Une feuille de route pour réinventer le textile marocain Dix commandements qui visent, à l'horizon 2035, la réalisation d'un chiffre d'affaires de 60 milliards de dirhams à l'export et une production à hauteur de 60% en co-traitance et en produit fini. Pour les textiliens le verre est à demi-plein. Leur corporation, l'association marocaine des industries du textile et de l'habillement (Amith), a dévoilé, en début de semaine, sa nouvelle stratégie : Textile 2035, Dayem Morocco. Le choix de cette appellation «fait référence à la durabilité non seulement dans sa dimension environnementale mais aussi sociale et économique», explique Fatima Zahra Alaoui, directrice générale de l'association. Pour son vice-président, Jalil Skalli, «cette vision est en quelque sorte notre Livre Blanc élaboré à partir du constat suivant : Le secteur est une industrie majeure de l'économie qui a réalisé un certain nombre d'acquis dont notre stratégie vise la préservation». L'industrie textile a, selon les chiffres de l'Amith, une production de 95 milliards de dirhams dont75% sont destinées à l'exportation. Elle emploie 200 000 personnes, essentiellement des jeunes sans qualification et des femmes. Par ailleurs, son chiffre d'affaires est de 50,4 milliards dont 36,5 à l'export et sa valeur ajoutée atteint 15,88 milliards de dirhams. Pour les professionnels du secteur, Dayem Morocco exprime leur volonté de permettre au secteur de faire face aux mutations du marché international. Ils estiment que le textile national doit profiter des opportunités- notamment les difficultés que connaissent les pays asiatiques, et en particulier la Chine qui s'est concentrée sur son marché domestique- pour se positionner sur de nouveaux débouchés comme la Grande-Bretagne et les USA. Pour cela, l'Amith estime que le Maroc doit s'inspirer de plusieurs business-model qui ont leur preuve comme le Portugal, le Bengladesh qui est le 2e exportateur sur l'UE, la Turquie qui enregistre une croissance continue et le Vietnam qui est devenu le deuxième exportateur mondial. Des performances atteintes au prix de restructuration de la filière amont, de l'innovation, de la formation, de la compétitivité des coûts et de la facilitation de l'accès préférentiel aux marchés et à la matière première. Le Maroc doit, à l'instar de ces pays, être armé, souligne Fatima Zahra Alaoui, «pour répondre aux nouvelles donnes du marché international, notamment le boom de l'e-commerce qui a été accéléré par la crise sanitaire, les nouvelles tendances du prêt-à-porter, notamment une mode plus écoresponsable et l'émergence de nouvelles matières et du recyclage». Et c'est l'ambition de Dayem Morocco qui vise, à l'horizon 2035, la réalisation d'un chiffre d'affaires de 60 milliards de dirhams à l'export et 60% de production en co-traitance et en produit fini. Et enfin, réaliser 20% des exportations sur les nouveaux marchés de l'Amérique du Nord et de l'Europe du Nord. «Réinventer le textile marocain : Soyons Dayem» Pour atteindre ces objectifs, la nouvelle vision porte sur dix commandements qui permettront, selon l'Amith, «de réinventer le textile marocain» : «Soyons Dayem» à travers une pérennisation des emplois actuels et en créer 50 000 nouveaux, une production écoresponsable et une conquête du marché domestique. «Préparons les métiers de demain» en lançant de nouveaux programmes de formation et en accentuant la formation continue. Il est à noter qu'une convention a été signée avec l'OFPPT, en cours d'année, pour la gestion déléguée de deux centres de formation à Casablanca et Tanger. «Créons notre Textile Valle» en créant des eco-parcs aux standards internationaux. Dans ce cadre sont lancés deux projets à Casablanca et Tanger, en développement des espaces de co-working pour les start-up et équiper ces zones en énergies renouvelables. «Accélérons l'inclusion», notamment aider les entreprises qui travaillent dans l'informel en partenariat avec les Régions en vue de la mise à disposition de locaux adaptés. Aussi, le passage vers le formel peut se faire au moyen de la modernisation de la distribution en aménageant des «Asswak Namoudajia». «Osons l'innovation et le digital» pour s'adapter à l'évolution du marché international. Aujourd'hui, un vêtement sur quatre