On ne connaît pas exactement cette prime accordée aux institutionnels qui récupèrent en lease-back des biens publics. L'estimation n'est que celle de professionnels qui connaissent, comme leurs poches, les disponibilités et liquidités des investisseurs institutionnels. Soit prêter de l'argent à l'Etat sur 20 ans pour un taux ne dépassant pas les 3% ? Ou plutôt se payer avec ce même pactole, un bien de l'Etat assorti de la même garantie souveraine, de percevoir pendant des décennies un loyer représentant un rendement annuel aux alentours de 5%? L'arbitrage est instinctif même pour un «algébrophobe»... Alors pour les gestionnaires de caisses de retraite ou de fonds de pension, habitués aux gros chiffres qui fluctuent à coup de petites virgules, la question ne se pose même pas. Surtout quand l'Etat lui-même vous sert sur un plateau un spread aux environs de 200 points de base par rapport à ses propres Bons du Trésor. En réalité, on ne connaît pas exactement cette prime accordée aux institutionnels qui récupèrent en lease-back des biens publics. L'estimation n'est que celle de professionnels qui prennent le pouls du marché et connaissent comme leurs poches, les disponibilités et liquidités des investisseurs institutionnels. Car au niveau du ministère des Finances, on livre jusque-là que très peu de détails sur ce mécanisme de financements dits innovants. Même quand les premières opérations ont été annoncées, en 2019, il se contentait de livrer des données élémentaires comme le montant ou la durée. Mais, désormais, ce type d'opérations passe quasiment en catimini, alors que ce mode de financement prend de plus en plus d'ampleur et produit forcément des répercussions sur les autres compartiments du marché des capitaux. Rien qu'en juillet dernier, le Trésor a mobilisé près de 4,6 milliards de dirhams via les financements innovants, selon les estimations des acteurs du marché. Eux seuls l'ont vu passer, puisqu'ils ont ressenti l'assèchement du compartiment primaire des Bons du Trésor. Pour le commun des contribuables, ce chiffre est noyé dans la grande masse des «autres recettes non fiscales». L'argentier du Royaume a bien évidemment raison de se servir à volonté de ce mode de financement. Le mécanisme a le mérite d'atténuer ses besoins de recours à l'endettement et, de facto, de réduire la pression sur son coût de financement dans un contexte marqué par la flambée des charges de compensation. Un luxe pour le Trésor, mais qui se ressent sur l'évolution récente de la courbe des taux, dans sa composante long terme, et qui s'entend au grincement de dents des professionnels du marché. Le financement innovant est aussi une meilleure alternative aux opérations de privatisation, dans la mesure où ces «bijoux» que sont les biens publics restent dans la famille. Il permet même de les monétiser et de les fructifier, plutôt que de les laisser gonfler comptablement... Néanmoins, quand on envisage de mobiliser 20 milliards de dirhams cette année, soit plus de 16% des besoins de financement prévus initialement dans la Loi de Finances, plus de communication s'impose sur ces transferts de biens publics. Le ministère des Finances pourrait faire un état des lieux de ces opérations à l'occasion des débats sur le prochain budget. La nature des actifs concernés ainsi que la facture des loyers à venir devraient être rendues publiques. C'est élémentaire pour évaluer l'efficience de ce mode de financement qui semble devenir récurrent.