Daprès les analystes financiers, les pertes de la bourse de Casablanca frôlent les milliards de dirhams. Cette tendance est inquiétante, dautant plus que le marché boursier évolue dans le clair-obscur tout en donnant, lors de certaines séances, limpression de monter. Au passage, le MASI, indice de toutes les valeurs cotées, est entré dans une spirale haussière à lissue de laquelle il a ramené sa performance annuelle dans un territoire positif. Cependant, une telle hausse na ni la vigueur ni le rythme de la chute qui la précédée. Elle reste en effet molle, étalée sur le temps, et surtout elle intègre de fortes fluctuations en intraday comme en témoignent les fortes variations à la hausse, comme à la baisse, quenregistraient les indices au cours dune même séance. En fait, la tendance baissière est bien installée et les temps ont bien changé. Qui est donc derrière ce plongeon ? Quels que soient les arguments avancés pour justifier la dégringolade spectaculaire de la place boursière, l'activité de la bourse de Casablanca est donc concernée par les répercussions de la débandade de Wall Street. Comment une place boursière peut être à labri alors que ses acteurs sont des opérateurs dans léconomie réelle qui nest pas, elle, à labri de la crise mondiale. Impact Daprès une analyste financière dAttijari intermédiation, la chute du marché intervient après la présentation des résultats qui sannoncent globalement peu satisfaisants. Alors que la publication des résultats annuels des sociétés cotées est censée insuffler une nouvelle dynamique à la place casablancaise, cest le contraire qui se produit. La société estime que les résultats décevants expliquent en partie le manque de hardiesse qui caractérise le marché. Certes, des dividendes ont été distribués, très importants dailleurs par rapport à lannée dernière, mais cest insuffisant pour encourager les détenteurs de capitaux à investir en bourse. Une autre raison invoquée concerne le désintéressement et le manque de confiance, confirmés par le coup darrêt donné à de nouvelles introductions. En 2009 aucune introduction na été enregistrée. Il ressort des résultats à fin 2009 à que les principaux indicateurs alimentent les craintes des investisseurs et des petits épargnants. Trarem a opté pour un crédit bancaire au lieu de sintroduire en bourse. En effet, en octobre dernier, le fabricant de mobilier de bureau, en plein processus de souscriptions, a décidé de différer son introduction. De même, SGTM a choisi de reporter son introduction en bourse. Sagissant de Méditel et de Marjane, le management de ces sociétés parle désormais sans équivoque de différer ses plans. Lors de la présentation des résultats annuels de lONA, Mouatassim Belghazi, président du groupe, en réaction à la proposition du directeur de CFG marché, Younès Benjelloun, dintroduire Marjane en bourse, avait répondu : «Vous conviendrez que ce nest pas le bon moment.» Quant à Méditel, Mohamed El Mandjra ne laissait place à aucun doute. Sexprimant sur une éventuelle introduction, il a déclaré que le deuxième opérateur des télécoms préfère attendre avant de sengager dans des transactions pour le moment incertaines sinon périlleuses. Kamal Bennani, directeur commercial à Orange Asset Management, souligne pour sa part que les niveaux de valorisation auxquels peuvent actuellement prétendre les émetteurs sont bas. Et pour cause. Mises à part les différentes méthodes dévaluation, le vrai benchmark pour fixer la valeur dun titre demeure la valorisation du marché. En contexte baissier, les titres nouvellement introduits doivent être raisonnablement valorisés pour trouver preneur. Jamais, depuis 1993, la Bourse de Casablanca na eu à réfléchir sur sa crise ni à chercher les moyens de dépasser les chocs. Au moment où certains expliquent la baisse des indicateurs de la place boursière par la conjoncture difficile, certains avancent dautres raisons. Daprès Mustapha Belkhayat, trader et analyste financier à la tête dun fonds canadien, la forte chute cumulée nest pas le résultat dun manque de confiance. Pour lui, la place boursière marocaine manque de profondeur : nombre restreint d'intervenants sur le marché (sociétés de bourse, banques et fonds de gestion) et de sociétés admises à la cote (53 aujourd'hui, SOMAFIC ayant été radiée par manque de transparence); conditions d'admission à la cote peu flexibles et décourageantes, surtout pour les jeunes sociétés; régime fiscal jugé très contraignant, que ce soit pour les institutionnels ou pour les petits porteurs. Le trader précise par ailleurs que lattractivité réelle de toute bourse dépend de son mode de gouvernance, de sa transparence et de sa connexion réelle à léconomie dans laquelle elle opère. Il souhaite que la correction soit "salutaire" et ce, en retrouvant les niveaux de valorisation en phase avec les fondamentaux des sociétés cotées et de léconomie en général afin dattirer encore plus dinvestisseurs, locaux et étrangers. Daprès lui, cest le moment ou jamais pour changer de cap et inciter les investisseurs étrangers à miser sur la place financière. Ce nest pas tout. Seul un renforcement et un élargissement de lassiette des sociétés cotées et cotables est capable de renverser la vapeur, recommande-t-il. Quant à Mohamed Berrada, ex-ministre des Finances, il soutient que cest en situation de crise quil faut préparer la reprise. Il prône la mise en place dun plan structurel danticipation, au lieu dun plan conjoncturel consommé à court terme comme cest le cas pour la solution des rachats dactions pour animer la place boursière