est vendu sur une plateforme digitale en Europe. Pour accompagner les entreprises nationales dans la digitalisation, la Vision 2035 suggère l'élaboration avec les pouvoirs publics de dispositifs de soutien à la création et à la R&D et la facilitation de l'accès aux plateformes technologiques en développant des incubateurs. «Développons la Moroccan Touch» pour habiller, dit-on à l'Amith, les Marocains avec des marques marocaines. On compte actuellement dix marques marocaines qui ont perdu du terrain face à la concurrence féroce des enseignes turques et à qui il faut garantir une concurrence loyale sur le marché local en renforçant les contrôles aux frontières. Mais pas seulement, puisque la Vision 2035 préconise un appui à la créativité, une prime de sourcing local, une aide à l'investissement et la fixation d'un taux minimum de sourcing local pour les enseignes qui opèrent sur le marché local. «Unissons nos forces From Fiber to Fashion» en développant les capacités pour proposer de nouveaux produits, en soutenant l'investissement dans l'amont des filières d'avenir. L'Amith mise aujourd'hui sur des matières premières nouvelles comme la laine et le chanvre. Par ailleurs, on suggère aussi l'encouragement de la production locale à travers une prime d'intégration locale et un dispositif de préférence nationale dans la commande publique. «Renforçant le Team Maroc» pour faciliter l'accès aux marchés. Cela devrait se faire via le renforcement de la collaboration Etat-Amith dans la renégociation des Règles d'origine, déployer un plan de promotion de la plateforme textile Maroc et le développement et la promotion du Label Qualité Maroc. «Partons à la conquête de nouveaux marchés» tout en renforçant le positionnement sur les débouchés traditionnels. Cela se fera en pénétrant des marchés en Europe du Nord et de l'Est, en Afrique et aux USA, en devenant le hub textile de l'Afrique, en développant des gammes compétitives pour les marchés de l'Afrique et de l'Europe de l'Est et en érigeant le «Maroc In Mode» en rendez-vous du secteur à l'échelle internationale. Le salon est prévu pour le mois de mars prochain. «Labellisons nos industries Dayem» en déployant une campagne de communication nationale et internationale sur le branding Dayem, concevoir un label Dayem ; labelliser 150 entreprises par an et référencer les entreprises labellisées et les promouvoir auprès des donneurs d'ordre mondiaux. Les textiliens, tout en étant conscients de l'issue encore incertaine de situation de crise sanitaire, restent optimistes quant aux perspectives pour leur industrie qui a enregistré des performances contrastées depuis le début de la pandémie. En effet, les exportations ont augmenté de 2% entre 2019 et 2020 mais leur part dans les importations européennes de textile a reculé de 4% durant la même période. Les exportations pourraient se rattraper grâce au réassort, puisque les donneurs d'ordre européens optent de plus en plus pour le sourcing au Maroc qui assure des livraisons en une semaine. La nouvelle vision est certes un plaidoyer de l'Amith pour renforcer le secteur mais seulement parce que, tiennent à souligner les responsables de l'association, «car plusieurs actions de la vision seront réalisées par les professionnels en dehors de toute aide de l'Etat qui est attendue sur d'autres volets, notamment les incitations fiscales, la TVA, les subventions pour aider les marques nationales et les mesures pour l'appui du passage de l'informel au formel». L'Amith a présenté, début novembre, sa nouvelle stratégie au ministère de tutelle qui l'a validée. On ignore encore le coût de cette vision mais l'Amith a déjà établi ses priorités de réalisation de ses mesures. Ainsi, à très court terme, seront entamés les chantiers de la renégociation des Régles d'origine, de l'assurance publique complémentaire pour réduire les risques sur les marchés que l'on ne connaît pas, de la promotion à l'international, à moyen terme, seront menées les actions de labellisation Dayem dont il faut définir le référentiel et à moyen long terme le développement de l'amont qui nécessite plus de temps, parce qu'il faut construire les unités de production, les équipements en machine et le développement de nouvelles matières premières .