Charisme et bagout ne sont pas donnés à tous, mais on peut apprendre à faire adhérer les autres à ses idées. Préparer ses arguments, créer un climat propice à l'échange, adapter son langage à la situation…, des atouts pour convaincre un interlocuteur. Il faut être crédible et faire partager ses convictions. Tout le monde n'est pas un Gamal Abdel Nasser, un de Gaulle ou un Martin Luther King, des leaders qui avaient le don de subjuguer les foules, pour ne pas dire les hypnotiser, grâce à leur éloquence et à leur charisme. Mais pouvoir convaincre un auditoire ou un interlocuteur n'est pas réservé à ce genre de personnages. Et s'il est difficile de les égaler, chacun peut y arriver, à condition d'apprendre à argumenter. C'est devenu une nécessité et, même dans la vie de tous les jours, nous sommes amenés à confronter nos idées avec celles d'autrui, à essayer d'obtenir un engagement, à négocier un tarif préférentiel ou une augmentation de salaire, à passer ou conduire un entretien de recrutement, à prendre la parole devant une assistance élargie pour défendre un projet ou une stratégie … «Qu'il s'agisse de clients ou de collaborateurs, de collègues ou de fournisseurs, convaincre son interlocuteur est un défi qu'un manager doit relever tous les jours», résume Abdelhai Lazrak, directeur du cabinet de formation Capital Services. Pour emporter l'adhésion dans toutes situations, la première étape consiste à préparer une stratégie. En d'autres termes, il faut que vous définissiez le but à atteindre, les moyens pour y parvenir et pour quelle finalité. «Une stratégie doit, pour fonctionner, prévoir plusieurs niveaux: de l'objectif idéal à l'objectif minimal. Ce qui permet d'avoir plusieurs possibilités d'orientation, de repli et de rebond si votre interlocuteur ou l'auditoire ne partagent pas vos propositions». C'est ce qu'explique Mohamed Bennouna, directeur du cabinet F2V, qui tient à rappeler que la préparation est essentielle et qu'il ne faut pas se contenter d'un seul argumentaire. Il est en outre indispensable de laisser une part à l'improvisation. Il donne l'exemple d'un collaborateur qui sollicite une augmentation de salaire et qui axe son intervention uniquement sur ses compétences. Dans ce cas, son manager, même s'il l'approuve sur ce point, peut, en adoptant la même logique, lui reprocher certaines faiblesses. En fin de compte, l'argumentaire de base ne fera pas le poids et pourra même conforter le manager dans ses positions. «De même si une situation d'échange se présente et que vous n'êtes pas préparé, mieux vaut ne pas partir à l'attaque, vous risqueriez de perdre vos atouts, ou de mettre dans l'inconfort votre interlocuteur», conseille le directeur de F2V. On devra ensuite s'efforcer de créer un climat propice à l'échange. Généralement, une phase d'observation et d'écoute est indispensable. «Attention toutefois à ne pas tirer de conclusions trop rapides en imaginant que le discours et l'attitude de l'interlocuteur reflètent exactement ses attentes réelles. Il arrive en effet qu'une personne ne fasse pas part, d'emblée, de ses intentions réelles. Il faut bien l'écouter avant d'agir», note Ghali Yamani, responsable juridique dans un groupe agricole. Adapter son rythme et son discours à son interlocuteur Dans tous les cas, il faut expliquer les choses avec clarté et simplicité car de nombreux facteurs peuvent altérer un message. Dans une communication, l'écart est très souvent énorme entre ce que l'on pense, ce que l'on veut dire et ce que l'on dit effectivement. Par ailleurs, entre ce qui a été entendu, ce qui a été retenu et ce qui a été compris, le gap peut être important. Quand on demande à une personne de restituer ce qu'elle a retenu, la déperdition est flagrante. Par exemple, et c'est connu, dans les séminaires de formation en communication, les formateurs se plaisent à demander aux participants de se transmettre un message de l'un à l'autre, en une véritable chaîne. Le plus souvent, une fois arrivé au dernier participant, en bout de chaîne, le message initial aura été dénaturé, parce que chacun l'aura compris et restitué à sa manière. De même, il faut savoir lâcher prise si votre interlocuteur s'obstine dans la même position. Rien ne sert de chercher à l'influencer ou encore à l'intimider. Les experts en communication suggèrent de dépassionner le débat, de le rendre plus serein. Si l'on est en face d'une seule personne ou d'un comité restreint, il est préférable de revenir plus tard sur la question, là encore en laissant la parole à l'autre partie. On pourra pour cela initier une réflexion susceptible de bousculer ses certitudes ou poser une question qui l'amènera à revoir sa position de lui-même. Il est recommandé d'adapter son rythme et son discours à son interlocuteur, de s'approprier ses termes pour pénétrer rapidement dans sa logique. «On ne peut influencer les autres avec nos propres arguments et en rejetant les leurs», souligne Abdelaï Lazrak. Pour être crédible, soyez le plus sincère possible. Appuyez-vous sur des faits, des preuves, des expérimentations… qui prouvent que vous dites la vérité. Mais attention, trop d'exemples tuent l'exemple ! Il faut fournir le bon, en s'appuyant sur des éléments concrets qui se fixeront dans la mémoire. Enfin, il faut montrer sa détermination et ne pas hésiter à jouer sur le facteur émotionnel par l'intonation de voix, la gestuelle et le regard.