Au moment où l'équipe de Driss Jettou considère le financement innovant comme une dette, celle de Benchaâboun le considère comme une cession. En tout cas, ce mode de financement a rapporté au Trésor 9,3 Mds de DH en 2019. Le rapport sur l'exécution du Budget 2019 a mis en évidence le rôle joué par les mécanismes de financements innovants dans la maîtrise du déficit budgétaire. Ces derniers ont permis une hausse des recettes non fiscales à 14.038 MDH. Sachant que ledit rapport a mis également en exergue l'essoufflement tendanciel des recettes fiscales depuis l'année 2017. Inutile de rappeler que les recettes fiscales sont concentrées sur un nombre limité de contribuables ou de catégories d'assujettis. C'est le cas notamment de l'IS qui reste supporté par une minorité d'entreprises. Un défi que souhaite relever coûte que coûte la DGI. Revenons-en aux recettes non fiscales, celles-ci se sont établies au titre de l'exercice 2019 à 34,2 Mds de DH contre une prévision de 22,7 Mds de DH, soit un taux de réalisation de 150,7%. Le surplus dégagé en 2019 est dû, en grande partie, à la réalisation de recettes, dites, des mécanismes innovants, qui ont rapporté au Trésor 9,3 Mds de DH non prévus par la Loi de Finance. « L'augmentation des recettes non fiscales en 2019 (+14 Mds de DH) est due aux recettes des opérations dites « innovantes » conclues par l'Etat, avec la CDG, la CMR et l'ANP, pour une contrepartie financière de 9,3 Mds de DH, et aux recettes de la privatisation qui ont drainé un flux financier de 5,3 Mds de DH », apprend-on dans le rapport de la Cour des comptes. Le Trésor a, en effet, conclu au cours de cette année, trois opérations de cession-bail (lease-back) auprès d'investisseurs institutionnels. Cette nature d'opérations consiste en la cession de biens publics à des investisseurs qui consentent à en laisser l'usage à l'Etat, en contrepartie du versement d'un loyer, tout au long d'un terme convenu. A l'issue de ce terme, l'Etat retrouve la pleine jouissance de ses biens. Deux desdites opérations ont été réalisées avec la Caisse Marocaine des Retraites (CMR), la première a comme biens sous-jacent les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) en contrepartie d'un montant de 4,6 Mds de DH sur une durée de 40 ans, alors que la deuxième se trouve adossée à certains bâtiments administratifs de l'Etat pour une contrepartie financière de 670 MDH portant sur la même durée. La troisième opération a, quant-à-elle, été conclue avec la Caisse de Dépôts et de Gestion (CDG) sur d'autres bâtiments administratifs de l'Etat contre un versement de 1,7 Md de DH sur une durée de 30 ans. Financement innovant : dette ou cession ? « Ces recettes prises en charge parmi les recettes non fiscales s'apparentent davantage, au sens des référentiels internationaux des statistiques des finances publiques, à des opérations de financement de type crédit-bail, classées parmi les dettes », explique la Cour des Comptes dans son rapport. A cette recommandation, le MEFRA répond que les opérations de la gestion active du patrimoine immobilier de l'Etat, effectuées dans le cadre du mécanisme de financement innovant ne peuvent pas être considérées comme des opérations de cession-bail (lease-back) mais plutôt des cessions fermes. Selon le MEFRA, il ne s'agit pas d'opérations de crédit-bail mais plutôt de cessions fermes, et par conséquent, elles ne peuvent être considérées comme une dette. Ledit mécanisme constitue un moyen alternatif qui permet à l'Etat de drainer des ressources supplémentaires en collaboration avec des partenaires institutionnels, tout en adoptant une logique gagnant-gagnant : d'une part, le recours à ces financements innovants s'est imposé comme la meilleure formule pour maintenir un trend haussier des investissements publics, particulièrement dans les infrastructures de base, comme c'est le cas par exemple du secteur sensible de la santé. Cela permettra à l'Etat de réaliser des investissements tout en évitant d'alourdir son budget ; d'autre part, ces opérations ont permis aux institutionnels d'élargir le champ d'investissements, de diversifier leurs placements et de procurer, pour le cas particulier de la CMR, au régime des pensions civiles des revenus locatifs sécurisés et captivants. La question de cession ou de dette reste tout de même posée : il faut s'assurer sur le plan administratif et juridique d'un transfert de propriété pour tirer les choses au clair. Lire également : COUR DES COMPTES : LE RAPPORT SUR L'EXECUTION DU BUDGET 2019 EN 3 POINTS