Il représente désormais un rendez-vous incontournable de débats, d'échanges et de concertation entre les différents intervenants dans le secteur financier. Le troisième acte des «Intégrales de la Finance», co-organisé cette fois-ci par CDG Capital, Maghreb Titrisation et l'Institut CDG, a porté sur le thème de la titrisation en tant qu'alternative sérieuse de financement de l'économie marocaine. Avec 4 MMDH de titres émis, répartis sur quatre opérations, la titrisation des créances hypothécaires commence progressivement à faire sa place au sein des institutions financières. Néanmoins, seuls les établissements bancaires ont eu recours à ce mode de financement, à savoir CIH (3 MMDH) et récemment BCP avec une émission de 1 MMDH. À ce titre, le marché reste bridé par de nombreuses limitations notamment réglementaires. En effet, ne sont aujourd'hui titrisables que les créances présentes ou futures, ainsi que celles des établissements de crédit, des établissements publics, des personnes morales délégataires de services publics ou encore les compagnies d'assurance ou de réassurance. Cela dit, les acteurs du marché s'accordent à dire que l'amendement de la nouvelle loi, actuellement au Secrétariat général du gouvernement, est particulièrement opportun. Dans un contexte de déficit prononcé des liquidités et de contraction des crédits bancaires, il devient nécessaire pour les acteurs en besoin de financement, d'accéder à de nouvelles sources de capitaux (alternatives aux prêts bancaires et complémentaires aux émissions obligataires). Dans cette optique, le cadre règlementaire révisé de la titrisation pourra en effet ouvrir les marchés financiers à des acteurs ne pouvant pas accéder aux marchés obligataires (jeunes entreprises) ou seulement à des conditions dissuasives (qualité de crédit moindre) et d'offrir un nouveau profil d'investissement aux acteurs de la place. Parallèlement, dans une approche d'internationalisation et de positionnement comme hub financier régional, la nouvelle loi permettra d'ouvrir le marché des capitaux aux acteurs «islamiques», notamment via les Sukuks. Ces derniers sont des certificats d'investissement conformes aux principes de la charia (souvent perçus comme «l'équivalent islamique» des obligations conventionnelles). La nouvelle ère de titrisation permettra aux émetteurs marocains tournés vers les investisseurs internationaux, de solliciter des poches d'investissement nouvelles, notamment au Moyen-Orient et en Asie. En gros, c'est un marché estimé à 85 milliards de dollars en 2011 qui pourrait s'ouvrir aux émetteurs marocains à l'international. 4 piliers fondamentaux à consolider à court terme Tout d'abord, la refonte du cadre légal. Celle-ci se fera via l'ouverture de la titrisation à l'Etat et à tous les acteurs économiques, la redéfinition du concept, la mise en place d'un cadre légal pour l'émission de Sukuk, ainsi que la possibilité de doter les FPCT de la personnalité morale. Le second pilier est relatif à l'adaptation des dispositions fiscales. Il s'agit là de l'exonération des FPCT de l'IS, de la neutralité et de la clarification du régime applicable en matière de TVA, ou encore l'exonération des droits d'enregistrement à la conservation foncière dans le cas d'achat/rachat d'actifs. Un troisième pilier concerne l'investissement et la liquidité. Sur ce point les professionnels proposent un ratio d'investissement indépendant pour les OPCVM, d'adopter le principe de transparence pour les actifs sous-jacents des FPCT pour ce qui est de l'assurance, ainsi que la création et l'animation d'un marché secondaire efficient pour doper la liquidité. Quant au refinancement, il existe la possibilité de mettre en pension des titres FPCT, outre leur prise en compte dans les opérations de prêt-emprunt de titres. Enfin, le dernier pilier relatif à l'information et à la formation, préconise d'instaurer un cadre d'échange avec les investisseurs et cela de façon régulière, notamment via des workshops. Dans cette optique, une amélioration des reportings investisseurs est prévue pour plus de transparence. Point de vue Khalid Safir, Secrétaire général du ministère de l'Economie et des finances. L'élargissement du champ de la titrisation au Maroc, à travers la révision en cours de la nouvelle loi 33-06, devra permettre le recours en cas de besoin à l'émission de «sukuks» souverains par l'Etat, qui viendraient compléter les sources de financement du Trésor et permettraient l'élargissement du champ des investisseurs aux capitaux du Moyen-Orient et de l'Asie de l'Est. Parallèlement, le nouveau cadre légal permettra le développement des activités des banques participatives et de façon plus large de la finance islamique. Cette dernière demeure tributaire de l'émergence d'un nouveau compartiment obligataire conforme à la charia, à même de fournir aux banques des ressources pour le refinancement de leurs activités et aux investisseurs des placements de leurs disponibilités. Cependant, l'introduction des nouveaux amendements exigera l'adaptation du cadre fiscal régissant la titrisation, afin de maintenir la transparence dont bénéficient actuellement les fonds de placement collectifs en titrisation. D'ailleurs, des propositions dans ce sens ont été introduites dans le projet de loi de finances 2013. Hamid Tawfiki, Administrateur directeur général de CDG Capital Président de Maghreb Titrisation. «Une réelle opportunité se dessine» Les Echos quotidien : La titrisation est un moyen alternatif de financement intéressant. Pourquoi le produit ne prend-il pas encore au Maroc ? Hamid Tawfiki : Comme tout nouveau produit, la mise en place de la titrisation prend plus de temps pour s'installer dans le circuit économique et financier et pour que les intervenants dans ce marché puissent comprendre les tenants et les aboutissants de cet outil de financement. Il n'y a pas que les sociétés qui peuvent titriser leurs actifs, les investisseurs sont également concernés. Cela dit, l'intérêt est fort présent, mais parallèlement, il faut en permanence fournir un effort pour expliquer, former et vulgariser davantage le concept. D'ailleurs, les Intégrales de la finances ont été initiées dans ce sens, pour que les intervenants appréhendent mieux l'intérêt et qu'ils soient au même niveau d'information et de formation. La nouvelle loi en cours de discussion apportera-t-elle une nouvelle dynamique à ce marché de la titrisation ? La loi a créé de nouveaux degrés de liberté. En d'autres termes, elle permet à de nouveaux intervenants d'intégrer le marché de la titrisation, notamment les sociétés de droit privé ou encore l'Etat. Egalement, elle se voit plus flexible avec l'intégration de nouveaux produits tels que les sukuk. C'est en gros ce qu'apporte la loi. On profitera certes de cette nouvelle ossature réglementaire pour encore intensifier la pédagogie auprès des différents intervenants. Dans une logique d'internationalisation, peut-on s'attendre à ce que des intervenants étrangers sollicitent ce marché ? Bien sûr. Depuis sa création, Maghreb Titrisation a établi des relations avec des entités en Afrique, plus spécialement en matière de conseil. Aujourd'hui, il y a une réelle opportunité qui se dessine. La mise en place d'une plateforme innovante de financements structurés au Maroc contribuera au rayonnement de Casa Finance City (le hub marocain de la titrisation et des sukuk pour l'Afrique). Cependant, pour toute activité d'export, il faut tout d'abord asseoir une base nationale solide notamment en matière règlementaire, ainsi que développer le produit sur le marché local. Cela donne plus de crédibilité au produit lorsqu'on est dans une démarche d'exportation.