Cet avis, on le retrouve également chez les responsables de la Mutuelle agricole marocaine d'assurances (MAMDA), autre investisseur institutionnel de taille de la place. Reda Idrissi, son directeur financier, affirme que, «malgré le contexte de morosité à l'international, les fondamentaux de l'économie marocaine sont bons et ceux des sociétés cotées le sont davantage». Ce responsable pense au contraire que cette correction offre aux investisseurs qui s'inscrivent dans une logique de long terme des opportunités intéressantes vu que les cours de certaines valeurs ont fondu de moitié, ramenant les valorisations à des niveaux attrayants. Il précise que les investisseurs institutionnels restent optimistes, qu'ils soutiendront le marché et que cette crise de confiance se dissipera sous peu. Des opportunités de placement attrayantes A quelle hypothèse faut-il se rallier en fin de compte ? Se dirige-t-on vers une autre crise boursière qui va durer cinq ans, comme cela s'est produit en 1998, ou va-t-on rapidement reprendre le chemin d'une croissance pérenne ? Il faut dire que les investisseurs institutionnels, vu leur rôle de mobilisateurs d'épargne à long terme, tiennent toujours un discours optimiste, même en cas de crise. Pour l'investisseur particulier, en tout cas, et dans l'impossibilité de prédire avec certitude la tendance future de la Bourse, il lui est recommandé de considérer ses objectifs de placement et ses contraintes avant d'agir. D'abord, il est conseillé de miser une partie des portefeuilles sur les instruments monétaires et les dépôts à terme et ce, pour atténuer le risque boursier en ces temps d'incertitude. D'autant plus que, avec le resserrement monétaire et les besoins de liquidités des banques, les taux d'intérêt servis au titre de ces produits deviennent de plus en plus intéressants. Ensuite, comme le recommandent pratiquement tous les professionnels interrogés par La Vie éco, il faut replacer son portefeuille sur les valeurs dites «de résistance». En effet, à titre d'exemple, des secteurs comme les télécoms (Maroc Telecom), l'agroalimentaire (Lesieur Cosumar, Centrale laitière et Brasseries du Maroc) et celui des utilities (Samir) sont connus comme étant défensifs en cas de baisse prolongée du marché. S'ajoute à cette sélection des valeurs qui, au vu des niveaux de cours actuels, des fondamentaux, mais aussi de la liquidité, constituent des opportunités de placement attrayantes. Attijari Intermédiation, dans une récente étude, parle entre autres de la BCP, Sonasid, Aluminium du Maroc, Cimar, Holcim, Snep, Auto Hall, Ona, Alliances, HPS et Eqdom. Bien entendu, ces recommandations s'adressent aux investisseurs qui maîtrisent un tant soit peu le marché boursier et qui ont une logique de placement à moyen et long terme. Pour ceux qui ne veulent pas risquer leurs placements avec une gestion hasardeuse ou un manque de réactivité, il vaut mieux opter pour la gestion collective. En effet, alors que le marché affiche une contre-performance de -11%, plusieurs OPCVM actions limitent leur baisse à un seul chiffre.