Plusieurs aviculteurs ont définitivement cessé leurs activités. Une hausse des prix de la viande de volaille et des œufs est constatée depuis août dernier. Les charges liées à l'alimentation représentent jusqu'à 85% du coût de revient, contre 65% auparavant. La filière avicole a du mal à se redresser après le passage tumultueux de la période Covid. A peine a-t-elle commencé à voir le bout du tunnel que la guerre entre l'Ukraine et la Russie est venue empirer une situation déjà fragile. A la forte baisse de la demande en raison de la fermeture des frontières, des restrictions sanitaires, de l'arrêt total ou partiel du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, s'est ajouté le recul des prix de vente à cause justement du manque de débouchés des quantités importantes produites. D'autres variables ont amplifié cette situation qualifiée d'inédite, telles que le renchérissement des prix des aliments composés, les répercussions de la sécheresse, l'augmentation du coût du transport et aussi la hausse du taux de change du dollar. Dans ce contexte, «plusieurs aviculteurs ont en partie ou même définitivement cessé leurs activités avec des conséquences financières lourdes. Tous ces facteurs ont entraîné une perturbation des mécanismes de l'offre et de la demande sur le marché», se désole Youssef Alaoui, président de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA). A noter, cependant, que malgré cette conjoncture défavorable, aucun souci d'approvisionnement n'a été enregistré. Le marché a toujours été ravitaillé en produits avicoles (œufs et volailles), au détriment du revenu de l'éleveur. Cela dit, depuis août, l'on déplore une hausse des prix à la vente de la volaille. A fin septembre, les prix de vente départ ferme dans la région de Casablanca ont enregistré en moyenne 17 DH/kg vif pour le poulet de chair, 21 DH/kg vif pour la dinde et 1,04 DH/unité pour l'œuf de consommation. Quelques mois auparavant, les prix étaient situés à 15 DH ; 20,3 DH et 0,86 DH respectivement, sachant qu'en soi ces prix étaient déjà en forte augmentation. Si l'on prend une année normative, 2019, le prix de vente du poulet était de 11,9 DH, celui de la dinde de 15 DH et des œufs de 0,58%. L'éleveur couvre à peine ses charges M. Alaoui tient à nuancer : «Cette hausse n'est pas considérée comme un gain de marge pour les producteurs, compte tenu des surcoûts de production, consécutivement à l'augmentation des prix des matières premières, en particulier le maïs et les tourteaux de soja». Ces deux dernières matières représentent, à elles seules, près de 80% de la composition des aliments. En cause, leurs prix ont connu une montée en flèche au niveau international, de 60% pour le maïs et 40% pour le tourteau de soja. Actuellement, les charges liées à l'alimentation représentent jusqu'à 85% du coût de revient de la volaille et de l'œuf, alors que leurs poids tournaient autour de 65 à 70% auparavant; cela, en sachant que la majorité des usines d'aliments composés disposent d'un stock de matières premières d'environ 45 jours seulement. Notons aussi que ce coût augmente davantage si l'on y rajoute celui du transport maritime et le cours de change dollar/dirham qui est de 10,8 contre 8,8 au début de cette année. En tout, la croissance continue des prix des aliments composés depuis fin 2021 a provoqué une augmentation significative des coûts de production, qui sont passés d'une moyenne de 12,5 DH/kg à 16,5 DH/kg vif, départ ferme. «A ce prix, l'éleveur couvre à peine ses charges. Il faut savoir que le prix auquel achète le consommateur est celui du poulet à la ferme, auquel il faut additionner la marge du grossiste, du semi-grossiste et de l'abattage», précise le président de la FISA. Ainsi, un surplus de coût de 5 à 7 DH, expliquant donc le prix final de 21 DH ou même 24 DH, en fonction des régions. Cette situation devrait perdurer, avec une offre réduite et des prix en hausse. «L'incertitude et le manque de visibilité quant à l'évolution de la conjoncture nationale et internationale ne donnent pas confiance aux éleveurs pour reprendre leurs activités comme dans le passé», estime M. Alaoui. Toujours est-il, la Fédération est en concertation permanente avec l'Administration de tutelle. L'objectif est d'assurer le ravitaillement du secteur de l'élevage en matières premières et surtout l'approvisionnement du marché national en volaille et œufs. D'ailleurs, «incessamment, nous devrions signer avec le ministère de l'Agriculture notre 3e contrat programme, sachant que les objectifs des deux précédents ont été entièrement réalisés», s'enthousiasme M. Alaoui. De plus, «la 23e édition du salon Dawajine qui s'ouvre à Casablanca le mardi 25 octobre devra permettre à la grande famille de l'aviculture de se retrouver après 2 ans sans salon, d'échanger entre eux et surtout permettre au consommateur de mesurer les investissements et les efforts de modernisation consentis par le secteur», conclut notre interlocuteur. La consommation des viandes et des œufs en croissance continue La filière avicole a généré en 2021 un chiffre d'affaires global de 32,4 milliards de DH, en hausse de 18% par rapport à 2020. Ce qui correspond à un volume de production 525 000 tonnes de viandes de poulet (-2%) et de 115 000 tonnes de viandes de dindes (+15%). La production des œufs de consommation, elle, ressort en quasi-stagnation à 5,5 milliards d'unités. De son côté, la consommation de viandes de volaille s'est établie à 19,3 kg/an/habitant, en stagnation par rapport à une année auparavant, mais en amélioration de 15,6%. La consommation d'œufs est également sur une pente ascendante, où elle est passée de 152 œufs/an/habitant à 176, soit une augmentation de 15,8%. L'interprofession et les parties prenantes n'ont de cesse de moderniser le secteur, de mettre à niveau les riayachates, de rénover les fermes de production avicole et aussi d'organiser des cessions de formation et de sensibiliser. Tout cela a nécessité des investissements cumulés de 13,8 milliards de DH, générant ainsi 141 000 emplois directs et 324 000 indirects.